Un long voyage

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1- Depuis le réveil, Paul était fébrile. Il prit son sac de voyage. Il était beaucoup plus léger qu'il y a trente ans. Vingt minutes plus tard, il s'élançait enfin sur l'A666.

2- Cette autoroute, il la connaissait par coeur, mais aucun voyage n'était resté gravé dans sa mémoire aussi nettement que celui de décembre 1982. Il était tout excité à l'arrière de la Renault 9 flambant neuve qui l'emmenait avec ses parents vers le sud.

3- Sa mère avait passé la journée à tout préparer. Paul attendait ces vacances depuis des semaines. Il avait lui-même préparé son petit sac dans lequel il avait rangé tous ses trésors: sa photo de l'équipe de France, une peluche et sa figurine d'E.T.

4- A la nuit tombée, ils s'étaient arrêtés pour dîner dans un relais routier. Paul n'en croyait pas ses yeux, et s'extasiait devant tout. Il était loin de s'imaginer que les vacances se termineraient ici.

5- Après avoir avalé un chocolat chaud, il avait eu très envie de faire pipi. Son père, qui se détendait enfin, l'avait accompagné aux toilettes. A leur retour, sa mère avait disparu.

6- Malgré ses efforts pour ne pas paniquer, il sentait l'angoisse monter. Son père parlait aux gendarmes. Elle ne pouvait pas être partie très loin. A moins que des extra-terrestres ne l'ait enlevée. En tout cas elle ne revenait pas. Ils passèrent la nuit sur place.

7- Au bout de deux jours, ils durent se rendre à l'évidence, et ils rentrèrent chez eux. Le retour à la réalité fut très dur, mais la vie reprit doucement son cours. Paul se lança à coeur perdu dans les études. Il deviendrait astronaute. Son père se remaria. Sa mère ne revint jamais.

8- Toutes ses certitudes d'enfants s'envolèrent peu à peu. E.T. n'avait rien à voir avec la disparition de sa mère. Son père n'était pas vraiment le héros imaginé. Paul partit étudier la physique loin de chez lui.

9- Entre un travail prenant et une vie privée peu glorieuse, il avait fini par trouver un certain équilibre. Enfin, ça c'est ce qu'il croyait, jusqu'à la mort de son père trois mois auparavant. Quelques semaines après l'enterrement, il avait reçu une mystérieuse lettre.

10- C'était à cause de cette lettre qu'il se retrouvait de nouveau sur l'A666. Si la personne qui lui avait écrit ne se moquait pas de lui, il roulait en direction du sud à la rencontre de quelqu'un qui savait ce qui s'était passé cette fameuse nuit de décembre 1982.

   Paul fut sorti de sa rêverie par l'eau qui était sur le point de déborder. Il releva la bonde et regarda le niveau s'abaisser en soupirant. Une fois la vaisselle terminée, il fit un dernier détour par la salle de bain. Il s'examina dans le miroir. Il avait l'air fatigué. Il se tapota les joues en ouvrant grand les yeux, dans l'espoir de faire disparaître les cernes. Il avait le regard de son père. Il avait presque tout de son père d'ailleurs, du moins physiquement. Les cheveux bruns, les yeux verts, les traits épais. Tout ça, c'était bien Henri. De sa mère, il n'avait que le sourire.

- Tu as les mêmes fossettes qu'elle, lui disait souvent Rose, la nourrice, qui n'osait même plus prononcer son nom.

Carolina. C'était pourtant un très joli prénom. Aujourd'hui, Paul était trop tendu pour sourire. Depuis le réveil, il avait le coeur qui battait à toute vitesse, et il n'arrivait pas à se calmer. Il avait beau prendre de grandes inspirations, ou fermer les yeux à la recherche de sa placidité habituelle, rien n'y faisait. Il s'était cogné à l'angle de la commode en sortant de sa chambre, il avait renversé une tartine sur le sol et failli inonder la cuisine en rêvassant devant la vaisselle. La journée commençait bien! Pourtant, il aurait voulu qu'elle soit parfaite.

          Après tout, c'était peut-être Jules qui avait raison.

