Tu nous fais une déprime?

Christophe Hulé

- J'ai idée que tu vas encore me faire une scène.

- Et pourquoi ?

- Parce que c'est l'heure.

- Ouais ben là ce soir j'ai pas envie, je suis lasse, tu comprends.

- Ça c'est un scoop, tu t'es dégoté un amant.

- T'es vraiment trop con !

- Ben voilà, c'est parti.

- C'est toi qu'il dit, le coup de l'amant c'est un pétard mouillé, ce soir je me vautre sur le canapé et je regarde des trucs débiles à la télé. Ça c'est pas compliqué, y en a presque sur toutes les chaînes.

- Dis-moi, tu n'es pas malade au moins ?

- Je rêve, tu t'inquiètes pour moi ?

- Allez, on n'joue plus là, tu nous fait une déprime ?

- C'est bien le problème, pour toi tout ça n'est qu'un jeu.

- C'est quoi « tout ça ».

- Ben cette comédie qu'on fait tous les soirs, comme sur une « scène » justement, pour entretenir l'illusion que notre amour est encore vivant.

- Bon, j'appelle un médecin demain matin, tu vas pas au boulot.

- Et pourquoi donc, c'est pas l'boulot qui m'fait chier.

- Et c'est quoi alors ?

- Tu devines pas ?

- Là c'est plus une scène.

- T'es pas trop con quand tu fais des efforts.

- Alors vide ton sac.

- C'est tellement joliment tourné. Certains diraient : « Je vois bien chérie que quelque chose te tourmente, si j'en suis la cause dis-le moi, mon seul bonheur est de savoir que tu es heureuse ».

- Ouais, on en revient à la télé, t'as dû voir ça dans un feuilleton guimauve traduit de l'amerloque.

- Tu m'fais chier !

- Ben voilà, je te retrouve !

- Il date de quand notre dernier voyage, notre dernier restaurant, notre dernier spectacle, notre dernier …

- OK, OK, j'ai compris !

- Et c'est possible pour toi de mettre des mots pour dire ce que tu as compris ?

- Tu t'fais chier avec moi.

- Putain t'es naze ! Merde, t'as-vu l'heure qu'il est ? C'est mon feuilleton, tu peux t'occuper du dîner mon chou ?

- Alors c'est fini pour ce soir ?

- On reprend demain soir, pas question de rater l'épisode.

- OK, des pâtes ça t'va?

- J'm'en fous mon amour, tu fais comme tu l'sens.

Signaler ce texte