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un essai
July
"Hey, c'est moi, j'espère que tu vas bien. Je viens de passer devant la crêperie près des Tuileries, tu te souviens ? Quel temps de merde ce jour-là, il avait plu toute la journée sans une minute de répit. J'ai cru que le serveur allait faire une attaque lorsqu'on est rentrés tremper dans son restau'. Mais bon, vu la commande qu'on lui a passé juste après, ça compensait largement les quelques flaques d'eau à l'entrée. T'avais fait semblant de réfléchir à ce que tu voulais manger pour au final prendre la même chose que moi. Comme d'habitude. On étaient sortis lorsque les avant derniers clients ont passé la porte, toujours sous l'oeil exaspéré du serveur. On avaient marché ensuite, je me souviens, toute la route jusqu'à l'Opéra, toujours tout droit. Enfin bref, je suis passée devant cette même crêperie tout à l'heure et ça m'a fait penser à toi, donc je t'appelle. Je pense à toi."
Réveil à 9 heures. 9 heures et 4 minutes pour être exacte. A peine la totalité de mes sens éveillée que j'entends déjà la pluie agressant ma pauvre vitre. Ce climat français où le soleil ne peut pas rester plus d'une semaine m'arrache un soupir. La porte de l'entrée claque au moment où j'ouvre celle de ma chambre, ma mère a enfin dû sortir faire les courses face à la vision des placards vides depuis maintenant une semaine. Le carrelage froid sous mes pieds a au moins l'avantage de me réveiller complètement et après ma dose de caféine matinale, j'enfile un sweat traînant sur le canapé, attrape mon paquet de clopes et referme à mon tour la porte derrière moi. Malgré ce dernier jour de week-end et le temps misérable, il faut croire que rien n'arrête les parisiens qui s'engoufrent dans les rames de métro avec une arme s'ajoutant à leur mauvaise humeur: le parapluie. Toi t'aimais bien la pluie, et dès que la moindre goutte tombait tu me sortais toujours une espèce de proverbe d'auteur inconnu. Un différent à chaque fois. Et moi, bien qu'une multitude de citations se baladent dans ma tête à longueur de journée sur des situations complexes et atypiques, je n'en ai aucune sur la pluie. Faut croire que la facilité n'est pas mon point fort.
Je remonte jusqu'à la ligne 1, ma préférée je crois. Parce qu'à partir d'une certaine station, le métro sort du tunnel et on assiste au paysage parisien dans toute sa splendeur. A ce moment-là, même le plus parisien des parisiens se sent obligé de tourner sa tête vers la vitre et son admiration pour la dame de fer surpombant la Seine vient remplacer ses pensées tristes et désagréables.
J'ai toujours trouvé ça étrange qu'aucun artiste n'ait jamais tourné de clips ici. Je suis pas scénariste mais si on prend un chanteur, qui vient tout juste de sortir son nouveau single nommé par un titre dont on sait déjà que des millions de briquets vont se lever lors de la représentation live; et qu'on le place la tête collé contre la vitre avec sa musique en fond, je vois déjà les commentaires de ses fans appelant à l'aide parce qu'elles manquent d'air. M'enfin, je ne suis pas chanteuse ou quoi que ce soit, mais ça ne m'empêche pas de me mettre à la place de cet artiste imaginaire quelques instants, avant que le métro replonge dans l'obscurité.
"Salut. Dimanche dernier je suis allée près de Montparnasse. Ne me demande pas pourquoi, j'en sais rien. Je me suis juste assise sur les marches à la sortie des quais et j'ai attendu. Je ne sais pas quoi ou qui. Toutes les familles se recomposaient devant mes yeux, les couples se reformaient, les amitiés s'enlaçaient encore et encore. Et à part mon café glacé que je n'ai même pas entamé, personne n'était là pour me dire à quel point "je lui avais manqué" ou bien comment "il/elle était content de me revoir". Je pense que je me suis sentie triste puis idiote, à espérer quelque chose qui n'arriverait pas. Quai numéro 5, voie 2. Je pense à toi."
2 heures 23 minutes. Il fait chaud, trop chaud. Ma dernière douche me semble désormais tellement lointaine que je me retrouve à 2 heures et 29 minutes à attendre que l'eau qui dévale ma peau efface l'objet de mes sueurs. Alors j'attends, encore et encore. 5 minutes, 10 minutes. Le froid qui s'empare de moi et m'arrache un, deux frissons ne m'a jamais fait sentir aussi vulnérable et j'évite de regarder le mirroir s'opposant à moi. J'enfile un nouveau t-shirt, avec la conviction que mes pensées suivront le même sort que mon précédent sans venir s'impreigner dans le nouveau. Je passe un coup d'eau sur mon visage, dernier acte du guide de "comment faire semblant de faire dispaître les mauvaises pensées". La méthode semble fonctionner jusque-là mais le réflexe de relever la tête me saisit et je me retrouve nez-à-nez avec un être défiguré par une multitude d'émotions que je ne saurai nommer. Heureusement le guide a une solution pour rattraper ce type d'erreur et je ferme les yeux, juste quelques secondes qui me permettent d'oublier la dernière image. Déni. Je me replonge dans mon lit, qui semble désormais bien trop grand pour une seule personne mais qui devient oppressant à peine enfouie sous ma couette. "Plus que quelques heures, tiens bon".
Mais si l'eau suffisait à effacer les cauchemars, ça se saurait.
Pressée de m'échapper de ma couette devenue trop étouffante, mon corps entier me fait vite regretter mes heures de sommeil perdues.
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