-Undecided- chapitre huitième
Juliet
La rue et son agitation, la nuit et la fascination, le voile jeté sur les étoiles, les lueurs chaudes des lampadaires, la froideur des nuits noires d'hiver. Les pierres du sol pavé pour seul et unique lit, derrière un col levé une gorge nue frémit, et le froid pernicieux qui commence à se répandre, le souvenir d'un feu dont il ne reste que les cendres.
Accroupi sur le sol gelé, frémissant, l'adolescent souffle un air chaud au creux de son col maintenu entre ses mains tétanisées, dans une tentative désespérée de raviver son corps transi. Mais le tissu qui le recouvre est trop léger et l'air glacé qui l'entoure est bien trop lourd ; il est dans une prison à ciel ouvert que seule la misère connaît.
La nuit est belle mais sa vie à lui l'a altérée, la vie est belle mais sa nuit à lui l'a enterrée. Autour de lui les acteurs d'une vie nocturne animée vont et viennent, c'est une foule tapageuse qui déambule sans fin, et dans le bruit de la nuée, il se sent comme un sourd-muet. Incapable de comprendre ni de se faire comprendre, il sait que nul ne peut l'entendre, et qu'il n'y a rien à attendre.
Alors, au beau milieu de la foule, il ouvre une bouteille et il se saoule, il cherche les merveilles qui en découlent, il cherche la rêverie dans l'ébriété et s'imagine au Paradis un soir d'été. Bientôt, l'alcool qui coule dans ses veines trompe son corps, alors, il se défoule de ses peines et boit encore. La foule danse autour de lui, c'est un manège humain qui tourne en rond, de plus en plus vite, une danse endiablée dans laquelle il se laisse entraîner dans un éclat de rire joyeux et bientôt la vitesse efface les formes, les mêle les unes dans les autres et le monde ne devient plus qu'une traînée de couleurs tourbillonnant tout autour de lui. Et lui, dans l'oeil du cyclone, aimé de personne, il tournoie.
La chute sur les pavés froids lui a été un coup fatal à la tête. Tenant son crâne dans un râle de douleur, il a tenté de se redresser, seulement l'ivresse le piégeait de ses vertiges, alors il s'est laissé allonger sur ses vestiges.
Le froid seul le maintenait encore à demi-conscient lorsque, quelques minutes -ou une éternité-plus tard, une voix douce lui parvint :
-Jeune homme, avez-vous besoin d'aide ?
Il n'a pas répondu. Ses lèvres étaient rendues pâteuses par l'alcool, sa conscience embrumée, sa gorge asséchée. Entre ses paupières entrouvertes, il ne distinguait qu'une ombre pâle devant lui penchée.
-Jeune homme, où sont vos parents ?
-Maman, il va mourir, le garçon ?
Il a eu envie de rire. Il ne savait pas pourquoi mais, cette voix d'enfant innocent lui semblait parfaitement incongrue, comme sortie de nulle part, et la situation lui parut si ridiculement drôle qu'il éclata d'un rire rauque. Allongé sur le sol, sa joue blafarde contre la pierre glacée, il riait, semblable à un pantin mécanique déréglé.
Il ressemblait vraiment à un pantin, oui, avec ses vêtements colorés et ses membres qui formaient des angles inquiétants comme des bras et des jambes de bois disloqués. Un pantin défectueux qu'on aurait jeté à même la rue pour s'en débarrasser.
-Takashi, ne dis pas des choses pareilles. Bien sûr que non, il ne va pas mourir.
-Mais regarde ses yeux, maman. On dirait qu'il ne voit plus rien. Sucrette avait les mêmes yeux lorsqu'il est mort.
Qui diable est Sucrette, et comment quelqu'un portant un nom pareil pouvait-il avoir des yeux semblables aux siens ? Si l'adolescent riait encore par l'effet de sa mécanique déréglée, intérieurement, il eut subitement envie de pleurer.
-Va dire à ton frère de faire venir le cocher jusqu'ici, Takashi. Nous devons emmener ce garçon à l'hôpital.
