UN CERTAIN 11 SEPTEMBRE

danmarron

UN CERTAIN 11 SEPTEMBRE

entre 7h59 et 8h46

      « July ! Debout il est 6h et une grande journée nous attend ! »

       « Oui Mum j'arrive ! »

       July, petite blondinette aux cheveux bouclés était toute heureuse ce matin là. A dix ans, pour la toute première fois, elle allait prendre l'avion pour aller voir sa tante Janis dans la région de Los Angeles. Aussi, ce matin là, en deux temps trois mouvements, elle s'était levée, lavée, habillée et avait dévalé les escaliers qui menaient à la cuisine. Là, Suzan sa mère lui avait déjà préparé son déjeuné préféré. Un œuf au plat avec du pain beurre et un grand verre d'orange.

       « Ah ! Mum, tu ne peux pas t'imaginer comme je suis contente de partir huit jours chez tata Janis ! »

       Elle avala vite son déjeuné. Tous les sacs étaient près depuis la veille et empilés dans l'entrée.

       « Mum ! Je peux emmener mon doudou chat ? »

       « Ben regarde dans le sac là-bas, s'il reste une petite place, tu peux. »

       July, de toutes ses forces tassa son doudou dans le sac. Il n'était pas question qu'elle parte sans Nestor. Il l'accompagnait depuis si longtemps avec une telle patience, qu'il devait faire parti du voyage. Elle l'avait eu pour son 4ème anniversaire et depuis, elle ne pouvait s'en séparer. C'était son ami, son confident.

       Il était maintenant 6h45 et malgré la courte distance qui les séparait de l'aéroport, il fallait se dépêcher. L'avion n'attendrait pas. Après un dernier contrôle de routine des fenêtres bien fermées, des volets, des portes, Suzan et July prirent la route à bord de la nouvelle acquisition familiale, une Toyota Corola flambant neuve.

       7h10 à peine, elles arrivaient à proximité du terminal 4, celui même où elles devaient se présenter pour l'embarquement. La voiture garée sur le parking, elles se frayèrent un chemin pour se rendre au bureau des enregistrements de la compagnie American Airlines. Il y avait déjà foule dans l'aérogare.

       Départ à 8h00 précise leur avait annoncé l'hôtesse d'accueil de la compagnie.

       Après avoir flâné quelques minutes devant les quelques boutiques de souvenirs installées dans le terminal, une voix retentie dans les hauts parleurs.

       « Attention, mesdames et messieurs, votre Boeing 767-200ER immatriculé N334AA, en partance pour Los Angeles, votre départ est situé à la porte numéro 8. Vous êtes priés de vous y rendre le plus rapidement possible afin de procéder à l'embarquement. »

       July n'en croyait pas ses oreilles. Elle n'avait jamais été aussi prête de son rêve « prendre l'avion ! ».

       « Il est quelle heure Mum ? »

       « 7h35 ! »

       Elles franchirent la passerelle d'une dizaine de mètre avant de se retrouver dans l'allée centrale du 767. Il y régnait une légère ambiance de stress. Il fallait qu'en un minimum de temps, les 81 passagers trouvent leurs places. Pour Suzan et July, elles se trouvaient placées dans la partie arrière gauche. Place E44, E45. Cette dernière étant située juste à coté du hublot, elle fût prise d'assaut par July.

       7h59, l'avion commença à rouler sur le tarmac avant de s'élancer dans les airs. En cette belle matinée de septembre, il faisait beau et le ciel était bien dégagé.

       « Mum si j'ai bien compris, on va passer pas très loin de New-York, de Manhattan ? »

       « Oui chérie et comme il fait beau, on verra sûrement la tour où travaille papa. Ce sont les plus grandes tours du monde. Elles représentent le quartier des affaires à New-York. Elles sont le symbole de la réussite américaine. On les appelle les tours jumelles ! Elles font chacune 110 étages pour 417 mètres de haut ! »

       « Houa ! Super grandiose ! Tu sais Mum, Dad m'a dit il y a quelques temps qu'un de ces quatre on irait à Manhattan passer quelques jours avec lui et qu'il nous ferait visiter son bureau au 96ème étage de la Tour Nord. Et que même après, on irait manger à la pizzeria où vous vous êtes rencontrés la toute première fois il y a onze ans ! J'ai hâte ! En plus, t’imagines le panorama que l'on doit avoir de là haut ! »

