Un concert avec un stylo

sqark

Extrait de "D'autres vivent encore".
Ce musicien raté ne joue jamais ses notes,
Et de son répertoire il exècre les gammes.
Son amour tempéré amoureux des menottes,
Entonne en se tordant : — tu n'es pas polygame !

Il espère en secret qu'un jour une harmonie
Surgie de son piano lui perce les tympans,
Le fasse sourd et seul dans le soleil uni,
Lui rende son silence en un concert géant.

Il compose à lui seul la symphonie du ciel
Et dans ses instruments que parcourent les vents,
Même l'air sonne mal, comme un cri de pucelle
Qu'on prostitue gaiement dans des bas-fonds bavants.

Il sait qu'autour de lui le monde entier s'en fout ;
Il n'entend rien du tout aux gloires intestines, 
Véritables terreurs exquises — Lorsqu'il joue
C'est le dégoût ! Mais quelle horreur dans ses platines !

Lui et moi réclamons un morceau d'absolu,
Une barrière en moins dans les nerfs du réel.
— Nous attendons, rieurs, les frayeurs dissolues
Qui sortent d'un néant que le Néant musèle.

Nous cherchons l'harmonique aux grands cieux disgraciés —
Nos joies dépareillées nous distancent sans cesse ;
Une même panique, une époque niée,
Forcent à fabriquer quelques morceaux d'ivresse.


 

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