Lorsqu'il a senti que des bras le portaient pour le déposer sur une surface qui lui parut alors si douce, si moelleuse, et si chaude, il a entrouvert les yeux. Mais l'épuisement, l'ivresse, et puis la faim aussi, le maintenaient dans un état de torpeur et de faiblesse telles que sa vision demeurait troublée. Alors, à travers le prisme de son semi-coma, il n'a de nouveau pu distinguer que cette ombre blanche qui ressemblait à la silhouette d'un ange.
-Ne t'inquiète pas, a fait la voix féminine qui lui parut comme la caresse d'une mère. Tu dois tenir bon, mon garçon, d'accord ? Ne t'endors pas, tu comprends ? Parle-moi, ne laisse pas le sommeil s'emparer de toi, tu dois lutter, tu dois parler ; dis-moi, comment t'appelles-tu?
-Ryoga.
Du haut de ses seize ans, Ryoga a senti que de tout son être s'emparait un sommeil d'une douceur qu'il n'avait jamais connue alors.
Lorsqu'il a repris connaissance, le monde lui a paru étrangement lumineux. Peut-être était-ce le Paradis, a-t-il songé alors, et que c'est ainsi que le Paradis se présentait ; sous une forme de murs immaculés nimbés sous de vives lumières blanches. Puis une douleur lancinante traversa son crâne qui le ramena à la réalité.
Les tuyaux transparents plantés en intraveineuses dans ses bras, les bruits de pas, les voix qui se mélangent en provenance d'un couloir, ce lit trop propre et trop chaud pour lui ; il était dans un hôpital. Le souvenir d'une silhouette anonyme, une silhouette féminine, et de cette voix douce mais ferme qui tentait de le maintenir en éveil, et puis la cette voix enfantine, apeurée, presque tremblotante, qui l'avait comparé à “Sucrette”, et enfin, des bras forts mais délicats qui le portaient avec aisance jusqu'à le déposer, comme s'il avait été une fleur qu'il ne fallait abîmer à aucun prix, sur une surface qui l'avait accueilli comme les bras de Morphée.
Il n'avait pu l'apercevoir qu'un instant alors, tandis que la calèche les transportait à travers la nuit, celui qui l'avait pris et déposé là. Assis sur la banquette en face de lui, au coin à gauche, à côté de la présence enfantine et de la silhouette féminine, Ryoga l'avait entraperçu une seconde avant de fermer les yeux. Une silhouette massive, sombre, dont la voix encore jeune mais si gutturale alors l'avait frappé :
-Si Père apprend que tu es encore venue en aide à un vagabond, tu sais comment il réagira.
-La façon dont il réagit face à mes actes m'importe moins que la façon dont je réagis face à une insoutenable injustice.
-Ce que je dis simplement, Mère, est que malgré la noblesse de tes actions, j'eusse préféré que tu ne te mettes pas en danger.
-Masashi, ce pauvre adolescent était en bien plus grand danger que je ne peux l'être.
-Maman, le garçon, il s'est endormi.
Ryoga s'est dit qu'il ne pouvait pas les revoir. Peu importe à quel point ces individus s'étaient montrés bienveillants envers lui ; il ne devait surtout pas les revoir. Quelque part au fond de sa conscience, la voix caverneuse de Masashi le hantait. Alors, sans plus attendre, Ryoga s'est redressé, d'une main tremblante a arraché les aiguilles qui l'alimentaient et, ignorant le vertige qui fit tournoyer le monde autour de lui alors, il s'en est allé, chancelant.
Ce n'est que quelques années plus tard qu'il le revit.
De la façon la plus incongrue, la plus inattendue et- il faut l'admettre- qui lui fut passablement désagréable, lorsque Masashi s'est présenté à lui, une silhouette majestueuse et noblement vêtue qui détonnait dans ce décor miséreux, où la saleté, la faim et la pauvreté avaient transformé les humains en squelettes vêtus de haillons.
Mais lui était arrivé là, s'avançant vers lui le plus naturellement du monde, comme s'il n'avait aucune conscience que sa présence même était une anomalie.
