Trempée de douleur.

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Ces mots sont un mélange de ma mort et de milliers d'autres. La mort que je vivais. Mais que j'ai réussi à tuer.

Sophie ne sait plus où elle en est. En fait si, elle le sait : à rien. Elle n'en est a absolument rien. Rien. Elle essaye en vain, se creuse la tête pour trouver une réponse. Une bonne réponse. Mais non, rien de beau ne vient. Tout est triste et lourd, comme ses grosses larmes qui s'écrasent sur ce sol si loin…

Sophie n'arrive pas à sourire, ses lèvres tremblent. Comme tout son corps en sueur.

Elle a peur. Mais peur de quoi ? Qu'est ce qui peut être pire que sa vie ? Si elle en est là, c'est qu'elle connait tout de la souffrance et qu'il n'y plus de raison d'aller plus loin, non ? Si elle en est là, c'est qu'elle a tout vu ?

La mort ? Sophie peur de la mort ?! Non, Sophie est trop courageuse pour ça. Sophie déteste la mort, elle n'a pas peur d'elle. Elle la haï. Cette folle, insatiable de sang et de peine. Ce serpent venimeux qui se glisse discrètement dans votre vie et guette le meilleur moment pour surgir et vous bouffer les entrailles.

Elle vous transperce le cœur, l'âme, et tout ce qui vous compose. Vous ne savez plus pourquoi vous existez, à quoi vous servez… Vous n'êtes qu'une misérable vie parmi tant d'autres. Eh oui, il en a plein des gens comme toi Sophie. Des gens qui crient sans bruits, des gens incapables de se relever, de positiver. Des gens qui attendent sagement, silencieusement, une main tendue pour les relever.

Des mains il y en a partout. Dans les poches des jeans, des manteaux, serrées, levées, belles ou abîmées… Elles sont nombreuses ces mains, il y en a deux fois plus que d'Hommes. Oui, elles sont nombreuses, mais jamais elles ne se tendent.

Sophie regarde ses mains. Elles sont fines et pales, ses ongles sont rongés aussi.

Mais bordel ! Qu'est-ce que tu fous à regarder tes mains Sophie ? Concentre-toi… !

Sophie baisse les yeux. Son cœur s'affole dans sa poitrine, sa respiration s'accélère. Elle pousse un petit cri, comme si elle venait apparaître à cet endroit. C'est si haut… Si l'on suit le mur jusques en bas, on arrive sur le trottoir. Il n'y a pas grand monde ce soir, c'est sans doute pour ça que personne ne l'a remarquée.

Ou pas… Si ça se trouve les gens s'en foutent, comme d'habitude. Tout le monde se fout de Sophie. On passe devant elle sans se retourner, on ne lui parle pas, mais par contre on parle d'elle. On aime bien parler de Sophie et de sa « triste vie ». C'est un des sujets les plus intéressants. On aime dire « moi si j'étais à sa place, je me suiciderais… » et « Oh la pauvre… ».

Est-ce qu'on le pense ? Peut-être… Sophie n'a jamais eu de grande confiance envers les gens. Elle a peur d'eux. Peur du monde et de ses réactions. Quand Sophie parle, constamment elle se dit « pourquoi j'ai dit ça…?! ». Elle se tripote les ongles nerveusement et cours se cacher dans un coin, pour que les gens risquent encore moins de la remarquer.

Elle ne s'aime pas. Sur elle rien n'est beau. Son être n'est autre qu'un empilement d'erreurs, une bassine pleine de pierres sales, un trait rouge sur un mur blanc. Oui c'est ça. Un trait. Une traînée de rouge, paumée qui ne sait jamais ou aller et ou rester.

Sophie n'arrive pas à relever les yeux, ses mains sont agrippées aux rebords de la fenêtre, ses pieds raides pendent dans le vide.

Elle ne sait plus ce qu'elle doit faire. Pourquoi est ce qu'elle est montée là ? Pourquoi est ce qu'elle y est toujours ? Sophie t'es assise sur le rebord d'une fenêtre et si tu lâches tu meurs.


Tu crèves.

Fin.

Plus rien.

Juste du sang par terre et des os brisés.

Le sol ne sera même pas abîmé, il faudra juste le nettoyer et les gens pourront recommencer à y marcher.

Sophie se calme. Elle est en train de se tromper, de tout abandonner.

Tout abandonner ? Mais non Sophie ! Tu n'as rien, alors tu n'abandonnes rien. Tu n'as pas de famille, pas d'amis, pas de joie, pas d'envies… Tu n'as même pas de sourire !

Sophie se remet à pleurer. Elle a l'impression d'être trempée. Trempée de douleur.

 

En bas une femme pousse un cri en la voyant.

Sophie sursaute. Cette femme à peur d'elle. Elle tient la main d'un enfant avec une casquette bleue. Tous les deux la fixent comme si c'était un monstre. La femme dit des choses mais Sophie ne les entend pas. Elle fouille dans son sac dont la moitié tombe par terre tellement il est plein. La femme a son téléphone dans les mains, elle le met contre son oreille, ses lèvres remuent.

 

Sophie comprend : elle est en train d'appeler des secours.

Des gens qui vont l'empêcher de sauter.

De faire ce qu'elle veut.

Comme toujours.

 

Sophie ne veut pas.

Elle en a marre.

Marre et plus que marre.

Alors cette fois elle décide.

 

Un cri aigu s'échappe de sa gorge.

 

Sans doute son âme qui vient de la quitter…

 

Elle ferme les yeux, se penche en avant, toujours agrippée aux rebords de la fenêtre. Elle a l'impression qu'elle ne peut plus respirer, que son cœur s'est bloqué.

 

Comme si lui aussi il avait décidé d'abandonner…

 

-    S'en ai fini pour Sophie. Dit-elle doucement.


Peur.

Chute.

Vide.

Rouge. Noir.

Mort.

 

Sophie n'a pas choisi sa vie.

Elle a choisit sa mort.



Cécile.

 

 

 

 

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