Un toit pour tous

Bernadette Dubus

évènement tragique et réel qui vient de se passer. Mon article dans la presse . Le 19 septembre 2016

Quand une Vicoise choisit l'humanitaire : Le collectif du Sherby, un foyer qui est devenu le sien, un combat qui est le sien

 

 

Garance 23 ans, a passé toute son enfance ou presque dans le village de Vic la Gardiole et gardé précieusement ses amies d'enfance de l'école « Jean-Claude Malgloire » qui fut aussi son professeur en CM2. Après un bac littéraire section théâtre, elle se cherche. C'est une passionnée de liberté qui défend toutes les causes altruistes avec un acharnement sans faille. Impossible de rentrer dans le moule de l'université : elle a besoin de se battre pour les autres. Elle rencontre les Indignés en 2012, fait le tour de France à pieds, croise les oubliés de la vie et de la société, ceux qui vivent dans la rue, surtout femmes et enfants. Emue par tant de misère, sa décision est prise sans même avoir besoin d'y réfléchir : sa vie, ce sera l'humanitaire.

 « C'est au cours d'une marche en montant vers Paris pour la COP21 que j'ai été accueillie avec des amis à Blanquefort au collectif du Sherby. J'ai eu le coup de foudre pour cet endroit et le projet de nos hôtes. Au retour de la COP21, j'ai décidé d'y vivre » dit-elle.

 

Le Sherby a vu le jour le 8 Octobre 2015, à l'initiative citoyenne de deux mamans. Leur but : dénoncer les carences de l'état face à cette grande précarité. Ces deux mamans ont investi les lieux avec en tête un projet déjà bien ficelé : ce sera un logement social pour accueillir des familles avec des enfants.

Cette grande maison de 800 mètres carrés avec ses 4 hectares de terrain est un bâtiment public alors inoccupé depuis plusieurs années. Aujourd'hui, le manque de logement sociaux se fait ressentir dans les rues de Bordeaux où des hommes, des femmes, mais aussi énormément d'enfants errent sans logement et sans solution. Des familles étrangères obligées de quitter leurs pays, mais aussi de nombreuses familles françaises vivant sous le seuil de pauvreté.

Dès Octobre 2015, le Sherby accueille sa première famille : Kristina, son mari et sa petite fille de 11 mois Ajla. C'est une famille albanaise. La petite Ajla est née avec une maladie congénitale (un pied bau) et Kristina se rend très vite compte qu'il lui sera impossible de la faire soigner dans son pays. Arrivés en France il passe 6 mois à la rue. Entre trottoir, cage d'escalier, caravane, ils ne savent pas quand viendra la fin de ce cauchemar. Heureusement une association commence à s'intéresser à eux et les dirige vers cette maison "Le Sherby". Ajla est prise en charge par l'hôpital Pellegrin et suivie par un chirurgien orthopédiste et un kiné. Au début il est difficile de reprendre confiance en soi, Ajla est réservée, elle a le visage fermé, durci par les mois passés, mais très vite la famille prend ses repères. Une maison, c'est un tremplin pour se relever. Peu à peu la maison évolue, le collectif s'agrandit, de nouvelles perspectives voient le jour notamment celle de devenir un lieu de domiciliation pour des associations caritatives. La première association à bénéficier de cette adresse est « mille cœurs d'enfants » dont le but est de récolter du matériel scolaire pour les écoles et les enfants dans le besoin et s'occuper de leur scolarisation. Des nouvelles familles, de nouveau enfants viennent repeupler la vielle bâtisse autrefois vide. Une équipe administrative voit le jour, un toit c'est la première étape, maintenant il faut voir plus loin, c'est à dire être une aide plus concrète pour ces familles dans le besoin. L'objectif : que les familles puissent quitter le Sherby avec une vision d'avenir, un nouveau logement, des papiers à jours, du courage et de la force pour la suite. « Cet hiver nous avons eu jusqu'à une dizaine de familles et douze enfants » Les mois passent, et le collectif décide de créer une nouvelle association « Les Enfants de Coluches ». Sa priorité : récupérer de la nourriture et la redistribuer, monter des partenariats avec des producteurs et aller directement vers les gens dans le besoin. « Nos deux associations fusionnent et les choses prennent de l'ampleur, le Sherby fait parler de lui en montant plusieurs évènements. De nombreuses associations nous viennent en aide, « médecins du monde », « Les restos du cœur », « Emmaûs », et le « 115 ». Ils nous envoient aussi de plus en plus de familles dans le besoin, le téléphone ne s'arrête pas de sonner. Pendant la période hivernal chaque jours nous avons des appel de familles avec enfants à la rue. »