Ryoga avait eu un sentiment étrange sur le coup ; comme une familiarité qui lui inspirait une méfiance qu'il ne comprenait pas alors. Ce n'est que lorsque l'homme avait parlé que Ryoga sut tout de suite à qui il avait affaire. Cette voix, jamais il n'avait pu l'oublier ; aujourd'hui encore, il arrivait qu'elle n'assombrisse ses rêves et illumine ses cauchemars. Alors, sans rien laisser paraître, lorsqu'il s'est rendu compte que l'homme en face de lui ne semblait pas le reconnaître, Ryoga a décidé que la méfiance serait son bouclier.
Deux ans plus tard, Ryoga pénétrait dans un hôtel délabré dont les murs semblaient ne tenir debout que sous l'effet d'une intervention divine. Se tenir au milieu du bâtiment qui menaçait de s'effondrer à tout moment ne plaisait guère au jeune homme qui conserva cependant une allure fière tandis qu'il s'avançait vers l'homme debout derrière le comptoir.
A côté de lui, un coup de coude discret le fit réagir et Ryoga toisa Kyo qui lui faisait un bref signe de tête. Suivant son regard, celui de Ryoga a atterri sur la ceinture de l'homme à l'accueil. Une arme y était accrochée qui fit grimacer le jeune homme tandis que subrepticement, Kyo assurait ses arrières, passant sa main sous le revers de sa veste de cuir.
Ryoga avait plaqué ses mains sur le comptoir dans un claquement qui fit à peine réagir l'homme en face de lui. Indolemment, ce dernier a levé les yeux du carnet dans lequel il avait été trop occupé à écrire pour les remarquer ; ou du moins était-ce l'impression qu'il avait donnée. Fixant les deux nouveaux venus d'un regard en coin, l'individu s'est figé net, dissimulant mal son agacement : -Je peux vous aider ?
-Nous sommes venus chercher quelqu'un, annonça froidement Kyo avant même que son ami n'ait eu le temps d'ouvrir la bouche.
L'homme les a dévisagés à tour de rôle, comme s'il tentait de découvrir leurs intentions derrière leurs masques, grimé avec outrance pour l'un, exempt de toute trace d'émotion chez l'autre. Mais il ne trouva rien qu'une parfaite indolence comme les deux compagnons attendaient patiemment, immobiles.
-Qui êtes-vous, qui voulez-vous, et au nom de quoi, je vous prie ?
-Nous avons un mandat d'arrêt émis et signé par le duc en personne.
-Au nom de qui et sous quels motifs ? se méfia l'homme.
Kyo plaqua une affiche sur le comptoir, rivant ses yeux noirs dans ceux de l'individu.
-Pour troubles à l'ordre public, outrage, et tentative d'assassinat à l'encontre de l'un des gardes du corps du duc.
Circonspect, l'homme saisit le document qu'il se mit à inspecter longuement de ses yeux étrécis par la concentration, cherchant à déceler la moindre faille sur le papier. Mais force lui fut de constater qu'il avait entre les mains un document officiel, et que le sceau même du duc y était apposé. Signifiant par-là même l'urgence de la situation.
-Pardonnez ma méfiance, s'excusa platement l'homme dans une révérence obséquieuse qui insupporta Kyo. N'y voyez là aucun mal, mais vos tenues me faisaient douter quant à la véracité de vos fonctions…
-Parce que vous pensez que Monseigneur ne dispose pas d'hommes vêtus en civils prêts à intervenir en cas de nécessité ? Croyez-vous que les malfaiteurs commettraient leurs méfaits de façon si ostensible s'ils se doutaient qu'autour d'eux, quelqu'un était là pour les surveiller ?
L'homme n'a pas répondu. Dans un signe de tête qui les invitait à le suivre, il s'est éloigné et, sans plus attendre, les deux amis ont monté avec lui les marches qui les mèneraient vers la chambre où leur cible était cachée.
-Tu n'as pas peur qu'un jour, l'on découvre ce que tu fais et que l'on te condamne à mort?
-Et toi, quand tu fais la putain, tu n'as pas peur de tomber sur un sadique qui ne se contrôle plus et finisse par te tuer ?
