Un autre compte de Noel

Jerry Milan

Pedro regardait la vitrine du magasin. Ce soir c'était Noël et il faisait bien froid. La neige commençait doucement à tomber. Pedro ouvrit la bouche pour attraper un flocon au vol. Beurk,c'était froid et dégueulasse. Et sans goût. Pas du tout comme un esquimau à la fraise. La vitrine par contre était très belle. Ca faisait plusieurs soirs qu'il reluquait cette vitrine en sautillant d'un pied à l'autre et qu'il réfléchissait quoi offrir comme cadeau à sa mère. Il y avait plein de trucs qui se reflétaient dans les grosses boules multicolores. Des boites de couleur avec des friandises et des chocolats,des bocaux et des conserves exotiques,des bouteilles aux formes multiples avec dedans du vin,sans doute ou de l'alcool.

- Beurk , se dit Pedro. Pas d'alcool.

Il a trop souvent vu son père avec ce genre de bouteille à la main. C'était avant que maman le flanque dehors. Puis il est revenu. D'abord il était rigolo et puis d'un coup d'un seul,son regard s'est assombri et puis ça finissait toujours de la même manière:il commença à crier et à cogner sur tout ce qui passait à portée de son poing. Pedro n'aimait pas ça. Un matin tôt,avant qu'il aille à l'école,les gendarmes sont venus et ont amené son père avec eux. Maman a dit qu'il le fallait,qu'il était malade et qu'il fallait le faire soigner à l'hôpital. Pedro s'en foutait,mais il ne comprenait pas pourquoi, lorsque un jour,malade et étant obligé d'aller séjourner à l'hôpital,ce n'est pas les gendarmes qui sont venus le chercher,mais les ambulanciers. Pedro ne savait pas qui c'était,les ambulanciers,mais maman lui avait expliqué:

- Les ambulanciers sont ces hommes en blouse blanche qui amènent en voiture-ambulance les gens à l'hôpital pour les faire soigner. Ils sont très gentils alors il faut être gentil avec eux.

Pedro a été très gentil,mais il aurait quand même préféré,que ce soient les gendarmes qu'ils l'amènent. Ils avaient des belles casquettes et surtout des flingues. Et ils étaient beaux. Alors que les soit-disant ambulanciers ne ressemblaient à rien, eux.

Pedro continuait à sautiller sur ses jambes et à presser dans sa poche un petit porte-monnaie en cuir souple contenant un billet de dix euros roulé en boule. Un voisin,monsieur Richard lui l'avait donné un jour,quand en rentrant de l'école,il l'avait trouvé étendu en bas des escaliers de leur immeuble,vautré dans ses courses éparpillées par terre et dans son vomi. Il paraît qu'il était ivre. C'est sa mère qui lui l'a dit. Pedro ne savait pas ce que voulait dire « Ivre » ,mais monsieur Richard lui a rappelé son père. Alors il l'a aidé à se relever,lui a ramassé ses courses et l'a tiré dans les escaliers pour le monter chez lui. Il a eu peur que monsieur Richard lui tape dessus,mais au lieu de ça,il lui a sorti de sa poche ce billet de dix euros tout froissé.

-Tiens,c'est pour toi ,petit qu'il a dit.

Maintenant le bifton était dans la poche de Pedro,roulé en boule dans son petit porte-monnaie. Ca faisait tout de même beaucoup d'argent,alors il n'en a rien dit à sa mère. Il voulait le garder « au cas où » et ce « au cas où » c'était justement ce soir car c'était Noël avec son réveillon et ses cadeaux. Alors ce billet allait enfin servir pour en acheter un à sa maman.

