Tourbillon
karen-k
J'ai longtemps tourbillonné comme une feuille d'automne emportée par le vent me laissant submerger par mes émotions, mes sentiments, mes humeurs.
Incapable de poser un gouvernail ou alors le bloquant obstinément dans la même direction qui m'amenait immanquablement vers l'Antarctique, la banquise.
Je m'échouais inlassablement me fatigant et fatigant tous les êtres que je croisais d'abord attirés par cet océan d'émotions qui mettait de la vie dans le lac de leur morosité , mais qui finissaient par larguer les amarres incapables de suivre le rythme de ces marées.
Moi, longtemps, je me suis nourrie à leurs reflux, à leurs va et vient acceptant qu'elles soient mes boussoles, mes guides, ne saisissant pas bien où était leur épicentre, leur centre énergétique, les subissant de plein fouet et vibrant à l'unisson de leurs lames de fond.
Et puis comme le commun des mortels, j'ai voulu.
J'ai cherché à mettre de l'ordre dans tout ça, j'ai cherché à dompter les rythmes naturels.
J'ai dit à mon esprit et mon corps de se taire, de cesser immédiatement ces grondements tumultueux, ces tempêtes, ces accalmies, de rester lisses, de se rassembler en une piscine bleue chlorée aseptisée qui me permettrait à chaque fois que je le voudrais d'aller du point A au point B.
Comme tout le monde quoi. C'est bien ce qu'il y a écrit dans les livres de mathématiques non ?
Tracer une droite pour aller du point A au point B et construisez sa perpendiculaire en son milieu.
J'avais décidé de me tenir droite et au milieu, finie la petite feuille d'automne.
L'affaire aurait pu en rester là si ce tsunami n'était pas arrivé dans ma vie. Alors que je m'exerçais avec application à tenir ma verticalité perpendiculaire et que j'y arrivais chaque jour un peu mieux, un matin je le croisais dans ma trajectoire et son sourire fit fondre tous mes abscisses et toutes mes ordonnées.
Exit les axiomes, les théorèmes, les bissectrices et les angles droits, le cercle de mon cœur s'ouvrit subitement occupant tout l'espace, le mien, le sien et celui de tout l'univers.
Nous étions pris dans une bulle d'amour, son regard m'enveloppait et la petit feuille d'automne réapparut.
Elle tourbillonnait dans mon ventre, dansait, elle agitait tous mes sens.
Dès qu'il apparaissait, mes bras s'ouvraient et nous nous laissions porter par le reflux des éléments que nous accueillions heureux, réjouis, dégoulinants de bonheur et d'inconstance rejoignant les marées d'antan où nous naviguions à deux maintenant.
J'avais trouvé mon ancre, celle qui donnait sens à tous mes tumultes, celle qui me permettait de les laisser me balloter.
Je m'amarrais calmement contre son épaule et acceptait enfin toute cette mer agitée.
C'était finalement la seule chose à faire…
Karen K.