Tourner autour de Venus

sandrafrzn

Les hommes aiment tourner autour de Venus, elle aime s'en détourner.


   Assis sur un banc, les écouteurs vissés aux oreilles, un Bukowski entre ses mains qu'il survolait. Il leva la tête, laissant ses yeux profiter du vaste étendu de la mer Méditerranée. Il venait souvent rêvasser ici. Il aimait le calme qu'offrait l'endroit, l'unique bruit était la brise qui venait caresser les feuilles des arbres.

   Il fouilla dans son sac à dos, en sorti une pomme qu'il croqua violemment. Il soupira à l'interruption d'un de ces titres préférés, il regarda son téléphone :
« Toujours au même endroit ? ». Il sourit, répondit au message.
C'était Venus. Depuis qu'il lui avait montré la plateforme, elle en était tombée amoureuse et passait son temps à lui demander d'y retourner. Elle disait que c'était le lieu parfait pour divaguer, que nous n'avions même pas besoin de parler, l'endroit le faisait pour nous. Il passait son temps pendu à ses lèvres, à boire ses paroles. Il la trouvait angélique. Autant que Lucifer avait pu l'être.

   Vénus était comme toutes les autres filles, elle était moyenne. Elle n'était pas dotée d'un physique extraordinaire, et pourtant, elle décrochait l'attention de n'importe quel homme. Parfois, il se mettait à l'observer, essayant de trouver ce qu'il détestait chez elle. Mais en vain. Il aimait sa façon de plonger son regard dans le sien, aussi dangereux que celui de Médusa. Sa façon de battre lentement des cils lorsqu'elle détournait le regard, sa façon de s'humecter les lèvres, de froncer les sourcils quand elle était hésitante, et son rire stupide. Venus était aussi attractive qu'un aimant. Il ne savait expliquer pourquoi, qu'elle force terrestre poussait chaque mâle à se retourner sur elle. Sans exception.

   Il entendit quelques craquements de branches, il se retourna, elle lui fit un signe de la main en souriant. Il l'embrassa sur la joue.
« Tu as roulé vite !
— Non, pas plus que la limite de vitesse. Tu vas bien ? » Elle s'assit sur le banc à côté de lui.
« Comment peux-tu râler pour venir dans un paradis pareil. Je ne te comprendrais jamais, décidément.
— Je n'ai pas râlé. Mais quand on a une voiture c'est nettement plus facile de venir. » Elle sourit, et se tût. Elle regarda la mer pensive.
« J'aimerais bien savoir à quoi tu penses parfois, tu réfléchis tout le temps ? Rassure-moi, dis-moi que tu laisses un peu de répits à ton cerveau. » Elle ria, et sans le regarder, elle répondit : « Mon cerveau n'est pas fatigué de mes songes. » Il restèrent quelques minutes sans se regarder, ni se parler. Elle n'en avait pas envi, elle aimait être à côté de lui, profiter de l'instant présent. En rien ce moment n'était gênant. Tandis que de son côté, de nombreuses questions lui brûlaient les lèvres.
« Ce n'est pas juste. Tu peux lire en moi comme dans un livre ouvert, et moi je ne sais rien de toi.
— Il n'y a rien d'injuste. Tu sais très bien comment je suis. » Cela faisait des mois qu'il se triturait l'esprit, elle était partout dans sa tête. Il rejouait les scènes qu'ils passaient ensemble, pour voir si tout allait bien. Depuis qu'ils s'étaient embrassés, tout avait changé en lui. Non pas sa façon de la voir, mais ce qu'il pensait d'eux. Mais elle n'avait rien dit après ce baiser volé. Elle avait agit comme si rien ne s'était passé. Et il s'était posé la même question durant des semaines entières.
Il la regarda longuement avant de se pincer les lèvres et lui lançait : « À quoi ça rime nous deux ? » Elle n'avait pas été surprise par sa question. Elle s'était doutée que quelque chose n'allait pas.
Elle prit une inspiration, posa délicatement sa main sur la sienne, et sans détourner son regard de la mer, elle lui répondit : « Je nous aimes comme ça. À quoi bon se dire des je t'aimes niaient ? C'est nous deux que j'aime. Ce que nous sommes ensemble. Je suis très bien comme ça. Tu es mon meilleur ami. » Il la regarda, l'air dépité. Ses yeux, hypnotisés par ses mèches volantes autour de son visage.
« Alors pourquoi tu m'as embrassé ?
— C'était sur le moment, sans importance. » Il retira sa main sous la sienne. Tourna son corps en direction du sien, elle ne bougea pas. Il l'observait, comment pouvait-elle être aussi détachée ? C'était-il dit. Elle souriait presque.
« Pourquoi tu es comme ça Venus ? » Elle ne répondit pas, elle mordille le coin de sa lèvre inférieur. Il se retourna, n'attendant aucune réponse. Il savait qu'elle resterait muette. Elle n'aimait pas parler des sentiments, elle avait pour habitude de dire que l'amour n'était qu'une illusion. Autant que la religion selon elle.
« Je suis comme je suis, c'est toi qui t'es trompé sur moi. » Elle ne l'avait pas dit méchamment, elle avait raison. Il s'était trompé sur elle, il avait oublié tout ce qu'elle pensait de l'amour, des relations, pour laisser place au fantasme d'un Eux illusoire.

   « Tu ne te rends même pas compte du mal que tu fais autour de toi.
— Tu devrais grandir.
— Je ne te parle pas de Cendrillon ou de ces conneries d'enfance Venus ! Je te parle de nous, de relations humaines ! Ne me dis pas que tu n'es jamais tombée amoureuse.
— Et bien non, l'amour sonne comme une fausse note chez moi. Si tu n'es pas prêt pour qu'on soit de vrais amis, ce n'est pas la peine que je reste ici.
— De vrais amis ? Merde Venus ! Tout tourne autour de toi, de ce que tu veux Toi ! Et moi ? Je n'ai pas le droit de donner mon avis ? » Elle soupira, continua de regarder le sol.
« Je suis bien comme ça. Pourquoi devrait-on compliquer les choses ?
— Peut-être parce qu'on agit plus comme un couple que comme des amis.
— Écoute-moi, j'ai besoin d'un ami, un vrai. Un baiser ? C'est quoi ? C'est éphémère. Alors que nous, ça vaut bien plus que tout ça. » Elle avait tapé au bon endroit, une fois de plus il restait là, à l'écouter. Il était d'accord pour être en désaccord.

   Elle s'empara une nouvelle fois de sa main. Le menton face au paysage digne d'une carte postale. Le visage détendu, elle souriait paisiblement. Ses yeux ne pouvaient se détacher d'elle, il ne savait pourquoi ses atomes tournaient autour de son astre, et pourquoi il ne pouvait s'en défaire. C'était son Étoile du Matin. Elle brillait, mais elle était profondément noire et remplit d'incertitudes et de démons.
Il déposa un baiser dans sa chevelure, il s'imprégnât de son parfum vanillé. Qu'il lui était difficile de s'avouer qu'il ne pourrait jamais apprivoiser ce cœur sauvage.
Elle déchira une feuille de papier qu'elle sorti de son sac à main, elle griffonna quelques mots. Elle s'était appropriée une citation de Lord Byron qui était « L'amitié est l'amour sans ailes », en la transformant en « L'amour est l'amitié sans ailes ». De ce papier elle en fît un oiseau, qu'elle tendit à son ami :
« Notre amitié va au-delà de l'amour. » Il prit l'origami, et la serra dans ses bras.
« Je nous aime aussi. »

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