Un matin dans le métro

vanesse

Huit heures vingt trois,

Métro parisien, ligne 8,

Station Liberté,

A peine réveillée ou toujours endormie, je marchais au radar ce matin. La faute à qui ? À Kiki. C’est le Yorkshire de ma voisine madame Dufils, 78 ans et toutes ses dents. Kiki s’est mis à aboyer à cinq heures ce matin. Pas de bol, j’avais décidé de regarder la veille une rediffusion d’un film que j’aimais bien en deuxième partie de soirée. Du coup, cinq heures de sommeil, c’est court. Mais vous comprenez Kiki a eu peur de la grosse moto mais sa maman est sourde comme un pot contrairement à moi. Le problème c’est que Kiki à peur de tout même de son ombre.

Mes yeux se ferment tout seul alors je fie à mes repères. Deuxième affiche, près de la poubelle, là le métro arrive et je monte à la dernière porte du deuxième wagon.

Beaucoup de monde aujourd’hui, je me faufile, m’excuse et bouscule un peu. Voilà je me case dans un coin encadrée par une femme la quarantaine et un jeune ado qui a enfoncé dans ses oreilles ses écouteurs. Youpi !

Porte de Charenton,

Personne de monte et je lutte pour garder les yeux ouverts.

Porte dorée,

Trois personnes montent, on se serre un peu plus. La chaleur monte encore de quelques centi-degrés. La personne assise sur le strapontin soupire mais se lève. Elle a sûrement peur que je lui écrase ses petits doigts de pieds.

Michel Bizot,

On se serre et on s’entasse encore un peu plus. La promiscuité et la chaleur humaine, vive les transports en commun ! Je dénoue mon écharpe et cherche à poser mon regard ailleurs que sur la femme face à moi. Comment peut-on s’habiller de cette façon quand il fait dix degré dehors. Bref, c’est en levant les yeux que je le vis entre deux visages. Je le voyais de profil mais déjà je l’appréciais. Un teint qui respirait le soleil, des yeux gris, une mâchoire carrée et bien rasée et des cheveux châtains clairs très courts, seul petit défaut un fil blanc qui dépassait de son oreille. Difficile de faire la conversation. En avais-je réellement l’intention ?

Daumesnil,

Autant de personnes descendues remontent dans le métro. Je le surveille, vérifie qu’il n’est pas descendu sinon tant pis. Il est remonté alors tant mieux. Il est adossé contre la porte, j’ai une vue un peu plus dégagée. Quelle chance, je vais pouvoir en profiter. Il est vêtu d’un costume gris anthracite et d’une chemise blanche, pas de cravate et le premier bouton est enlevé. Waouh !

Mongallet,

Personne ne monte personne ne descend. Aïe, je crois que je suis repérée. Oh ben après tout je ne fais rien de mal. Pour une fois que je peux voir quelque chose d’agréable dans le métro. Et j’en ai vu des choses pas très jolies. Le pire je crois c’est du vomis. Imaginez après votre dure journée de labeur, sur votre chemin du retour alors que vous pensez pouvoir vous assoir, vous tombez nez à nez avec une image et une odeur nauséabonde qui gâche votre soirée.

Reuilly-Diderot,

Pourvu qu’il ne descende pas. Je ne connais pas cet homme pourtant je me suis déjà attaché à lui. C’est un flot de voyageurs qui descendent. Je le perds de vue quelques secondes. Beaucoup de personnes sont descendus mais pas assez pour que je puisse m’assoir pour bouquiner tranquillement. Tsss, tsss, tsss, tu as un canon devant toi et tu envisages de plonger le nez dans un bouquin. Faut que tu sortes un peu ma fille ! Alors oublie ton livre et profite de la vue. Ton thriller passionnant peut attendre quelques heures.

Miracle, il s’est même rapproché. Je ne peux m’empêcher de me demander quel métier il exerce. Il tient une sacoche qu’il pose entre ses pieds. Ses chaussures sont bien cirées.

Ledru Rolin,

Je ne vois plus les stations passés, pour une fois dans les transports, le temps passe trop vite. Je lui jette toujours des regards en biais, je crois qu’il a repéré mon manège et qu’il en fait autant.

Chemin vert,

Flûte mon terminus se rapproche pour une fois j’irai bien jusqu’à Balard. Je profite du temps qu’il nous reste et je fantasme. J’imagine sa peau bronzée contre ma peau blanche, l’odeur de son parfum, le goût de ses baisers, le douceur de ses caresses. Il me regarde et je rougis comme une collégienne.

Comprenez-moi, je n’ai pas l’habitude de m’imaginer nue avec un parfait inconnu. Je rougis encore plus.

Fille du calvaire,

Je soupire. Je descends à la prochaine station et lui à quel station descend-t-il ? Je suis un peu déçu ce petit jeu est bientôt terminé, à moins que lui aussi ne descende à République. Ne rêve pas ?

République,

Nous y voilà. Le moment de vérité approche. Le train entre sans la station, les gens commencent à bouger et se tourner vers les portes. Il n’a pas l’air de vouloir sortir mais moi non plus. Le train s’arrête, les portes s’ouvrent. Les passagers se bousculent et s’agglutinent aux portes. J’attends une seconde, il reste sur ses positions. Les uns descendent, les autres commencent à monter. Je jette un dernier regard furtif en me dirigeant vers les portes et je franchis à regret la marche qui me conduit vers le quai et me fais quitter définitivement ce train.

A contrecœur, je file vers ma correspondance. Je suis toujours en retard mais la journée me parut plus illuminée. Merci qui ? Merci Kiki. Reverrai-je un jour cet homme, j’en sais rien. Je ne crois pas mais c’est possible. Seulement si le hasard me le permet.

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