Un climat favorable

arnaud-luphenz

Médusa et ses canaux de pierre aspirèrent bien plus que ma jeunesse, après m’avoir trop donné et sans aucune distinction. Comme un souffle-tentacule ou des lèvres-brisures aux baisers passionnés. Les ombres de ses venelles italiennes avaient su rendre ma peau blême et mon esprit des plus secrets. Mes méninges en proie aux nuées avaient édifié des alcôves et des refuges aussi salutaires qu’inaccessibles. Des archipels de brouillards et de vapeurs dorées au coeur d’une mer déchaînée. Mais la cité avait ses séides, toujours prêts à pétrifier la moindre velléité de sécession. Avec le faste princier du chaos. Cela ne fit que renforcer ma volonté d’en découdre avec l’hégémonie de ma famille. Je me suis d’ailleurs toujours demandé quel enfant j’aurais été si nous n’étions pas dictateurs de père en fils. Depuis des temps immémoriaux. Cette question réitérée n’aura jamais de réponse, en véritable désastre amnésique. Une conjecture de porcelaine parmi tant d’autres lambeaux. Fissures de veines inachevées.

Je réservais ce qui me restait de sentiments à mon oncle Luccozi, se joignant rituellement à notre table tous les dimanches. Frère aîné de ma mère, il osait rompre le mutisme de la semaine, l’omerta des jours monochromes. Il portait continuellement une large armure plus sombre que le fond d’un puits, même lorsqu’il engouffrait les mets dominicaux à la vitesse de ciseaux au galop. Sa barbe m’avait toujours impressionné, tranchant avec la figure d’ange imberbe du paternel. Ses yeux bleu-océan en spirale dispensaient de lui donner un âge. Et pourtant, il fut sujet au décès. Comme le dernier des vulgaires. Ce deuil, que rien ne laissait présager, mit le feu aux poudres. J’héritais sans ménagement de sa demeure et de son commerce. Trois rues à gérer, parmi les plus juteuses de l’écheveau criminel. Un royaume de terreur aux belles dimensions de cravache. Il ne faut pas se leurrer sur le respect que mon clan inspire. Les lois du monde en l’espèce sont limpides. Seules l’admiration et la crainte sont efficaces pour être suivi. Mais un bon noeud au creux du ventre est toujours synonyme d’obéissance. Surtout dans notre sphère financière. Récolte de la dîme oblige. Un ou deux meurtres mensuels savent maintenir un climat favorable. Le rythme des gorges tranchées est une clé des affaires rondement menées...

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