       Suzan changea de tête. Elle se mit à penser à cette époque, de sa jeunesse où l'insouciance était sa raison de vivre. « Ah ! La pizzeria, c'était le bon temps ! A l'époque Rudy travaillait à Boston dans la sous-traitance automobile. Certes ses revenus n'étaient pas mirobolants mais en ce temps là, il rentrait tous les soirs à la maison. Et les Week-End étaient consacrés à nous trois. Quelle idée d'avoir accepté ce poste à responsabilité aussi loin de chez nous. Son salaire avait évidemment doublé mais que de sacrifices. Il ne rentrait que le vendredi soir et repartait le lundi matin à la première heure. Ce n'était plus une vie. Ni pour lui ni pour nous. Je m'étais même surprise quelques fois à penser à une séparation. D'ailleurs, je pensais qu'à notre retour de Los Angeles dans huit jours, j'allais lui parler entre quatre yeux car il fallait absolument que ça change ! » July sorti sa mère de ses songes. Suzan en profita pour envoyer un texto à son mari : « Sommes partis, tout va bien. Bises A+ »

       « Mum ! Regarde tout là-bas ! Ce sont elles ? »

       « Oui, et tu vois, celle qui a une antenne sur le toit, ben c'est celle où travaille Dad. Et si on s'approchait assez près de la tour, on pourrait le voir travailler. »

       « Tu rigole hein ? »

      « Évidemment que je plaisante ! »

      « Même pas drôle ! Il est quelle heure ? »

      « 8h10 ! Mais tu ne vas pas me demander l'heure toutes les 5 minutes ! »

      « Ben j'ai hâte d'arriver. J'en ai déjà un peu marre. On est tassés dans nos sièges, même pas de place pour les jambes. Il pourrait faire des avions plus grands ! »

      « Prends ton mal en patience ! Plus que deux heures et nous serons arrivés ! Regarde les gens, ils sont calmes eux ! »

       July, en effet se tu un moment et regarda les passagers (enfin leurs crânes). De temps en temps, une hôtesse passait dans les rangs pour savoir si tout allait bien, si rien ne manquait. Pas vraiment amusant pour la petite fille qu'était July.

       A 8h13, cinq personnes bien mises sur elles, se levèrent de leurs sièges et se dirigèrent vers le cockpit. C'était trop loin de Suzan et July pour qu'elles puissent entendre quoi que ce soit. Sûrement des agents de sécurité. Au bout de deux ou trois minutes, l'avion se mit à tourner sur sa gauche très brusquement.

       « Ben dis donc, ils auraient pu prévenir qu'on allait tourner comme ça ! Ils sont fous ! J'en ai renversé mon soda !»

       « Peut-être un problème technique. Tu sais, en général, un avion ne fait jamais demi-tour comme ça. Il lui faut une bonne raison. Et là, vu la vitesse à laquelle il a fait sa manœuvre, il doit y avoir un petit souci. »

       Suzan essayait de se rassurer et par la même occasion de tranquilliser July. Sa montre affichait 8h30. Désormais, l'avion se dirigeait sur New-York. Sûrement pour atterrir à l'aéroport J.F.K. Sur un ton de plaisanterie, Suzan dit à sa fille :

       « Regarde tout là-bas, on voit à nouveau les tours jumelles. Ce coup ci, on va peut-être voir ton père à sa baie vitrée ! »

       « Tu parles, il doit être 8h40, à cette heure ci il doit être à la cafétéria à prendre un thé. »

       « Tu crois ? C'est vrai, qu'il adore le thé menthe. Et comme il dit toujours : Une journée sans thé est une journée sans santé ! ».

       Elles rigolaient toutes les deux !

 8h42.

       « Houa la vache ! Mais qu'est ce qu'il se passe ? Regarde Mum la Tour Nord se rapproche de nous à la vitesse grand V. »

       « Oui t'as raison ma fille. Je ne sens rien de bien bon ! »

       « Mum regarde vite là-bas ! On voit D... »

 8h46.

       Ce 11 septembre 2001 quatre Boeing (deux 757 & deux 767) seront détournés faisant au total 2 995 victimes dont 19 terroristes.

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