Un ruser plaidoyer
Nathalie Bessonnet
Pardonnez que pour me défendre je doive vous blâmer un peu, vous les femmes, de m'avoir trop dorloté, aimé, flatté ! Moi, qui n'étais rien à la naissance ; laid, bleu, criard, potelé, que l'on mit, les yeux encore fermés, innocent des plaisirs, au tendre d'un sein gorgé de nectar ! Auquel, silencieux et par obéissance, corps et âme je me suis voué !
Quel malheur pour moi qu'il y en eut deux ! Et que, de l'un à l'autre, l'on me portât afin qu'aucun ne fusse lésé ! Le dilemme enfin de ne plus savoir lequel était le plus goûteux !
Alors à qui la faute ?
Et le son doux m'est venu, du mouvement de mes lèvres, dans le creux de ma langue, le téton juteux, débordant de ce miel liquoreux tout à ma bouche, tandis que ma main fermement pressait, chacune à son tour, la gourde pour l'épuiser. Sans cesse j'y retournais sans pouvoir me décider ! Deux anges me visitaient, l'ivresse déjà me rendaient radieux à tous vos regards.
J'entends toujours ce joli et rond clapotis, lorsque je vais à la source de vos envies. Et sachez, que c'est vous, au contraire de ce que vous pensez, qui me possédez.
Que ne m'ait-on jamais fait téter ces deux mères, j'eusse été différent sans doute et je ne serais pas là ; en accusation !
Que savais-je moi, qu'il fallait choisir, entre deux mêmes voluptés ?
Vous me dites qu'un jour je devais souffrir qu'on me fisse le mal que j'ai fait, que l'on périt par le glaive lorsqu'on en a vécu longtemps... De quel glaive parle t-on ? Le mien vous a servi et vous n'eûtes pas à vous plaindre ! Vous aurais-je fait mourir autrement que de plaisir ? Allons ! Si nous étions raisonnables, unis dans l'intelligence, nous serions admirables... tous les trois. Au lieu qu'aujourd'hui vous me réclamiez je ne sais quelle réparation et me parliez de droit.
Soit, me voilà devant vous, à genoux presque, vous suppliant de m'entendre. Faut-il que je choisisse d'abandonner, l'une ou l'autre, superbe, délicieuse, ou bien toutes les deux ? Changeons donc ce monde où l'on dit qu'il ne faut pas courir deux lèvres à la fois... c'est une chimère qui empêche de tout goûter et la seule punition n'en est que l'amertume, le regret. Les règles sont écrites pour les exceptions ! Et l'on est ignorant de n'avoir pas su l'expérimenter.
Punissez-moi et c'est vous que vous punissez, par la croyance en l'exclusivité d'une chose qui ne peut être que partagée... L'amour, votre serviteur...
il est vrai que la sensualité commence dès le berceau. Plaisir de l'enfant qui tête le sein de sa mère. Eh ! oui, je veux être l'avocat de ce pauvre homme, il n'y avait pas qu'un sein mais deux ! Perdu à jamais, il l'était !
· Il y a presque 9 ans ·Très beau texte, vraiment original Nathalie !(prénom de ma fille)
Louve
Je vous remercie , Martine. Mon fieffé coquin aura donc eu au moins un juré de son côté! il faut dire qu'il est vraiment rusé....
· Il y a presque 9 ans ·Nathalie Bessonnet
Oui, je crois que même moi son avocate, je me suis laissée avoir, en même temps c'était mon rôle de le défendre.
· Il y a presque 9 ans ·Louve