Un soir, sur le bord de l’abîme.

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Ambitions, croyances, intuitions, projets d'avenir, illusions. Tu as l'impression de nager dans le bonheur, que toutes les portes s'ouvrent une à une devant toi. Alors tu avances, avances, librement et avec une certaine gaîté voir naïveté que tu viens de repêcher de ta tendre enfance. Les jours, les semaines et les mois défilent à une vitesse extraordinaire sans que jamais tu ne t'arrête, tu sais où le vent te portera, tu es confiant.

Mais… « TOC, TOC, TOC ! » Quelqu'un frappe à la porte : « Bonjour c'est moi, le temps ! Tu ne m'avais quand même pas oublié ? » Et oui, ce temps qui rythme ta vie, tu l'accepte volontiers dans ton périple, cela pourrait devenir ton allié, qui sait. Il s'installe donc dans ton quotidien, la cohabitation semble bien se passer sans trop de discordes. Mais ce temps se met à avancer de plus en plus vite et arrive même à te dépasser, sans crier gare tu viens de passer au second plan. Ta détermination t'est d'une grande aide pour que l'écart entre lui et toi ne se creuse davantage, tu accélère le pas, tu l'entrevois toujours dans ton champ de vision : bon signe.

Alors tu continu tes efforts inconsidérés, encore et encore jusqu'à n'en plus pouvoir. Jusqu'au jour où, en te réveillant, tu ouvre ta fenêtre et tu aperçois dans l'épais brouillard qui recouvre la ville, ce temps qui s'en va, valise sous l'bras. Ce temps qui, était TON temps encore la veille, ton temps qui créchait chez toi jour et nuit. Ton temps vient de se faire la malle et tu te retrouve tout seul. Mais la solitude ne sera pas le seul désagrément causé par cette fuite inopinée. Non. Ce que le temps ne t'avais dit, c'est qu'il est le gouverneur de toutes les vies, qu'il est le chef d'orchestre de la vie des être humains et qu'entant qu'être humain, tu te dois d'être à sa hauteur, aussi proche de lui qu'il ne t'est possible de l'être. Le cas échéant tu devras entreprendre une course fulgurante à un rythme effréné qui aura comme ultime but : retrouver le temps et vivre en harmonie avec lui pour construire ta vie le plus sereinement possible. Mais n'oublie pas : le temps court très vite. Usain Bolt à côté n'est qu'un vulgaire escargot. Le temps que tu as mis pour le comprendre fut bien trop long, il est malheureusement déjà trop tard. L'écart s'est creusé.

Arrive alors les pires journées de toute ton existence, à être dans l'obligation de traiter des choses, de faire des choses, mille choses à la fois, ta tête ressemble désormais à un volcan en éruption, les larmes coulant sur tes joues sont alors comparables à la lave qui coule sur le dos du volcan. Te vient en pleine figure toutes les dead line, tous les délais à respecter dans ton travail. Tu regarde autour de toi et tu ne vois plus rien, si ce n'est des tas de bouquins empilés les uns sur les autres sur ton bureau, qui, au jour d'aujourd'hui fait office de sanctuaire. Oui, ta vie si joyeuse vient de se résumer à ces tas de bouquins et de dossiers que tu as à ingurgiter. Excitant, palpitant n'est-ce pas ? Refusant de déclarer forfait, tu te bats corps et âme pour continuer ta course et faire de ton mieux. Tu parviens même à réaliser certaines choses dans les temps ce qui te donne de l'espoir, mais malgré tout, tous les matins tu te surprends à passer la tête par ta fenêtre pour regarder si ton temps ne serait pas revenu… L'espoir fait vivre.

Te vient alors en tête des désirs, des souhaits. Un en particulier : que le temps s'arrête deux minutes afin que tu puisse faire une check liste de se qu'il te reste à faire, que tu puisse réfléchir, te poser deux minutes, faire un petit bilan, mais sans que le temps ne passe. N'est-ce pas légitime ? Si, je te rassure, ça l'est. Légitime mais irréalisable, comme si le géni d'Aladin allait miraculeusement sortir de sa lampe devant toi ! Par conséquent et au vu de ta situation actuelle, il va falloir apprendre à vivre avec ce temps qui passe. Le temps passe et s'écoule. Vite, bien trop vite. La tonalité de ce texte devient lassante et sans aucune conviction ou combativité. La triste réalité de l'histoire de ce temps te met à mal. Un nombre incalculable de dates te viennent en tête et y restent gravées, stress, angoisse, peur, démotivation, dévalorisation, perte de confiance en soi, estime de soi en baisse… Tu viens d'atteindre un pallier capital : le doute. Ce doute s'engramme en toi sans que jamais il ne te quitte. Tout devient trop compliqué, tout devient irréalisable.

Et bien oui, le temps t'est compté. Les moments de combativité où tu vas te prendre en main et avoir la détermination de commencer quelque chose, vont vite être remplacés par des sentiments d'impuissance face à la liste que tu venais de te faire pour avoir une vision nette du travail que tu avais à effectuer pour les jours à venir. Ta liste fait une page recto-verso, pas moyen de détecter les plus importants des moins importants, tout te semble urgent. Que faire ? L'angoisse monte, monte, monte, monte, jusqu'à te nouer la gorge et te paralyser jusqu'au plus profond de ton être. N'étant antérieurement pas fatigué, tu te retrouve ipso facto dans un état d'épuisement émotionnel qui te fais renoncer à l'entreprise de ton travail. Une solution à cet état de « stupeur et tremblement » ? Le canapé ! Le sommeil, le fantasme nocturne, la procrastination. « Je n'étais pas prêt à commencer, si je commence je devrais terminer avec l'idée de ce temps ultime derrière la tête, cela sera pour demain… » Tellement de choses à faire que tu ne sais plus par où commencer, que tes idées s'emmêlent bêtement dans ta tête. Tu deviens une tête de nœud qui ne comprends plus rien à ce qui se passe à l'extérieur, dans ta bulle tu es coupé du reste du monde. Arrive alors les oublis répétitifs, les gens qui te répètent  maintes et maintes fois les mêmes choses, mais toi, tu n'entends pas, tu n'entends plus. Tu es là, sans être là. Ton corps et ton psychisme se sont clairement dissociés. On te recommande de te poser et de te vider la tête, mais ce que ces personnes ignorent trop souvent c'est que ton « amie » culpabilité est arrivée il y a quelques temps chez toi pour y passer de bonnes vacances…

Tu travail comme un forcené, tu es fatigué, mais surtout ne pas se poser, sinon culpabilité débarque et fait des fracas. Alors tu travail encore plus chaque jour, parfois en te disant que cela ne vas peut être servir à rien, si tu te plante, à la fin tu n'obtiendras rien, mais tu te dis également que si tu travail et défonce tout, les regrets à venir seront moindres et les conséquences psychiques de cet échec diminueront en fonction de l'intensité des efforts que tu auras fait pour en arriver là. Et quitte à se retrouver dans ce rythme infernal, autant y rester et se battre. Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Qui ne tente rien à rien, advienne que pourra. C'est dur mais la clé du problème c'est également de croire en soi et en ses capacités.

C'est un cercle vicieux auquel tu n'as toujours pas trouvé de réponse adéquate. Une seule chose te tient debout, une seule phrase que tu te répète sans cesse dans ta tête : « un jour j'en verrais le bout ».

                                                 

                                                                            Coco - Nobody Knows

 

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