Un voyage en avion

molly

Je suis allongée sur notre rocher. Je m'assoupis puis m'éveille. Tu es allongé près de moi, je sens ta présence. Je tends mon bras et pose ma main sur ton torse. Ta peau est fraîche et mouillée. Aux endroits où le soleil l'a déjà séchée le sel la rend rugueuse. Tu frissonnes mais tu n'as pas froid, c'est l'effleurement de mes doigts. Tout à l'heure je me suis déshabillée. J'avais trop chaud et je trouvais cela amusant de me mettre toute nue ici. J'ai gardé mes socquettes blanches et mes tennis violettes. Dans le ciel un avion passe, haut très haut. Je vois la vapeur d'eau qu'il laisse derrière lui. Une trainée blanche sur du bleu.

Je te regarde tu as les yeux fermés mais tu ne dors pas tu respires trop vite pour quelqu'un qui dort peut-être fais-tu semblant ou alors le soleil t'aveugle trop. Je ne suis pas bronzée et ma main blanche toujours posée sur ton torse sec maintenant contraste avec ta peau plus sombre. Ce que je vois ne fait que confirmer ce que je sais car je connais tes lignes par cœur comme un poème que l'on récite. La ligne de tes épaules horizontale de la nuque à la pointe puis celle des bras verticale mais bosselée presque parallèle à celle de tes flancs en pente douce vers le renflement léger de ton ventre et celui plus prononcé de ton sexe et derrière le bas de ton dos vallonné en contrebas des fesses auxquelles je me cramponne quand tu t'abats sur moi. Non tu ne dors pas puisque tu tournes la tête et mets tes yeux dans mes yeux qui te regardent. Ils sont bleus comme le ciel ou plus encore mais nulle trace d'avion pas de trainée de vapeur plutôt un éclair quelque chose de moins volatile de plus orageux et intriguant. Une fois de plus je songe à fuir mais où. J'y songe car je sais que je ne ferai qu'y songer et je vais rester là sur ce rocher te faire face t'affronter. Le ciel est toujours bleu et blanc mais tes yeux s'assombrissent on dirait la marée qui monte et fonce le sable juste avant sec qui s'imbibe d'eau l'absorbe gonfle devient plus lourd. Oui tes yeux sur moi sont plus lourds je les sens qui m'enrobent me recouvrent comme des sables mouvants épousent mes contours et les assimilent. Du sable il y en a pour de vrai il crible mon dos. De l'eau aussi je l'entends en bas qui s'agite et violente la falaise. Il y a du soleil qui me brûle et c'est ton ombre qui me rafraîchit tu me caches le ciel non tu es le ciel au-dessus de moi ou bien la lune qui éclipse le soleil au moment où la morsure des rayons devient insupportable. Te faisant horizon plus que palpable tu éteins et attise à la fois un feu tout autre qui dévaste le bas de mon ventre.

Le ciel est toujours bleu et blanc et dans les avions les passagers aux yeux perçants peuvent peut-être apercevoir mes chaussures violettes qui trépignent.

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