Trahison

lanad76

Tel est pris, qui croyait prendre...


Le chat l'avait su avant tous les autres. Les yeux plissés, alerte, il épiait la maison rénovée entourée d'un jardin en friche. L'air humide du matin frôlait les cheminées, caressait les allées. Au pied d'une barrière cassée, des feuilles mortes s'entassaient.

Il supputait qu'en ce matin du 25 décembre, sa vie allait changer à tout jamais. Pendant un moment il oublia son tracas, concentrant  son regard sur le tas qui se dressait devant lui. Tel un volcan, les feuilles chatoyantes de l'automne s'étaient entassées autour du poteau de bois vermoulu, et la légère brise de l'aube  les faisait virevolter comme une coulée de lave. Le frottement de ce balais feuillu était accompagné d'un léger bruissement qui lui  faisait bouger ses oreilles comme une girouette folle. Et pour couronner le tout, ses moustaches commençaient à geler sous les flocons de neige qui s'épaississaient depuis plusieurs minutes, transformant le cratère en station de ski pour les fourmis, il en aurait presque sourit. Sortant de sa rêverie,  il se tint soudainement  aux aguets, un léger couinement sortit du monticule qui n'était qu'à quelques centimètres de lui, Tous ses muscles bandés, il avait l'attitude du chasseur attendant sa prise, La petite musaraigne qui pointait son  museau mutin n'avait aucune idée de se qu'elle risquait. Mais la lumière qui s'allumait dans le salon de la maison changea la donne, et lui sauva la vie, Le chat perdit son instinct de guerrier en un clin d'œil, il avait conscience que sa place auprès de sa chère Léa, la petite fille qui venait de se lever et se précipiter au pied du sapin, ne serait plus le même après avoir ouvert LE cadeau de Noël, qui trônait dans la pièce, et qui allait le déchoir dans l'estime de sa petite maîtresse, dès qu'elle aurait soulevé le couvercle enrubanné. Ce qu'elle fit avec précipitation,  libérant un adorable petit chiot blanc et noir  qui se mit à sauter, japper et frétiller de joie dans les bras de Léa qui scandait des mercis à ses parents, comme si c'était le seul mot de vocabulaire qu'elle possédait. 

Et voilà, le drame était bien présent, cette boule de poil allait devenir le meilleur ami de la fillette, et il regardait la scène impuissant, de loin, tremblant de froid et de désespoir. Rien de pire de pouvait lui arriver, enfin c'est ce qu'il pensait..

Tout à ses tristes divagations, il n'avait pas vu la porte d'entrée s'ouvrir, libérant l'animal ennemi sur son territoire. Il arrivait en frontal sur lui ,en aboyant timidement mais suffisamment pour effrayer un félin transi. Il ne restait plus qu'une chose à faire , fuir, et vite, Et cela était malheureusement bien l'ultime humiliation de sa vie de chat, le prédateur devenu proie.

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