- Tu es sûr que tu veux le faire? lui avait-il demandé, après leur troisième verre.

Ils s'étaient retrouvés au pub, la veille, en sortant du travail. Jules connaissait déjà l'histoire: la lettre, le rendez-vous. Il paraissait sceptique. Paul avait hésité, avant de répondre: 

- Bien sûr que je veux le faire! Je n'ai pas vraiment le choix de toute façon. Il faut que je sache!

La bienveillance de Jules le touchait. Il était son meilleur, et presque son seul ami, en fait. Ils s'étaient rencontrés à la fac, et ne s'étaient plus quittés depuis. Ils avaient réussi à se faire embaucher dans le même labo de recherche. Ils se connaissaient par coeur. Seulement cette fois, Paul soupçonnait Ju, comme il l'appelait, de ne pas avoir que son bien-être à l'esprit. Ce week-end, ils avaient prévu d'aller à un festival de rock. Ils en parlaient depuis longtemps. Le groupe préféré de Jules était en tête d'affiche. Il était tout excité. Jusqu'à ce que Paul lui annonce qu'il ne pourrait pas venir. Il avait insisté pour que Jules y aille avec quelqu'un d'autre et qu'il s'amuse quand même. Le manque d'enthousiasme de son ami le faisait un peu culpabiliser.

- Tu pourrais proposer à ta soeur d'aller au festival avec toi!

- Mais je ne te parle pas du festival moi. Si tu crois que c'est pour ça que je suis inquiet pour toi. J'ai peur qu'elle se foute de toi, c'est tout. Et que tu sois déçu. Et puis c'est pas avec ma soeurette que je vais me rouler dans la boue en buvant des bières, ajouta-t-il avec un léger sourire.

          Jules était vraiment sincère alors. Il craignait que Paul ne soit blessé une nouvelle fois, et que toute la peine ressurgisse. Qu'est-ce que ça pouvait bien faire. Son comportement de ces dernières semaines prouvait qu'il était loin d'être guéri, alors une déception de plus ou de moins, ça ne faisait pas une grande différence. Quoi qu'il en soit, il était décidé. Il était pratiquement prêt. Il alla chercher son sac de voyage dans sa chambre. Il était léger. Presqu'aussi léger que celui qu'il avait la première fois qu'il était parti en vacances avec ses parents,  trente ans plus tôt. Il se revoyait, assis sur son lit, plaçant soigneusement ses trésors dans le petit sac à dos acheté spécialement pour l'occasion. Il sentit sa gorge se nouer. C'était ridicule. Il jeta le sac par dessus son épaule et sortit. Il allait fermer la porte d'entrée lorsqu'il se rendit compte que ses clés de voiture n'étaient pas dans la poche de son blouson. Il fouilla tout l'appartement. Il était rentré du pub en voiture. Elles ne pouvaient pas être bien loin. Il commença par la chambre, où il avait négligemment jeté ses vêtements avant de s'écrouler sur son lit. Puis il fit le tour du salon, souleva les coussins du canapé. Rien. Il regarda par dessus le plan de travail qui marquait la séparation entre le salon et le coin cuisine. Toujours pas de trace des clés. Etait-ce un signe du destin qui lui disait de ne pas y aller. Il se moqua intérieurement de lui-même. Depuis quand croyait-il au destin? Il était physicien, pas médium. Il commençait vraiment à être agacé, lorsqu'il retrouva ses clés sur le rebord de la baignoire, à côté des toilettes. Une envie pressante en rentrant hier soir. Il les avait posées là sans faire attention. C'était bien fait pour lui. il aurait dû rentrer à pied. Le problème, c'est qu'il savait qu'il aurait besoin de sa voiture ce matin. Et puis, à vrai dire, à une heure du matin, il avait eu un peu la flemme de marcher.