-Mais quoi? Son regard parcourait la vitrine dans tous les sens et n'arrivait pas à fixer un objet qui lui plaisait et,surtout,fallait pas que son prix dépasse les dix euros. Comment savoir? Ce n'était pas du tout évident parce-que les prix n'étaient pas indiqués. Alors,tout en sautillant,ses yeux ont fini par atterrir sur un petit et joli paquet de chocolats fourrés à la crème de noix de coco. Pedro trouva le paquet très beau mais,c'est surtout ce palmier dessiné dessus qui a attiré son attention. Le palmier faisait très lointain et très exotique. Presque africain. Ici,il n'y avait pas de palmiers et Pedro n'en avait jamais vu pour de vrai. Juste sur des photographies. Il voyait déjà sa mère fermant goulument les yeux en disant:

-Mon petit Pedro,un palmier?Mais dis moi,ça doit venir des pays très lointains. Au moins d'Afrique. Il a du te couter très cher,ce paquet de chocolats. Et Pedro souriant en coin: 

-Mais non,maman,pour toi,rien ne vient jamais de trop loin et rien n'est jamais assez cher …

Il était gentil son Pedro et il aimait sa maman.

-Pourvu que le prix de ce paquet ne dépasse pas les dix euros, se disait Pedro perdu dans ses pensées quand tout d'un coup,il sentit une main se poser sur son épaule. Il en sursauta de trouille.

Il se retourna et là,tout près de son visage se penchait sur lui la barbe blanche du père Noël!

Pedro ne croyait plus au père Noël, il savait depuis un moment déjà qu'il n'existait pas et que c'était une pure invention des parents et du marketing,mais là,soudainement,il a eu un doute. Surtout,que celui-ci était bien conforme à l'original avec son bonnet et son pardessus rouge. Manquait que la hotte.

-Dis-moi,petit,ça fait au moins une demi-heure que je t'observe de l'autre coté de la rue trainer et sautiller devant cette vitrine. C'est quoi,ton problème? 

Le père Noël puait de la gueule,donc il ne pouvait point être un vrai. Il puait de la gueule exactement pareil que monsieur Richard quand Pedro l'a ramassé en bas des escaliers.

-T'sais quoi gamin? Ce soir de Noël je suis la chance de ta vie? Dis-moi ce qui te tracasse et j'exhausserais tes voeux ! 

Pedro ne savait pas exactement ce qu'il voulait dire par ce: « J'exhausserais », mais il sentit que si c'était la chance de sa vie,fallait la saisir illico. Alors il raconta au faux père Noël son vrai problème avec le cadeau qu'il voulait offrir à sa mère ce soir de réveillon. Ne connaissant pas le prix du paquet des chocolats il ne pouvait pas savoir,s'il avait assez avec son billet de dix euros. Et il ne voulait surtout pas se faire jeter par se connard de vendeur au cas ou il lui manquerait des sous. Se serait une vrai humiliation!

-Ne t'en fais pas mon p'tit gars ,rétorqua le barbu en rouge, mon petit doigt me dit que t'a assez et s'il te manquait un peu de pognon,je t'arrangerais le coup. Le vendeur est mon pote. Je vais entrer dans ce foutu magasin avec toi et t'auras les chocolats pour ta daronne! Parole du père Noël ! 

La neige continua à tomber de plus en plus fort.

Ils s'apprêtèrent donc a entrer quand, soudainement,le père Noël s'écroula. Pedro a d'abord cru qu'il a dérapé sur la neige fraiche,il voulait lui donner la main,mais le mec se mit à gigoter dans tous les sens comme un cafard sur le dos. Sa barbe blanche commençait à se couvrir d'une mouse rouge tout autour de sa bouche. De la même couleur que son long manteau. Pedro fonça dans le magasin en hurlant:

-Venez vite,venez vite,votre pote,le père Noël est en train de crever dehors ! 

Le vendeur se précipita dans la rue alors qu'autour du vieux barbu les passants commençaient déjà à s'agglutiner. Quelqu'un à crié: 

-C'est surement une crise d'épilepsie,il faut de suite appeler une ambulance! Sortez vos portables! 

Pedro se pencha sur le père Noël: 

-Dis,tu ne va pas claquer maintenant,t'a promis de m'aider,alors assure,merde!! 

Le mec continuait à gigoter et à cracher du sang. 

-Il faut lui fourrer un truc dans la bouche pour qu'il morde dedans,sinon il va s'étouffer ,remarqua quelqu'un. Alors Pedro sortit vite le petit porte-monnaie en cuir souple de sa poche et avec l'aide d'un passant lui le cola entre les dents.

