Tu seras heureuse ma fille

ivy

La promesse du bonheur n'est qu'une vil effluve d'espérance. Mais murmurée par les gens que l'on aime, nous avons envie d'y croire. 

"Tu seras heureuse ma fille, tu seras heureuse". 

Moi, seule dans ma chambre, en train de hurler mon désespoir. Moi, seule dans mon lit, suppliant le monde de me sauver.

Cette promesse de bonheur m'a été soufflée par celle qui m'a mise au monde. Rien de plus normal me direz-vous.

Ma mère, cette femme forte à la voix rocailleuse et au physique lourd d'un passé sombre. Son amertume a déteint sur moi, sa colère me dévore chaque jour un peu plus.

Ne pouvait-elle pas seulement me léguer ses yeux couleur émeraude ?

Mais ce sont ces mêmes yeux, qui aujourd'hui me font trembler de peur. Car ma mère est pleine de paradoxes. Elle me donne un souffle de vie inépuisable, fin mais continu. Et elle me détruit, en une seule parole, ravageante. 

Et pourtant, c'est elle-même qui m'a susurré à l'oreille : 

"Tu seras heureuse ma fille, tu seras heureuse".

Elle a prononcé ces mots à peine quelques heures après m'avoir exprimé que je ne méritais pas la vie, qu'à tout bien y réfléchir, si c'était à refaire, elle ne mettrait pas au monde une chose aussi laide et inutile.

Je lui en ai voulu, tellement. Ces mots étaient énoncés dans le plus grand des calmes, semblaient représenter sa vérité intime, limpide, irrémédiable, je lui avais gâché sa vie.

Mais c'était aussi la seule qui pouvait me prendre dans ses bras, récoltant les pièces de mon âme qu'elle brisait bien trop souvent. Il en reste des miettes éparpillées, en poussière. 

Je crois qu'au final, je lui ressemble trop. Elle se détestait et par prolongement, elle me détestait. D'une soirée trop arrosée, au côté d'un homme trop adulé, voilà qu'une jeune femme apprend qu'elle va devenir maman, célibataire et fauchée pour ne rien vous cacher. 

C'est ainsi que je suis née. Dans les rêves d'un avenir qu'elle n'avait plus et dans les affres d'un passé qu'elle avait perdu. Comment ne pas me détester ? Comment ne pas me rendre coupable d'exister ?

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