Trentenaires et (presque) aucun souci - Extrait 01

chleurk

Zoey sortit de la douche et s'enroula dans sa serviette. L'eau chaude la relaxait toujours. Elle secoua sa crinière rousse et se dirigeait sa chambre quand on frappa à la porte. Elle se figea. Elle n'attendait personne. Elle vérifia dans le miroir que sa serviette était mise correctement et alla ouvrir. En découvrant le visage de la personne en face d'elle, son sourire se décomposa et elle fut ramenée des années auparavant.

Paris, 2004

-          Zoey ! Qu'est-ce que tu fais ? On t'attend !

Zoey ouvrit un œil dans la pénombre de sa chambre. Elle avait mal partout.

-          Allez-y sans moi, les filles ! croassa-t-elle. Je suis fatiguée, il faut que je me repose.

-          Mais Zo, on sort fêter ton anniversaire, on ne peut pas sortir sans toi !

La jeune femme vit la poignée de la porte s'abaisser mais le verrou était poussé.

-          Zo, ça va ? Tu t'es enfermée ! Ouvre !

Zoey se redressa sur son lit. Elle n'avait aucune envie que ses amies la voient dans cet état.

-          Je suis malade, n'entrez pas !

-          Zoey Scott, je te jure que si tu n'ouvre pas cette porte immédiatement, je l'enfonce ! hurla Eve depuis le couloir.

-          Eve, s'il te plaît…

-          Alors ouvre !

A contrecœur, elle se mit debout et déverrouilla la porte. Le battant s'ouvrit dans un grincement sinistre et elle vit Eve et Anna cligner des yeux pour s'habituer à l'obscurité.

-          Mais pourquoi t'as fermé les…, commença Anna avant de s'interrompre en dévisageant son amie. Putain, Zoey ! Qu'est-ce qui t'est arrivé ?

En entendant ces mots la britannique retourna s'asseoir sur son lit et tira ses manches pour dissimuler les bleus qui couvraient ses bras.

-          Rien, c'est rien. Laisse tomber, marmonna Zoey.

Elle tenta de cacher le reste des contusions mais Eve fut plus rapide qu'elle. Elle lui attrapa l'avant-bras et l'amena à la lumière.

-          Qui t'a fait ça ? demanda-t-elle, les yeux remplis de colère.

Zoey haussa les épaules et grimaça de douleur.

-          Qui t'a fait ça ? répéta Eve en lui secouant le bras. Mais tu vas répondre à la fin ? C'est grave !

-          C'est rien, je me suis fait mal, c'est tout.

Elle fuyait le regard de sa colocataire.

-          C'est Paul, c'est ça ? fit Anna brusquement. C'est lui qui te frappe ?

Zoey ne confirma pas. Mais elle ne nia pas non plus.

-          Merde Zoey, tu aurais dû le dire.

Eve l'avait lâchée. La jeune femme en profita pour se réfugier dans le salon. La soudaine clarté l'aveugla un instant, révélant son visage tuméfié. Heureusement que David était chez la voisine, il n'aurait pas compris ce qui se passait.

Elle entoura ses bras de ses genoux et se mordilla la lèvre.

-          C'est parce qu'il était stone, finit-elle par avouer. Il n'était pas lui-même. Ce n'est pas sa faute. Moi aussi, j'en avais pris un peu. Du coup je n'ai presque rien senti. Mais ça va, ça va aller.

-          Non, ça ne va pas aller, rétorqua Eve. Tu n'as pas intérêt à le revoir, tu m'entends ? Ce type est malsain, il est dangereux !

-          Mais tu es qui pour me dire qui je dois ou ne dois pas voir ?! hurla soudain Zoey. Je suis majeure, je fais ce que je veux !  Mon père est en Angleterre et ma mère est morte alors je décide de ma vie, c'est clair ?!

Eve ravala sa réplique. Elle comprit qu'elle aurait beau s'énerver, ça ne changerait rien. Alors elle attrapa son sac et sortit de l'appartement en claquant la porte. Anna s'approcha doucement de Zoey, qui pleurait toutes les larmes de son corps. Elle la prit dans ses bras et la berça un peu.

-          Ça va, Zo. On est là maintenant. C'est fini…

Paris, 2011

Ainsi Paul l'avait retrouvée. Zoey essaya de fermer la porte mais il l'en empêcha.

-          Dégage ! lança la jeune femme en poussant de toutes ses forces sur le battant. Dégage !

-          Attends ! Zoey, s'il te plaît !

Elle s'immobilisa.

-          Quoi ? Qu'est-ce que tu veux ? cracha-t-elle. Me frapper ? Encore une fois ?

-          Non, écoute, ce n'est pas ça… Laisse-moi entrer, je vais t'expliquer.

-          Oh, non ! Je ne te laisserai jamais franchir le seuil de cet appartement, c'est compris ?

-          Allez… Zoey, je t'en prie…

Visage fermé et poings crispés, elle se jeta contre la porte qui coinça les doigts de Paul entre le battant et le mur. Il poussa un cri de douleur mais retira sa main. Zoey en profita pour claquer la porte. Puis elle se précipita vers le téléphone et appela Eve.

-          Allô ?

-          Eve, c'est Zo. Il est revenu !

Sa voix tremblait, elle était paniquée.

-          Qui est revenu, ma belle ?

-          Paul ! Paul est revenu, Eve ! J'ai besoin d'aide !

-          J'arrive tout de suite. Ferme à clé.

Eve raccrocha et Zoey, fébrile, essaya d'enfoncer la clé dans la serrure. Sur le palier, Paul hurlait comme un fou. Il frappa contre la porte et Zoey poussa un petit cri de terreur. Enfin la clé entra dans la serrure. Elle tourna deux fois et s'enferma dans sa chambre, poussant le verrou. Ses vieux démons venaient de ressurgir. Et avec eux la peur qui lui avait si souvent noué le ventre.

Dans un moment de lucidité, elle enfila des vêtements et attrapa sa bombe de gaz lacrymogène dans son sac à main. Elle ne s'en était jamais servie mais était persuadée qu'elle pourrait l'utiliser sans lire la notice.

Bientôt des éclats de voix retentirent sur le palier. Il y avait beaucoup de monde. Zoey sortit de sa chambre et s'approcha tout doucement de la porte, tenant bien serrée dans son poing la petite bouteille.

-          Zoey ! C'est Eve, ouvre, c'est bon !

La jeune femme relâcha sa garde et ouvrit la porte. Paul était à terre, menotté et tenu en respect par trois agents de police. Zoey vacilla mais Eve la rattrapa, la serrant contre elle.

-          Tout va bien, c'est fini. Il ne te fera plus jamais de mal, je te le promets…

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