Parole,ce n'était pas facile car ce bâtard gigotait toujours autant et il serait sa mâchoire à fond,mais enfin,sa respiration est redevenue un peu plus régulière.

L'ambulance est arrivé relativement vite pour un soir de Noël, surtout avec toute cette neige dans les rues. Deux hommes en blouse blanche en sont descendu , puis harnachant le père Noël sur un brancard à roulettes l'ont glissé dans le coffre. Et comme les ambulanciers ont toujours été gentils avec Pedro,il y en a eu un d'eux qu'a tapoté sur son crâne en disant: 

-Bien mon petit,ce soir t'a fait une B A. T'a sauvé la vie du père Noël .

Puis il monta à l'avant du fourgon.

-Ont quand-même beaucoup moins de classe que les gendarmes, songea Pedro.

Ils misent la sirène en route.

-Merde,mon porte-monnaie, s'écria Pedro en se précipitant à la portière. 

-Monsieur,monsieur s'il vous plait,laissez-moi lui dire au revoir! J'en ai juste pour une seconde.C'est Noël,alors s'il vous plait! 

-Ok,gamin,mais fais vite,on n'a plus beaucoup de temps !

 Pedro grimpa à l'arrière et se précipita sur le père Noël: 

-Espèce d'enfoiré,t'a promis de m'aider et maintenant tu te tire avec mes sous?Et le cadeau pour ma mère t'en fais quoi?Allez,putain,lâche-moi ce truc!!!

Le mec en rouge ne gigotait plus. Pedro tirait de toutes ses forces,mais il n'y avait rien à faire. Ce salopard ne voulait pas lâcher son porte-monnaie en cuir souple. Rien à faire...

Les ambulanciers s'impatientait: 

-Qu'es tu fous nom de dieu?Allez,ça suffit,descend maintenant,il faut qu'on y aille! 

Pedro claqua furieusement la porte arrière du fourgon qui est parti en dérapant toutes sirènes dehors. La rue était à nouveau vide et triste. Les passants sont rentré chez eux. Sur le trottoir restait juste une tache rouge sur une couche de neige blanche.

-Eh bain merde,si c'est ça la chance de ma vie , pensa Pedro en retournant devant la vitrine encore allumée. Le rideau en fer du magasin était tiré à moitié et le vendeur était en train de farfouiller dans l'arrière boutique.

-Allez,vas y,assure!Toi au moins , s'encourageait Pedro.

Il passa doucement sous le rideau et d'un pas de chat se déplaça jusqu'à la vitrine,attrapa la boite de chocolats et se glissa dehors le tout en retenant sa respiration.Ouf !

Les lumières du magasin s'éteignirent,le vendeur ferma la porte à clé et tira le rideau en fer. Il n'avait rien vu et n'a même pas remarqué les traces des pas.

-Mais,t'es encore là ? s'étonna-t-il en s'adressant à Pedro.

-Allez,rentre à la maison maintenant et Joyeux Noël,fiston .

Pedro tourna dans la rue puis tout en sifflotant,retourna la belle boite de chocolats avec un joli palmier dessus.

En dessous,il y avait collée,une étiquette: 9,99 €...

  • Par je ne sais quel miracle de l'internet il manque du texte à la fin de la page 4, entre page 4 et 5. Il y est pourtant,mais ne s'affiche pas et je n'arrive pas à corriger l'erreur. Je le rajoute donc ici:
    -Il faut lui fourrer un truc dans la bouche pour qu'il morde dedans,sinon il va s'étouffer,remarqua quelqu'un. Alors Pedro sortit vite le petit porte-monnaie en cuir souple de sa poche et avec l'aide d'un passant lui le cola entre les dents.
    Parole,ce n'était pas facile car ce bâtard gigotait toujours autant et il serait sa mâchoire à fond,mais enfin,sa respiration est redevenue un peu plus régulière.

    Merci

    · Il y a plus de 13 ans ·
    Me

    Jerry Milan

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