Un nouvel Eden ch14 à 16

Fabien Dumaitre

14

 

LES TRAITRES

 

Le lieutenant Bird, les yeux rivés sur son écran d’ordinateur, attendait, impatient, que la machine détecte une anomalie dans la liste des passagers du vaisseau. Soudain, ses yeux s’écarquillèrent devant le résultat de la recherche affichait en lettre rouge sur son moniteur. Trois personnes étaient répertoriées comme de dangereux activistes officiant sous les noms des « Chevaliers de l’apocalypse ». Il y avait Ivy Riss, une employée du service de surveillance du vaisseau, Anton Blick, infirmier au bloc du docteur Cole et Phil Talbot, le responsable des communications. Bird se tourna précipitamment et constata que Talbot avait déserté son poste. Il imprima les profils des trois activistes à la hâte puis partit à toute allure voir le commandant Cartson. Ce dernier était en discussion avec un soldat en habit d’apparat. Un Sergent-Major d’après les insignes accrochés à son uniforme. Le lieutenant Bird interrompit leur conversation et fit part au commandant de sa trouvaille.

-         « Bon dieu, s’exclama le commandant furieux, comment a-t-on pu laisser monter ses individus à bord et où est Talbot… »

C’est alors qu’une sonnerie stridente retentit.

-         « Qu’est ce qui se passe ? » hurla le commandant.

-         « Trois personnes ont pris en otage le Docteur Sharpman et se sont barricadées dans son cabinet mon commandant. » lança le capitaine Spencer qui remplaçait son collègue mis en arrêt maladie par le docteur Sharpman.

Le commandant Cartson se passa la main dans les cheveux tout en baissant le regard puis il réagit  et ordonna que l’on prévienne l’unité de soldats d’élites pour qu’ils prennent la situation en main. Quelques minutes plus tard, les militaires spécialistes des situations « délicates » étaient sur le pied de guerre. Ils se tenaient devant la lourde porte métallique du cabinet d’Eva Sharpman. Ils tentèrent de parlementer avec les terroristes mais ceux-là restaient sourds à toute proposition. Il fallait décoincer la situation et pour cela les soldats n’avaient plus le choix. Ils devaient passer à l’action. Deux d’entre eux se postèrent sur les côtés de la porte tandis qu’un artificier plaçait une charge explosive sur le système de verrouillage bloquait manuellement. Les neuf autres se mirent à quelques mètres de la porte les yeux rivés dans les viseurs de leurs fusils d’assaut. Les hommes n’attendaient plus que le Commandant donne l’ordre de passer à l’action mais il semblait hésitant.

-         « Je ne sais pas si on peut prendre le risque d’une intervention. Ils sont armés et c’est la vie d’Eva qui est en jeu. »

-         « Nous n’avons pas d’autres solutions mon Commandant… » lui dit son second avec une certaine résignation.

-         « J’espère que ma chère Eva aura la présence d’esprit de s’écarter au moment de l’explosion. Je ne voudrais pas qu’elle soit blessée ou même tuée durant l’assaut. Vous savez Spencer, cette petite est un peu comme ma fille… »

-         « Nos hommes savent ce qu’ils font mon Commandant et puis, plus on attendra plus la situation va devenir critique. Les esprits vont s’échauffer et on ne sait pas de quoi ils sont capables… »

Le Commandant poussa un long soupir puis fit un signe de la tête à son officier en second. Celui se pencha au-dessus de son micro et donna l’ordre aux soldats de passer à l’action. Une fois le reçu l’aval de sa hiérarchie le chef de l’opération fit un signe de la main à son artificier qui enclencha le compte à rebours de la charge explosive. Le décompte se mit en marche. Dix, neuf, huit…les soldats tenaient leurs armes d’une main ferme, leurs yeux scotchés dans leurs viseurs…sept, six, cinq…quelques gouttes de sueur glissaient sur leurs fronts...quatre, trois, deux, un…zéro. La porte explosa dans un terrifiant vacarme et les coups de feu jaillirent des fusils d’assauts…

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L’ASSAUT

 

Un déluge de coup de feu jaillit dans la pièce. Anton fut touché à la tête et s’écroula à terre comme une masse. Ivy Riss eut tout juste le temps de se planquer derrière le bureau en métal situé au fond de la pièce. Talbot avait pris Eva comme bouclier humain son flingue plaqué sur la tempe de la jeune femme. Il hurlait comme un fou, ordonnant aux soldats de ne pas s’approcher. Le négociateur prit les choses en main et essaya de faire retomber la tension.

