Un lapin dans le poulailler.

Christophe Hulé

Le lapin sur son perchoir observait les poules apeurées, ce qu'elles ont toujours l'air d'être.

Dans ce poulailler XXL, les coqs s'étaient réconciliés, mais juste le temps d'impressionner l'intrus.

Le lapin ne cachait pas son dédain mais restait nonchalant, se sachant haut perché.

Les coqs faisaient quand même peine à voir, à hurler comme des loups qu'ils savaient ne pas être.

Le lapin n'en revenait pas du pouvoir qu'il semblait avoir.

Pourtant il ne ressemblait en rien à un renard.

Il est tellement facile de déclencher l'hystérie générale et la peur.

Mauvais élément, au mauvais endroit, au mauvais moment.

Le moindre changement est un grain de sable dans cette horloge, le moindre petit grain de sable, venu par hasard ou posé à dessein.

Et pourtant le lapin n'avait rien d'exceptionnel, un lapin quelconque.

Il avait creusé un passage secret depuis sa cage jusqu'au sommet du poulailler.

Le couple besogneux qui tenait, enfin au mieux, la ferme, les récoltes ratées de plus en plus, mildiou, sécheresse, gel, grêle et cette histoire de réchauffement dont ils parlaient à la télé les Parisiens.

Après la déprime du Percheron, le véto ayant jeté l'éponge, chacun son métier, voilà que les poules ne donnaient plus d'œufs et que les coqs étaient aphones, au grand bonheur des périurbains, pour la plupart Parisiens aussi.

Le lapin se sentait coupable, il se devait de partager l'expérience avec ses pairs.

Ayant transmis ses dons pour les tunnels, passerelles ou autres subterfuges, il organisa des soirées poulaillers, avec carottes et choux à volonté.

Les lapins alignés ressemblaient un peu aux alouettes ou aux pigeons.

Mais comme les poules restaient transies et les coqs impuissants, enfin un peu minables, les lapins demandèrent un remboursement, avec les dommages et intérêts.

Le lapin, bon prince, accepta volontiers sa défaite et promis de dédommager à son rythme et selon ses moyens.

On ne lui en tint pas rigueur, et la dette fut vite oubliée, après tout la soirée était restée dans les mémoires.

Les poules avaient retrouvé tout ce qu'il fallait retrouver.

Les coqs furent relayés aux tâches ménagères.

Les paysans malins eurent la bonne idée d'offrir une Percheronne au Percheron.

Grâce au réseau sous-terrain, ou aérien, les lapins vécurent ben, ma foi, pas mal d'aventures.

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