Un nouvel éveil

samiel

La rame de métro semblait se gorger au fur et à mesure d'usagers en cette soirée de Noël. Kana resserra le col de son blouson autour de son cou, tandis qu'elle se rapprochait d'un pas rapide du tunnel où circulait le métro. Un sifflement admiratif retentit auprès d'elle, mais la jeune femme ne prit pas la peine de se tourner pour voir le visage du jeune homme qui l'avait interpellé. Atterrissant d'un bond souple sur la voie, elle entendit à peine le cri de surprise avant d'être engloutie par les ténèbres. Les ténèbres, Kana avait l'impression d'en faire partie depuis maintenant une éternité. De son passé de mortelle, elle n'avait gardé que le souvenir de sa naissance, une nuit d'hiver. Gardant les yeux fermés tandis que Connor dégrafait son soutien-gorge, la jeune femme avait goûté la fraîcheur de la nuit, frissonnant sous les doigts gelés de son petit ami. Encore vierge, Kana avait longtemps refusé la compagnie des hommes, échaudée par les relations sans lendemain qu'entretenait sa mère avec tous les hommes qu'elle pouvait trouver au détour d'une station-service, ou d'une réunion des Alcooliques Anonymes. Logeant toutes deux dans un mobile-home de Brunswick en Géorgie, Kana avait adopté rapidement une répulsion pour les hommes et leurs promesses vaines. Lorsqu'elle avait rencontré Connor, la jeune femme avait aussitôt compris son attente. Beau garçon, fils d'une famille riche et appréciée dans tout le comté, Kana connaissait également la réputation de coureur de jupons qui lui collait à la peau. Elle savait parfaitement qu'à la minute où il aurait obtenu ce qu'il voulait, Eric l'abandonnerait pour monter dans sa voiture et rejoindre ses amis au bar du coin. Pourtant, elle n'en avait cure. Terrifiée à l'idée de tomber amoureuse, Kana avait choisi de faire l'amour pour la première fois la veille de ses vingt ans, même si la sortie de service d'un cinéma de quartier n'était pas vraiment le cadre rêvé. Elle avait laissé Connor lui offrir des fleurs, l'emmener au restaurant puis au cinéma. Elle avait souri en le voyant se montrer galant, tout en sachant que cet état de fait ne durerait plus longtemps. Elle pouvait lire dans le regard qu'il posait discrètement sur son décolleté généreux ou dans la main qu'il posait au creux de ses reins, l'envie qu'il avait d'elle. Elle voyait ce même regard tous les matins dans les yeux du nouvel amant de sa mère lorsqu'il quittait le mobile home. Kana avait choisi de faire l'amour avec Eric comme elle aurait choisi sa future université, en étudiant toutes les possibilités qui s'offrait à elle. Alors même que son petit ami avait commencé à déboutonner son jean, Kana avait senti un brusque courant d'air chaud sur sa joue gauche, avant de voir Eric s'écrouler. Tandis qu'elle baissait les yeux vers lui, la jeune femme avait été brusquement plaquée au mur. Une main glacée s'était posé sur sa bouche stoppant net le hurlement dans sa gorge. Alors qu'elle se débattait furieusement contre l'étau qui la forçait à se coller au mur, éraflant sa peau à travers ses vêtements, une morsure au cou lui avait arraché un cri étouffé. Elle avait ressenti alors une onde de feu brûler sa nuque et irradier le long de sa colonne vertébrale, pour terminer dans ses doigts. Rapidement, la sensation l'avait laissé comme anesthésiée, tandis qu'une seconde puis une troisième morsure suivaient. Son corps semblait avoir perdu toute consistance. Kana avait à peine senti ses coudes cogner le mur, ni même la froideur des lèvres toujours scellées à elle. Elle avait toutefois entendu avec une précision effrayante le bruit mouillé de chaque déglutition de son agresseur tandis qu'il buvait son sang, l'accélération de son souffle tandis qu'il pressait son corps contre le sien et, étrangement, elle avait pu sentir l'excitation de son agresseur à travers le tissu de sa robe. Une étrange langueur l'avait submergé tandis qu'elle  tentait vaguement d'apercevoir le visage de son agresseur, ses paupières s'étaient refermées pour la laisser glisser dans l'obscurité. Ce fut une sonorité lointaine, comme le roulement d'un train, qui l'avait réveillé. Ouvrant les yeux avec difficulté, Kana avait tourné la tête en étouffant un cri de douleur. Chaque muscle de son corps la tiraillait, comme pour se rappeler à elle. Allongée sur un grand lit, la jeune femme avait examiné la pièce où elle se trouvait en se hissant péniblement sur un coude. Sa tête tanguait, ses tempes étaient vrillées par une migraine intense, et son estomac menaçait à tout moment de se soulager. L'ameublement de la pièce était limité au strict minimum. Une chaise, une commode et une lampe posée dessus étaient assortis aux murs peints couleur chair. Une fenêtre aux rideaux opaques se trouvait face à elle, plongeant la pièce dans une semi-obscurité. Un haut-le cœur l'avait traversé et elle n'avait eut que le temps de rouler sur le coté pour vomir au sol un liquide brunâtre. Essoufflée, elle avait essuyé sa bouche