Un roman trop passionnant

lanad76

Une lecture qui prend une tournure inattendue et inquiétante.

Installée confortablement dans le canapé, lovée dans un plaid réconfortant, un bon thé vert bien chaud et parfumé à porté de main,  je tourne les pages de mon livre frénétiquement, l'intrigue policière me tient en haleine depuis plusieurs heures, et pour rien au monde je ne le lâcherai une seconde avant d'en connaitre la fin. La pluie qui tape contre les carreaux ne me déconcentre même pas, elle frappe doucement d'abord, puis de plus en plus fort, un éclair raisonne non loin d'ici et me surprend en plongeant  la maison dans le noir. Je prend alors mon marque page et referme tranquillement mon livre, Heureusement le feu crépitant dans la cheminée me laisse un léger rai de lumière me permettant  d'atteindre le tiroir du bureau sans me cogner le genou à la table basse . J'attrape une lampe de poche et me précipite dans le couloir vérifier le disjoncteur, mais  rien n'y fait, il faut se rendre à l'évidence, il s'agit d'une panne générale. Un coup d'œil furtif par la fenêtre me le confirme.  La rue est totalement noire, les maisons voisines semblent comme dessinées à l'encre de chine. Il ne reste plus qu'à trouver des bougies. Une demi heure plus tard, pestant de perdre un temps précieux de lecture, après avoir fouillé tous les recoins de la maison du garage au grenier, je n'ai trouvé que le paquet entamé des bougies d'anniversaire de ma tante, Heureusement elle a eu 53 ans et déteste les bougies en chiffres, me voici donc avec mes petites bougies dans les mains à chercher désespérément dans quoi pouvoir les piquer pour enfin retourner lire la fin de cette histoire palpitante qui hante mon esprit.

Soudain des coups brutaux portés sur la porte d'entrée me font sursauter, j'en lâche la lampe torche qui s'éteint en laissant les plies éparpillées sur le sol. Me voici donc figée, dans le noir, le cœur palpitant au point que l'afflux sanguin me provoque des bourdonnements dans les oreilles. J'ai l'impression de devenir dingue.... Je réalise que c'est exactement la scène que je viens de lire dans le roman qui m'attend dans la pièce d'à côté... Si cela doit se produire comme le chapitre en cours, ce n'est pas de bonne augure pour moi. L'héroïne ouvre la porte et se retrouve aux prises d'un tueur en série. Je panique, je sens la crise d'angoisse arriver, ma poitrine qui se resserre dans un étau invisible et j'ai l'impression d'être privée d'air.

Je n'ai pas fini ma lecture et  je ne sais pas comment se termine l'histoire. A l'instant t je ne suis plus certaine d'en avoir envie,  moi qui ne rêvais que de cela une minute plus tôt.

Les coups résonnent de nouveau et j'entend une voix grave hurler :

- Il y a quelqu'un ? Ouvre-moi !

Je reste statufiée  et incapable de prendre une décision, je ne sais plus si la porte d'entrée est verrouillée, mon portable est dans la poche de mon manteau suspendu à la patère de l'entrée. Je ne peux donc pas appeler la police et suis trop terrifiée pour sortir de la cuisine.

Les coups redoublent sur la porte et ma panique aussi. j'ouvre précipitamment  le placard à balai qui se trouve juste à ma droite, et me fraye un passage entre les manches, seaux, brosses et serpillères pour me caler, tapie bien au fond avant de refermer la porte sur moi. Je ferme les yeux et commence un exercice de respiration appris au yoga, j'inspire, je bloque, j'expire, je bloque, plusieurs fois de suite, sans avoir le résultat escompté, à savoir retrouver mon calme.

Maintenant mon corps est secoué de frissons, et pour limiter ces tremblements et ne plus entendre les cris derrière la porte, je me cache les oreilles en appuyant très fort et en me récitant une comptine enfantine dans ma tête.

Je ne sais pas combien de temps a passé, incapable de dire s'il s'est écoulé trente secondes, trente minutes voire des heures. Les yeux toujours fermés et les oreilles bouchées j'entend tout de même un bruit de fond me laissant comprendre que quelqu'un s'est introduit dans la maison, puis derrière mes paupières closes je ressens la lumière qui arrive sur moi en même temps que j'entend le léger grincement de la porte qui devait être mon rempart contre la mort. 

La comptine se transforme alors en prière, moi qui n'ai jamais été très croyante, voyant ma dernière heure arriver c'est la seule chose à laquelle mon esprit semble vouloir s'accrocher.

Une main se pose sur mon épaule. Je me mets à hurler, ultime ressource de mon corps face au danger.

- Juliette, qu'est ce que tu fais dans ce placard ? Tout va bien ? 

Il me semble reconnaitre la voix, mais je n'en suis pas certaine. Bravant mon inquiétude, je glisse légèrement vers le bas mes mains et légèrement vers le haut mes paupières, juste assez pour entrevoir mon interlocuteur.

- Frérot ? Qu'est ce que tu fais là ?

Je regarde autour de moi, pas d'inconnu hostile, et la lumière est revenue, tout à l'air si normal... Sauf moi, toujours recroquevillée dans cet endroit exigüe et malodorant.

- Bah alors sœurette, on oublie de venir chercher son grand frère à la gare ? J'ai du venir en taxi. J'étais inquiet, tu ne répondais pas au téléphone et tu ne venais pas m'ouvrir la porte.

La main rassurante de Romain se tend vers moi pour m'aider à m'extirper de là.


- Sors de là, qu'est- ce qui t'arrive, tu joues à Harry Potter ? allez viens embrasser  ton sauveur Hagrid .

Et je me retrouve dans les bras rassurants de mon frère, oubliant en une fraction de seconde toutes mes craintes et mes angoisses. Romain m'entraîne par la main jusqu'au canapé et me tend ma tasse de thé encore tiède. Toute cette scène qui m'a paru s'éterniser n'a en fait duré qu'une poignée de minutes et je me sens totalement idiote d'avoir paniqué ainsi... Et pourquoi ? A cause de ce livre, qui me nargue là, juste an face de moi. Je m'en saisis rageusement, et sans réfléchir le jette dans la cheminée au milieu des flammes. Il s'embrase doucement, je vois les pages rétrécir petit à petit. Je réalise que ne saurai jamais la fin de l'histoire et suis prise d'un fou-rire inarrêtable sous le regard ahuri de Romain qui se demande si je ne deviens pas folle. 

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