          Cette fois, c'était bon. Il ferma la porte à double tour et appela l'ascenseur. La radio de M. Chéron beuglait les informations du matin à travers la cloison. Son voisin, qui approchait des quatre-vingt-dix ans, était sourd comme un pot. Une bonne partie de l'immeuble partageait ainsi ses distractions. Heureusement, il aimait beaucoup lire. Paul s'était habitué à l'entendre de temps à autre, et ça ne le dérangeait aucunement. Quand l'ascenseur s'ouvrit, une autre voisine l'accueillit avec un grand sourire. C'était Mme Bureski, qui vivait deux étages au-dessus. Elle, n'était que septuagénaire, mais elle s'ennuyait comme un rat mort. Ses enfants ne venaient la voir que très rarement. Elle cherchait souvent à engager la conversation avec les gens qu'elle croisait. Sa technique d'approche était de vous offrir quelque chose.

- Un croissant? demanda-t-elle a Paul.

- Non merci, lui répondit-il poliment.

Elle avait dans les mains un sac en papier rempli de viennoiseries, et un thermos de café. Paul la trouvait attendrissante. Les jours où elle se sentait vraiment seule, il lui arrivait de traîner dans l'ascenseur, ou dans les couloirs, ou encore de faire office de concierge dans le hall d'entrée. Juste pour parler à quelqu'un. Du coup, elle connaissait tout le monde. Ils arrivèrent enfin au rez-de-chaussée.

- Je vais aller prendre mon petit déjeuner dehors, lui dit-elle. C'est une belle journée n'est-ce pas?

Paul acquiesça, tout en lui tenant la porte. Une fois dehors, il se hâta vers sa voiture. Si seulement ça pouvait être une belle journée.

          Il trouva sa vieille Clio grise garée au coin de la rue. Elle n'était plus très fraîche, mais elle roulait encore bien. Paul espérait que le long voyage qui s'annonçait ne serait pas trop éprouvant pour son 'épave', comme la surnommait Jules. Elle ne pouvait pas le lâcher. Pas aujourd'hui. Il allait démarrer quand il sentit son téléphone vibrer dans sa poche. Il vit le nom de Clara s'afficher sur l'écran. Il hésita à répondre. Clara était ce qu'on pourrait appeler sa petite amie depuis trois mois. C'était une petite brune de trente-huit ans, un an de plus que lui, très mignonne. Elle était comptable, divorcée, et elle avait de l'énergie pour deux. Ils s'étaient rencontrés lors d'une soirée chez la cousine de Jules. C'était juste après l'enterrement de son père, et Paul avait accueilli la distraction avec plaisir. Aujourd'hui elle était un peu plus qu'une distraction. Il décrocha.

- Je te réveille? lui demanda-t-elle d'un ton enjoué.

- Non, non.

- Ca va? Je me demandais si on pouvait se voir aujourd'hui? continua-t-elle.

- Heu... ça serait avec plaisir, mais je ne suis pas là ce week-end.

- Ah!

Ce tout petit mot suffit à Paul pour sentir la déception dans la voix de Clara. Il s'en voulut un peu. Il ne lui avait rien dit pour la lettre. Il ne lui avait même pas parlé du week-end. Après tout, ils se connaissaient à peine. Seul Jules était au courant. Il se crut quand même obligé de la rassurer.

- Rien de très folichon. Une histoire de famille. Je te rappelle quand je rentre dimanche soir, ok?

- Ok. A dimanche alors.

- Bisous

Il raccrocha. Il avait été plutôt pitoyable, mais il n'avait pas le temps. Il gèrerait ça en rentrant. Il trouverait bien un moyen de se racheter.

          Il éteignit son téléphone, mit le contact et alluma la radio. Il chercha une station qui lui plaisait, et se mit en route. A cette heure-là, un samedi matin, son quartier était calme. Arrivé au centre ville, ce fut une autre histoire. C'était le jour du marché, et la frontière entre la chaussée et le trottoir était devenue floue. Paul redoubla de vigilance afin de n'écraser personne. La radio l'énervait déjà. Dans le vide-poche, il trouva un CD et le mit dans l'autoradio. C'était une compile laissée là par une ex. Stéphanie peut-être. Il n'était plus très sûr. Il dut piler pour ne pas heurter une vieille dame qui traversait juste devant sa voiture. La première chanson lui confirma que Stéphanie était bien l'ancienne propriétaire du CD. Ils avaient eu une relation de quelques mois, il y a de cela plus d'un an, mais la musique new age fit remonter les souvenirs en un instant.