avec un coin du drap qui la recouvrait. Sa tête avait semblé moins lourde et la migraine avait disparu, laissant place à une angoisse croissante. En soulevant le tissu de coton, elle  avait constaté qu'elle était complètement nue. Kana avait sursauté en voyant l'homme qui l'avait agressé apparaître au seuil de la porte. « Allons, ma douce, le réveil semble avoir été agité pour toi ? » La voix, douce et posée, presque féminine, contrastait avec l'aspect de son agresseur. Grand et imposant, ses cheveux gris et bouclés touchaient presque le plafond. Les bras croisés, un sourire découvrait une rangée de dents limées en pointe et ses yeux d'un noir brillant étaient posés sur elle. La seule teinte de couleur était le costume rouge sombre qu'il portait. Kana avait senti l'angoisse laisser place à une vague de terreur. Recroquevillée dans le lit, elle n'avait pas bougé  tandis qu'il s'avançait vers elle. Lentement, il  avait retiré le drap pour poser un regard connaisseur sur ses courbes. Ses longs cheveux bruns recouvraient ses épaules, mettant en valeur sa peau laiteuse et ses seins lourds étaient à peine masqués par ses bras. Sans qu'elle s'y attende, l'inconnu l'avait giflé avec une telle force qu'il l'avait projeté contre la commode, faisant tomber la lampe au sol alors qu'elle hurlait de peur. Kana avait à peine eu le temps de reprendre ses esprits qu'il était déjà sur elle, son haleine métallique pénétrant ses narines. Kana avait laissé échapper un gémissement alors qu'il agrippait ses cheveux d'une main. Elle pouvait sentir à travers ses doigts glacés la chaleur de son sang qui s'écoulait doucement d'une plaie. « Allons ma douce, murmura- t'il à son oreille, est-ce pour te tuer que je t'aurais gardé ici ? » Il l'avait soulevé aussi facilement qu'une brindille, pour la jeter sans ménagement sur le lit. L'inconnu avait commencé par retirer sa veste, puis la chemise de satin noir qu'il portait, révélant une musculature puissante, puis son pantalon pour grimper à son tour sur le matelas. Kana était resté muette de peur tout en l'observant. Nu, son agresseur était fait de muscles qu'il faisait rouler sous sa peau pâle tout en avançant vers elle, son regard sombre vrillé dans le sien. Kana avait senti les muscles de son ventre se crisper alors qu'il posait une main sur sa cuisse, écartant doucement ses jambes. « Reste tranquille, ma douce, je n'ai aucune intention de te faire du mal. Je t'ai fait l'honneur de te choisir parmi d'autres, pour faire de toi ma compagne… Je vais t'offrir quelques gouttes de mon sang, en échange de ton amour… » Lentement, ses doigts avaient parcouru la peau de sa nuque, provoquant malgré elle des ondes de chaleur dans son bas-ventre. Avant qu'elle ne puisse réagir il l'avait embrassé, sa langue s'engouffrant avec force dans sa bouche, fouillant ses parois de chair. La peur avait laissé place à une attirance puissante et Kana avait senti une bouffée de désir embraser ses reins et descendre dans son bas-ventre. Il avait posé ses lèvres sur sa peau blanche, butinant sa poitrine avant de descendre entre ses cuisses. La jeune femme s'était cambrée de plaisir, ses doigts enserrés dans la chevelure grise, alors qu'il glissait sa langue dans son intimité. Elle n'avait été plus que frissons, halètements, coups de reins, alors que l'homme continuait d'explorer son corps, ajoutant un doigt pour la pénétrer, jusqu'à ce qu'une vague de plaisir la submerge avec une force inouïe. Soudain, elle avait hurlé, les dents de son amant s'étant plantés dans son aine droite. Elle avait tenté de repousser sa tête des deux mains, les larmes coulant malgré elle, mais ses hanches étaient maintenues avec force par l'homme et la douleur avait laissé place rapidement à une onde de choc qui la brisa sur l'autel du plaisir, tandis qu'il buvait à même ses cuisses. Epuisée, Kana le voyait à peine à travers le rideau de cils de ses paupières entrouvertes, tandis qu'il s'était rallongé sur elle pour mieux la pénétrer. Tandis qu'il s'activait, il avait glissé un doigt entre les lèvres de la jeune femme, qui avait senti le goût métallique du sang sur sa langue. « Bois, ma douce, bois et nous serons réunis à jamais. » La jeune femme avait refermé la bouche autour de ce doigt gelé et s'était mis à aspirer au rythme de ses coups de rein, tandis qu'un nouvel orgasme la submergeait. Kana n'aurait pu dire combien de temps cela avait duré. Des heures, des jours, peut-être, durant lesquels les scènes de plaisir animal espaçaient les périodes de sommeil lourd qui l'épuisait encore plus.

Alors qu'un matin se levait, les quelques rayons de l'aube commençant à tracer leur chemin à travers la pénombre persistante, Kana avait senti la lumière du soleil caresser sa peau, brûlant chaque centimètre frôlé. La jeune femme s'était levée d'un bond, hurlant de douleur. Instantanément, les rideaux furent tirés, protégeant Kana du soleil.

"Bonjour, ma douce



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