-         « Oh, oh, on se calme mon gars. On va discuter un petit peu d’accord ? »

Talbot était hystérique et Michaël, le négociateur, remarqua que la main du terroriste commençait à trembler. Tous les membres du groupe d’intervention avaient les yeux accrochés à leur viseur, la tête du ravisseur dans leur ligne de mire. Il attendait un signe de Michaël pour ouvrir le feu.

-         « Reculez bande d’enfoirés ou je la butte. Je n’hésiterai pas. »

Michaël reprit la parole pour ne plus la lâcher. Talbot bougeait beaucoup oscillant de gauche à droite de manière incontrôlé. Il n’avait nulle part où se cachait et se sentait pris comme un rat.

-         « Je comprends tes revendications mon gars. Je suis entièrement d’accord avec toi. Nous vivons dans un monde de merde et c’est grâce à des gens comme toi que la population en prend conscience mais abattre le docteur Sharpman n’arrangera rien… »

Michaël sentit Talbot hésiter. C’est ce moment-là qu’il choisit pour commencer à s’approcher du terroriste. Eva le regarda faire les yeux brillants de terreur. Pris de panique Talbot braqua son arme vers Michaël et c’est à ce moment-là que le négociateur fit un signe discret de la main. Une balle suffit. Elle alla se loger pile entre les deux yeux du forcené qui recula d’un bon mettre en arrière entrainant Eva dans sa chute. Avec hargne, elle se défit de son emprise et se rua vers les soldats en hurlant :

-         « Il y en a une autre derrière le bureau, elle est armée. »

Les militaires prirent position autour de l’endroit où se trouvait Ivy Riss leurs fusils braquaient vers elle puis ils laissèrent le négociateur faire son travail de sape. Après une bonne heure de tractation. Ivy céda. Elle jeta son arme devant les pieds d’un des soldats et sortit de derrière le bureau les mains en l’air. Les militaires se précipitèrent sur elle et la plaquèrent sur le sol. En un rien de temps, elle fut menottée puis on la remit sur ses pieds avant de l’emmener dans une des rares cellules que comptait le vaisseau.

Michaël s’approcha d’Eva et posa sa main sur son épaule. Elle fondit en larmes et se jeta dans ses bras. Les terroristes ne l’avaient violentée à mainte reprise. Gifles, coup de pieds. Un vilain cocard à l’œil droit attestait même d’un coup de poing assez violent.

-         « Ca va aller Eva ? » lui lança-t-il d’une voix douce

Elle releva sa tête jusque-là enfouie dans le creux de l’épaule du charmant négociateur puis renifla bruyamment avant de lui dire sur un ton décidé :

-         « C’est moi qui veut mener son interrogatoire. Elle va cracher le morceau vous pouvez en être sûr. »

-         « Je n’en doute pas et je suis persuadé que le commandant vous laissera ce privilège et que vous aurez carte blanche. »

Un léger sourire se dessina sur le visage inondait de larmes de la belle Eva. Son maquillage étalait inégalement autour de ses yeux et sur ses joues n’enlevait rien à son charme naturel mais on sentait dans son regard une lueur de haine. Elle leva ses yeux de biche vers Michaël et dit :

-         « Talbot…il…il m’a violé…sur les ordres de Riss. Elle disait que je n’étais qu’une salope sans dignité. Elle lui a dit de me violer pour me punir de n’être qu’une trainée… »

Elle enfouit de nouveau sa tête dans le creux de l’épaule de Michaël et marmonna avec une rage incontrôlé :

-         « Elle va me le payer…je jure qu’elle va me le payer… »

Pendant que les militaires remettaient tout en ordre, Michaël accompagna Eva jusqu’au bloc médicale pour voir un peu les dégâts physiques et psychiques qu’elle avait subie.