          La touche hippie couplée au style de vie bobo. Les repas végétariens. L'apologie de l'écologie enveloppée dans les vapeurs d'un bon bain chaud. Stéphanie, c'était tout cela, avec en bonus une plastique très flatteuse. Le seul problème était que ce qu'il avait pris au début pour de l'originalité et de la spontanéité c'était vite transformé en excentricité agaçante. Paul s'était rapidement lassé des graines germées et ne voulait pas culpabiliser en utilisant sa vieille Clio pour aller travailler à dix minutes de chez lui. Il avait laissé traîner la relation quelques semaines de trop, mais lorsqu'il avait dû passer une soirée à écouter le laïus de Caroline sur les similitudes entre la physique quantique, son domaine à lui, et le yoga, son domaine à elle, il avait eu confirmation de leur incompatibilité. Il s'était décidé à rompre. Jules, comme toujours était là pour lui apporter son soutien, sous forme, le soir de leur rupture, d'un bon burger bien saignant. A l'époque, les larmes et les reproches n'avaient pas été faciles à encaisser. Maintenant, tout cela lui paraissait loin et insignifiant. Il appuya sur le bouton de l'autoradio pour avancer au morceau suivant.

          Caroline n'était dans sa vie que depuis trois petits mois, mais d'après ce qu'il connaissait d'elle, elle lui correspondait mieux. Il n'était pas pour autant plus doué avec elle qu'avec celles qui l'avaient précédée. Il avait tendance à la laisser mener la danse. Leur rencontre avait eu lieu sur le palier de l'appartement de Sandra, la cousine de Jules, le samedi soir suivant l'enterrement du père de Paul. Plus exactement, ils s'étaient rencontrés dans l'ascenseur menant au palier de l'appartement de Sandra, la cousine de Jules. Après un instant légèrement embarrassant où ils étaient sortis au même étage, puis suivis jusqu'à la même porte, en se lançant des sourires gênés, ils avaient réalisé qu'ils allaient chez la même personne. Jules avait insisté pour que Paul vienne et ne reste pas seul chez lui à ruminer son chagrin. Il avait bien fait. Les deux seuls célibataires de la soirée s'étaient retrouvés assis l'un à côté de l'autre à table, et la gêne s'était vite volatilisée.

          Clara avait un sourire envoûtant. Elle avait également beaucoup d'humour. Elle rendait presque le métier de comptable passionnant. Paul en oublia, l'espace d'un instant, le décès de son père. Il comprit aussi qu'elle n'était pas fleur bleue, résultat d'un divorce houleux qui avait laissé des traces, malgré ses efforts pour se montrer forte. Après le dîner, Paul l'avait raccompagnée, car elle habitait sur son chemin. Clara l'avait embrassé avant de descendre de voiture, puis avait dit, d'un ton détaché:

- Tu veux monter?

Face à l'hésitation de Paul, elle avait ajouté, penchée à la portière:

- Ne t'inquiète pas, je n'en ai qu'après ton corps, et demain tu seras libre de partir.

Elle avait un sourire espiègle. S'engager dans une histoire avec elle aurait peut-être plus de conséquences qu'avec une autre, car elle travaillait avec Sandra et était amie avec Margaux, la petite-amie de Jules. Néanmoins, Paul sentait qu'elle aussi avait besoin de simplicité et de légèreté. Il avait accepté son invitation. Il était bel et bien rentré chez lui le lendemain matin, mais ça n'avait pas pour autant été l'histoire d'une seule nuit. Ils se voyaient régulièrement depuis. Souvent à l'initiative de Clara.

