Un agneau dans la Meute (Rouge glace)
Caïn Bates
L'odeur du feu masque celui de la rosée matinale et le crépitements des flammes a remplacé le chants des oiseaux. Je ne perçois aucun mouvement, aucun goût. L'air danse dans toutes les directions mais je parviens aisément à me diriger vers le lieu où tout se déroule. Qu'est ce que cette garce à bien pu faire encore ?
Les habitants de la nature ne semblent pas avoir fui. Pire, ils semblent même tenir leurs positions autour du camp. Même les moineaux et les lièvres dégagent une sensation de puissance phénoménale, c'est toute une armée d'herbivores qui mènent un siège à juste une cinquantaine de mètres autour du camp. Sur mon passage, quelques renards m'escortent pendant plusieurs minutes jusqu'aux abords des premières tentes éventrées. L'odeur du souffre ne semble pas les déranger et je commence à comprendre pourquoi. Il n'y a pas la moindre présence de feu. Pas le moindre indice d'où peut bien provenir cette odeur, aucune trace de flamme quelconque ni le moindre noircissement de la terre ou sur les tissus. Il n'y a plus que le sang et les chairs étendues sur le sol. Mes hommes n'ont même pas su anticiper le carnage, leurs armes encore dans les fourreaux et les cadavres emmitouflés dans les couvertures transpercées.
"Ils n'avaient aucune chance, ils pensaient que leur capacité à tuer était animale mais la moindre feuille de ce bois est plus mortelle que tout tes hommes réunis. Ils n'ont eu que ce qu'ils méritaient, tu as eue ce que tu mérité."
Sur ces mots, le mioche commence à glisser son doigt contre ma nuque.
"Dis moi, c'est comment de mourir, Loup?"
J'essaie de l'attraper en me retournant brusquement mais il n'est déjà plus là.
"Je vois, tu n'as pas encore compris"
Sa voix, elle est réelle mais lui semble ne pas exister. Aucune odeur, aucune présence. C'est donc ça, le soufre, ces enflures ont aspergés le camp de soufre pour se dissimuler. Même le meilleur chasseur n'aurait pas la moindre chance dans ces conditions.
"Respire, imprègnes-toi de l'odeur."
Après quelques secondes à humer l'air à plein poumons, je commence à percevoir une autre odeur, plus douce, de l'amande, mêlée à celle du sang.
"Là, tu commences à y voir clair n'est ce pas ? Nous avions gagné ce combat bien avant qu'il ait commencé."
Du cyanure. Ils étaient déjà morts avant que je parte. Et je n'ai même pas senti l'odeur du poison ou de la putréfaction. J'étais trop subjugué par mon désir de la tuer.
"Où est elle?
- Qui ?
- Celle qui a fait ça ?
- Diane ?
- Oui, Diane, en ne cachant plus mon impatience. Où cette traîtresse est elle partie ?
- Elle ne t'as pas trahie, elle t'était dévouée corps et âme. Mais, désormais, elle va continuer son voyage seule.
- Et comment tu appelles ça ?
- La providence ? Le destin ? La justice ?
- Gamin, je t'ai bien traité jusqu'à présent, ne me forces pas à te faire ma-
- C'est moi qui t'ai trahi, imbécile. Tu as enlevé et maintenu en captivité un de leur plus précieux assassin. Mais, nous n'allons pas te tuer, ça fait presque 8 ans que je veux un loup de compagnie, depuis que j'ai l'âge de parler.
- Tu penses être capable de me garder sous ton emprise, débutant.
- Et qu'est ce qu'un clébard, un vulgaire bâtard comme toi, pourrait faire contre un sanglier comme moi ? Tu dis rendre justice à la nature, vouloir punir les Hommes mais tu n'es qu'un gosse qui refuse de grandir et qui se rebelle contre un système qu'il ne comprends pas. Tu es toujours un esclave, libre certes, mais toujours en laisse."
Il n'est pas seul, je sens l'odeur d'au moins trois adultes à proximité. Et celle de Diane, elle est revenue.
"Tu la sens n'est ce pas ? Bon toutou, cherche ta maîtresse, allez va chercher."
Elle transpire la mort, c'est trop rare pour être anodin, elle est venue tuer. Ma petite vilenjak* s'est réveillée, enfin. Je peux aisément ressentir ses pas s'approcher dans le sol.
"C'est bon Deataigh, il est à toi. Pour une année seulement, après quoi il sera libre de vous anéantir tous, je lui viendrai en aide s'il le faut.
- Bien.
- Et je prends Sobaka avec moi. Assures toi qu'il me soit rendu en bon état.
- Un chien contre un chien, c'est équitable.
- On se revoit vite, maître. Elle s'approche de mon oreille. Adultes."
Avant de s'éloigner, elle pose ses lèvres dans mon cou, je peut presque sentir ses canines à travers. Elle part sans un regard, d'un pas assuré et confiant.
"Diato ?
- Deataigh, il insiste sur chaque lettre, c'est mon nom. Du moins, celui que j'ai choisi de porter.
- Original. dis-je d'un ton sarcastique.
- Pas vraiment, ça pourrait se traduire par fumée dans votre langue.
- Fumée. je murmure."
Il lève sa main droite et je perçois du mouvement à l'extérieur, son escorte s'éloigne.
"Tu vois, la nature n'a pas besoin de parler de se faire comprendre, elle n'a pas besoin de se montrer pour se faire respecter. Tout ce temps, tu n'as étais qu'un imposteur".
*Elf en serbe