Tuer pour Cholon (24)

Alain Balussou

pièce 24 Ces vieux

                  CES VIEUX


Ils portaient des bleus rapiécés,
des hottes pleines d'herbe,
dans l'œil, qui larmoyait,
l'effroi, l'amusement d'avoir usé deux guerres.
Tacticiens aux manilles
du samedi, ces vieux à sobriquet,
pour le simple authentique aimaient passer simplets
à l'occasion, pas en famille,
peut-être pas souvent si plus que le contraire.
Ils jaugeaient les autorités
civiles, militaires,
à ce qu'elles avaient été,
le mot égalité, le mot fraternité,
dans les bouches et sur les marbres,
les vieux, ils les laissaient de marbre.
Les enfants les croyaient
vieux depuis toujours. Mais non !
De préférence ils s'en allaient par mort subite,
les rescapés proclamaient leur approbation.
En quatre-vingt-dix, tous, je crois, étaient morts,
je ressens regrets et remords,
quelques femmes restant à survivre
parmi des chats et des armoires-monument.
Lorsque je pense à eux ce n'est pas pour tout ça,
cependant,
j'en viens à ce langage.
Ils parlaient châtié, s'ils voulaient,
le français excédant leur bagage,
ce qui me subjuguait,
moi...
entre leurs dents
la poésie roulait en forme de patois.


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  • manilles du samedi et coinchées sur la nappe à carreaux du café du village,ils étaient plutôt avares de mots

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Photo

    Susanne Derève

    • Le plus jeune que j'aie
      connu était né en 1900. Il s'appelait Julien Savary. Il est parti au front à dix- huit ans en 1918, dernière année de la guerre.

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Photo 1 orig

      Alain Balussou

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