16

 

CHECK UP

Eva arriva au cabinet médical au bras de Michaël. Elle était encore éprouvée par l’épisode terrible qu’elle venait de vivre. Le Docteur Cole se précipita vers tout affolé. Il prit Eva dans ses bras et lui caressa la tête avec douceur.

-         « Alors ma belle. Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ! »

Elle pleura à chaudes larmes puis se ressaisit et lâcha avec de la haine dans la voix :

-         « Elle va me le payer la salope ! »

-         « Bon, on va d’abord te faire un petit scanner voir si tu n’as rien de cassé. Déshabille-toi et allonge-toi sur la table. »

Une fois installée, le Docteur Cole entra quelques paramètres puis une fois la machine réglée, il lança le programme. Un doux ronronnement se fit entendre et le cercle de métal bourré d’électronique balaya le corps d’Eva. Cole avait les yeux rivés sur le moniteur. Au bout d’une trentaine de secondes, le cercle revint à son point de départ et le ronronnement s’arrêta.

-         « Bien. Quelques légères contusions mais rien de cassé, fort heureusement. Installe-toi sur la table de travail que je t’ausculte. »

Cole enfila des gants en latex transparent et calla sur sa tête un casque avec lampe frontale. Eva écarta les jambes et le Docteur entreprit une rapide exploration de son appareil génital.

-         « Bon. Tout me semble en bon état. Je vais te faire une prise de sang pour voir si tu n’as pas chopé une saloperie. »

Il prit une sorte de pistolet qu’il calla sur l’avant-bras d’Eva. Il y eut un petit bruit de claquement et la petite fiole rivée au pistolet se remplit à vive allure. Le Docteur Cole alla ensuite jusqu’à une table en métal sur laquelle étaient juchés de nombreux appareils tous plus insolites les uns que les autres. Il inséra le flacon dans une ouverture aménagée sur une centrifugeuse. L’engin se mit à tourner rapidement puis, quelques instants plus tard, des données apparurent sur l’écran de son ordinateur.

-         « Bon…Je suis soulagé. Tu n’as rien de spéciale. Ecoute Eva, je pense que tu devrais prendre un peu de repos et si tu désires renoncer à… »

-         « Il n’y a pas de raison que j’arrête ce que je fais. J’aime mon métier et je crois que je suis nécessaire à l’équilibre des membres d’équipage. »

-         « Laisse-moi t’arrêter quelques jours au moins. Une petite semaine. »

-         « Non. J’ai un petit interrogatoire à mener et je reprends le boulot. Je vais juste un peu freiner la cadence pendant quelques temps. »

Cole examina le cocard autour de l’œil d’Eva. Il tapota de ses petits doigts boudinés et lui demanda toujours d’une voix douce et rassurante :

-         « Je te fais mal ? »

-         « Un petit peu mais ce n’est rien, ça va passer. »

-         « Je vais te donner un peu de crème à appliquer sur le bleu et en moins de trois jours, il aura disparu. »

Eva s’assit sur le bord de la table. La tête lui tournait un peu. Elle prit une longue inspiration puis se leva, vacillant légèrement. Elle se rhabilla avec ses affaires de jogging. Elle revenait de son footing quand les trois terroristes l’avaient kidnappée. Cole la regarda avec compassion et lui ordonna d’aller se reposer. Elle noua les lacets de ses baskets anciens modèles puis leva la tête vers le Docteur Cole. Il y avait une lueur inquiétante dans son regard. Après ce qu’elle venait de subir, elle ne serait plus jamais la même. Cole lui frictionna le dos affectueusement puis lui lança avec un imperturbable flegme :

-         « Surtout, si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas. Je suis là pour toi et tu le sais. »

-         « Ne vous inquiétez pas Doc. Mais avant toutes choses, j’ai un petit interrogatoire à faire passer à une personne et je peux vous dire qu’elle va les cracher les noms de ses complices. A plus tard Doc et merci… »

Eva sortit du bloc médical d’un pas trainant avant de disparaitre à une bifurcation. Cole connaissait bien Eva. Il savait qu’elle se remettrait de cette terrible épreuve mais il lui faudrait un peu de temps.

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