          Lorsque Jules avait appris la nouvelle, ils s'étaient retrouvés au pub pour un débriefing entre hommes. Son meilleur ami se réjouissait pour lui. Jules était avec Margaux depuis près de six ans, et même s'il n'en parlait pas ouvertement, il aurait aimé que Paul puisse trouver quelqu'un lui aussi. Peut-être qu'il s'imaginait déjà les sorties à quatre. Pourtant il se garda bien d'être trop enthousiaste. Il connaissait son ami. Avec Paul, il ne fallait pas faire de plans sur la comète. Ce soir-là, ce dernier s'était pourtant promis que, s'il restait avec Clara suffisamment longtemps, il organiserait un dîner entre couple. Il les inviterait chez lui, chose suffisamment rare pour être remarquée, et pour faire plaisir à Margaux qui se sentait parfois exclue de la relation qui unissait les deux amis. Cependant, trois mois plus tard, il n'avait toujours rien fait. Et il sentait que Clara commençait à lui échapper légèrement.

          Cette fois, son détachement n'avait pas été volontaire. Tout était à cause de cette lettre, qu'il sentait contre sa poitrine, dans la poche intérieure de son blouson. Il l'avait reçue deux mois après la mort de son père. Il l'avait trouvée dans sa boîte aux lettres en rentrant du travail, mais ne l'avait pas ouverte tout de suite. Il devait rejoindre Clara se soir là, et il l'avait laissée sur le comptoir de la cuisine, loin de se douter de ce qu'elle contenait. Ce ne fut que le lendemain qu'il la décacheta. Aux premiers mots, il dut s'asseoir, saisi par l'émotion. Il mit longtemps à la lire en entier, puis la lut et la relut, incapable de réfléchir clairement. En l'espace de quelques heures, il passa par toute une gamme d'émotions allant de la joie au désespoir, de l'euphorie à la colère. Pourquoi recevait-il une telle lettre maintenant, Ca ne pouvait pas être vrai. Son père était mort depuis deux mois déjà. Il avait fait le deuil de sa mère depuis bien longtemps. S'il faisait abstraction son demi-frère et sa demi-soeur, qu'il ne voyait jamais, il était maintenant seul au monde, et c'était très bien comme ça. Il voulait commencer à vivre sa vie, sans se retourner sur le passé. Ca ne pouvait être qu'une mauvaise blague.

          C'était la conclusion à laquelle il était arrivé. Il avait rangé la lettre au fond d'un tiroir, bien décidé à ne plus y repenser. Qu'il était naïf! La semaine qui suivit, il n'eut que ça à l'esprit, si bien que, n'y tenant plus, il se confia à Jules. Celui-ci fut aussi dubitatif que lui. Pourtant, il se refusa à lui donner le moindre conseil. Il lui répétait que c'était à lui de prendre une décision. Paul aurait aimé en parler à Clara aussi, mais il n'y parvint pas. Sans vraiment s'en rendre compte, il devint plus distant. Elle devait penser qu'il ne s'intéressait plus autant à elle. Il essaya de se réconforter en se disant qu'il arrangerait tout ça après, s'il n'était pas trop tard. L'expéditeur de la lettre lui avait donné rendez-vous dans un village qu'il ne connaissait même pas, à quelques heures de chez lui en direction du sud. Il s'était joué la comédie à lui-même, se disant qu'il n'irait peut-être pas, mais au fond il savait depuis le début qu'il accepterait d'y aller.

          Il avait enfin réussi à traverser la ville. La compile l'agaçait déjà. Il retira le CD et éteignit la radio. Le silence l'apaisa un peu. Il mit son clignotant pour tourner à droite. Vingt minutes après avoir quitté son appartement, il aperçut enfin la gare de péage. Il prit son ticket. Il savait déjà combien ça lui coûterait à la sortie. Il avait souvent pris cette autoroute. Avec Jules, quand ils étaient étudiants, et qu'ils partaient retrouver leurs petites chambres universitaires. Pendant les vacances, pour aller se faire dorer la pilule au soleil. Pour le travail aussi. Le premier voyage c'était il y a trente ans, avec ses parents. Il avait sept ans. Il était euphorique. D'habitude, lorsqu'il arrivait au péage, il essayait de bloquer ses souvenirs. Cette fois-ci il n'en fit rien. Il prit une grande inspiration, et s'élança enfin sur l'A666.

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