Pendant tout ce temps Kristina et Ajla sont toujours là, sans le père d'Ajla qui a été renvoyé en Albanie. Ajla grandit, elle rêve d'aller à l'école quand elle voit les autres enfants partir le matin avec leur cartable. Pour Kristina ces derniers mois sont encore un long combat. Une OQTF ( Obligation de quitter le territoire français) sous 45 jours. Tout le monde à la maison se mobilise, Kristina et Ajla ne partiront pas. « Ajla est devenu bien trop chère à nos yeux, c'est une petite fille épanouie, elle est chez elle, c'est la seule maison qu'elle connaît et dont elle se souvient. Aujourd'hui elle ne parle que le français ». dit Garance en colère. Kristina quand à elle ne baisse pas les bras, elle s'est investie depuis le début dans cette maison qui est devenu la sienne. Elle ne peut pas encore travailler, elle n'a pas ses papiers, et Ajla est encore trop petite pour aller à l'école. Mais elle veut s'investir pour les autres, qui comme elle avant n'ont pas la chance d'avoir un cadre de vie décent. Elle fait partie du collectif, elle gère la partie administrative, elle parle parfaitement le français, souhaite même s'investir d'avantage et travaille bénévolement pour les resto du cœur. L'avocat, aussi investi que tout les membres du collectif, fait tout pour l'aider. La priorité de Kristina ? Sa fille. Elle sera soignée, elle aura une belle vie, pas la vie que lui propose l'Albanie. Quelques semaines après, première victoire. La procédure est relancée, Kristina et Ayla disposent de plus de temps, Ajla pourra être suivie jusqu'au bout pour ses soins.

La vie continue au Sherby. « De plus en plus de citoyens suivent notre démarche ». Les bénévoles du Sherby créent un jardin potager bio, un poulailler, des jeux pour les enfants, font la récupération de nourriture, s'occupent du travail administratif, des relations avec les organismes publics.

Aujourd'hui, c'est la nouvelle rentrée scolaire, Ajla va à l'école. « Cela fait deux mois qu'elle n'a que ce mot à la bouche: « l'école ». Elle enfile son cartable, fière, et heureuse». Cela fait quelques mois que Kristina attend la réponse pour ses papiers ceux qui lui promettront la tranquillité, pour Ajla. C'est la rentrée mais, très peu de jours après, le collectif du Sherby reçoit une lettre de la préfecture. Une bonne nouvelle ? Non pas vraiment, Kristina et Ajla se retrouvent de nouveau avec une Obligation de quitter le territoire sous 30 jours cette fois-ci. C'est très court, et c'est une gros coup dur pour tout le monde. Kristina, Ajla, en Albanie ? Impossible, inadmissible. Motif invoqué par la préfecture pour lui refuser les papiers ? Qu'elle ne s'est pas montrée assez investie sur le sol français !

Cela fait 2 ans que Kristina est en France et elle n'a jamais fait un faux pas. Elle a appelé tout les jours le 115 pour la demande d'un logement. Tout les jours la réponse est : "nous n'avons pas de place". Elle n'a manqué aucune démarche administrative et à toujours voulu prouver au maximum qu'elle voulait s'intégrer. Cours de français, bénévolat, recherche de travail. Elle souhaite même s'inscrire à l'Université pour faire une formation DELFE qui consiste à une remise à niveau sur la langue française. Mais la préfecture ne l'entends pas de cette oreille et souhaite renvoyer cette maman et sa fille dans un pays qu'Ajla ne connaît plus. Aujourd'hui elle a 3 ans et ne connaît que la culture française qui est la sienne. Ajla marche à présent grâce aux médecins français. Mais il y a encore du chemin à faire car elle doit être suivie.

Garance résume le sentiment de chaque habitant du Sherby :

« Nous avons à l'heure actuelle 22 jours pour aider Kristina et Ajla et nous nous battrons corps et âmes pour y parvenir. Nous faisons appel à toute forme de soutien, nous n'arrêtons pas de parler d'elle sur les réseaux sociaux. Nous n'arrêterons pas la mobilisation, nous n'abandonnerons pas. L'école d'Ajla a aussi choisi de s'investir et de monter un comité de soutien avec les parents d'élèves pour leurs venir en aide. Nous avons aussi monté une pétition à l'intention du Préfet qui depuis sa mise en ligne ne fait que grimper et nous invitons toutes les personnes sensibilisées à la signer.

 Pour Ajla, pour Kristina mais aussi pour toute les familles victimes de la précarité en France, victimes de la rue. Mobilisons-nous ! »

Et elle rajoute :

« Nous ne les laisserons pas partir, quitte à faire un rempart de nos corps. Ils ne les prendront pas ».

Vous voulez les aider ? Vous pouvez le faire. Il suffit de votre signature sur la pétition qui sera adressée à la préfecture. Mais le temps presse. Le compte à rebours a commencé. Dans vingt eux jours il sera trop tard. Qui sait ce que deviendront ces deux femmes dont l'une n'a que trois ans ?

 

https://www.change.org/p/m-le-pr%C3%A9fet-de-la-gironde-des-papiers-pour-cristina-et-sa-fille

https://www.facebook.com/collectifdesoutienausherby/?hc_ref=PAGES_TIMELINE

 

Le collectif du Sherby ! 79 rue de Linas 33290 Blanquefort tel 09 82 56 00 26

Courriel Sherby.collectifbox.fr

 

 

 

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