Toto – Hydra (1979)
Philippe Cuxac
Quelle blague !!! Toto, le groupe ricain qu'on adore détester depuis 1978. Seulement voilà, lorsqu'on y regarde de plus près, respect les mecs. Déjà le line-up de ce groupe au nom improbable : que des requins ayant trainé leurs guêtres du côté de Steely Dan, Boz Scaggs, j'en passe et des meilleurs. Bref, des gugusses un peu plus calés musicalement que Sid Vicious. On peut donc aisément comprendre qu'à un moment, ils aient eu envie de passer de l'ombre à la lumière.
David Paich (claviers) et Jeff Porcaro (batterie) s'acoquinent alors avec Steve Lukather (défourailleur en chef), Steve Porcaro (claviers), Steve Hungate (basse) et le vocaliste Bobby Kimball pour former un combo protéiforme au fil des ans qui va égrener les tubes comme d'autres enfilent les perles.
Après un premier LP tendance funky jazz rock contenant nombre de tubes comme Hold the Line, I'll Supply the Love, ou l'inusable Georgy Porgy, les Toto's boys s'embarquent dans la composition d'un album plus ambitieux, Hydra. Plus « progressif » dans ses thèmes et ses envolées, ce second essai, même s'il sera moins couronné de succès car déroutant pour les fans de la première heure, les imposera dans le paysage musical.
Partons à la découverte de l'Hydre…
Hydra : intro digne d'un film fantastique, nappes de piano qui serviront souvent de fil conducteur dans leurs concerts à venir et riff acéré de Lukather, ce titre mélange habilement rock progressif et funky jazz pour exploser dans une apothéose de 6 cordes déchaînées. L'ambiance est posée….
St Georges and the Dragon : on continue avec les hydres et les monstres, Toto nous conte l'histoire de ce combat légendaire… Single imparable : riff de piano qui retient l'auditeur, couplet accrocheur et refrain évident…. Simpliste me direz-vous ? Peut-être, mais c'est aussi là tout leur génie de poser une ambiance particulière sur un titre somme toute assez basique dans sa construction.
99 : changement d'ambiance… ce titre inspiré par le film THX1138 de Luc Besson, même s'il reste aujourd'hui détesté par son compositeur Steve Lukather, reste une de leurs plages les plus inspirées. Toujours ce souci d'atteindre la perfection : chant inspiré de Lukather qui fait d'énormes progrès en la matière, percus de Lenny Castro en soutien qui emmènent l'auditeur vers des rives ensoleillées ainsi que la douce duel clavier / guitare qui porte le morceau vers sa fin toute en rêverie…
Lorraine : plage assez pop, et plus spécifiquement anglaise par son côté précieux et classique, Lorraine alterne couplet délicat et refrain catchy… le titre est malheureusement gâché par une fin en coda répétitive et lassante, voire énervante ! Mais faisons fi de ce léger ratage, il est temps de retourner la galette.
All us Boys : Hey debout les gars, on laisse tomber temporairement l'ambiance prog' de la 1ère face pour partir dans un rock endiablé avec ce couplet imparable : All us boys like to drink and smoke / Pull off a joke / Blow your minds and leave / Hot tires behind ... On vous l'avait bien dit, vous les mères de famille : tenez éloignées vos fifilles du rock'n'roll, ça craint…
Mama : retour à un univers plus ethéré sur ce morceau rythmé par le fantastique batteur qu'était Jeff Porcaro qui impose ses cassures jazzy et le savoir faire du chanteur Bobby Kimball.
White Sister : pièce maîtresse de l'album et compo majeure du groupe, cette longue pièce démarre par le piano tout en douceur de Paich qui appelle le drumming implacable de Porcaro et le riffeur Lukather pour une envolée lyrique portée aux nues par le chant impeccable de Kimball qui démontre son immense talent. La pression monte pour exploser sur un solo de furieux exécuté à la Kalachnikov par Steve.
A Secret Love : fin toute en douceur pour clôturer l'album, titre somme toute assez faiblard mais construit comme une BO d'un film imaginaire.
Au final, grande réussite artistique pour cet album qui ne laisse pas indifférent, il est bien sûr annonciateur des tubes à venir. Toto va alors s'embarquer pour une longue carrière qui verra les succès s'enchaîner, les galères arriver (décès de Jeff Porcaro notamment) et le line-up devenir aussi mouvant que certains sables dans lesquels ils s'enliseront parfois.
Tracklisting :
Hydra
St George And The Dragon
99
Lorraine
All Us Boys
Mama
White Sister
A Secret Love
Musiciens :
Bobby Kimball : chant, choeurs
Steve Lukather : Guitare, chant, choeurs
David Paich : Claviers, chant, choeurs
Steve Porcaro : Claviers
David Hungate : Basse
Jeff Porcaro : Batterie
Musiciens additionnels :
Michael Boddicker : Claviers
Roger Linn : Synthétiseur
Lenny Castro : Percussions
Marty Paich : Arrangements
Production :
Tom Knox & Reggie Fischer : Producteurs
Tom Knox : Ingénieur du son
Dana Latham : Mixage
David Donnely : Mastering