Dans la calèche que Hiroki leur avait affrétée, les deux hommes se faisaient face, essayant tant bien que mal de ne pas basculer sous les cahots turbulents du véhicule qui se frayait un passage parmi les chemins accidentés des bas-quartiers.
Aux côtés de Ryoga, une jeune femme se tenait, ses mains menottées derrière son dos, sa bouche obstruée par un bâillon mais, si sa voix ne pouvait parler, ses yeux seuls exprimaient une férocité indicible.
Appuyant sa semelle boueuse sur la banquette de bois, Ryoga a émis une moue chagrine qui fit ricaner Kyo. -Je déteste quand tu me parles sur ce ton.
-Ce n'est pourtant pas moi qui me vante à tout bout de champ d'être une putain, ironisa-t-il. -Je tombe peut-être sur des sadiques et des vicieux, protesta Ryoga avec véhémence sous le regard écarquillé de la jeune femme, mais moi, je ne contrefais pas des documents officiels ! Et je ne fais de mal à personne !
-Parce que, selon toi, je contrefais des documents dans le but de faire le mal ?
Face à l'amertume justifiée de son ami, Ryoga s'est assombri. S'enfonçant au coin du véhicule, les jambes repliées contre sa poitrine, il a ostensiblement ignoré Kyo. Entrouvrant prudemment le rideau qui les dissimulait au reste du monde, il a jeté un coup d'oeil furtif par la fenêtre. -Nous sommes presque arrivés.
Alors, Ryoga s'est brusquement redressé et, manquant de perdre l'équilibre sous une secousse brutale, il s'est raccroché à temps et, comme si de rien n'était, il s'est avancé vers la jeune femme ligotée pour la délivrer de ses liens.
-Pour une femme accusée de tentative d'assassinat, elle ne m'a pas l'air bien dangereuse, avait déclaré Hiroki après qu'il eut refermé la porte de la salle à manger derrière eux, laissant à l'intéressée l'intimité nécessaire pour faire sa toilette et changer de tenue ; la sienne ayant été quelque peu déchirée durant l'altercation entre elle et les deux hommes.
-Elle n'a assurément tenté de tuer personne, rétorqua impatiemment Kyo ; le duc est prêt à recourir à toutes les calomnies pour faire arrêter quelqu'un. Qu'elle ait participé à des mutineries, cela ne fait aucun doute, mais une tentative de meurtre…
-Peu importe ce qu'elle ait fait ou non, trancha froidement Ryoga ; si elle l'a fait dans le but de porter atteinte à la suprématie du duc, alors, à mes yeux elle n'est pas une criminelle. Moi, ce qui m'inquiète, c'est lui.
Ryoga pointa son doigt sur une présence qui s'était faite si discrète, depuis le début, que Kyo sembla seulement la remarquer.
Accolé au coin du mur, les bras croisés, enfermé dans un mutisme pesant, Karyu se tenait là, sentinelle de marbre surveillant la scène de ses yeux glacés. Seule une esquisse de sourire -ou plutôt fût-ce une grimace- vint animer à peine son visage, creusant une ombre au coin de ses lèvres.
-Je ne lui fais pas confiance. Je vous rappelle que ce mec m'a un jour presque tabassé à mort, et si vous deux n'étiez intervenus à temps, il m'aurait achevé. Comment pourrais-je me fier à celui qui travaille pour Atsushi Sakurai ?
-Qui “travaillait”, rectifia Karyu sans une once d'émotion.
-Qui nous dit que c'est vrai ? riposta Ryoga, hors de lui. Qui nous dit que tu ne nous espionnes pas, nous et bien d'autres encore, pour rapporter nos moindres faits et gestes aux chiens enragés de cette pourriture noble ?
-Parce que si tel était le cas, voilà longtemps que tu serais mort de faim au fond d'un cachot, cracha Karyu dont les yeux brûlaient de haine. Parce que je n'ai que faire de vos petites combines, vos machinations d'imbéciles persuadés d'agir en bons samaritains ; moi, je travaille pour Masashi, et tant qu'il me paie pour cela, je ferai tout le travail qu'il me donnera.
-Mais on n'abandonne pas si aisément son devoir auprès du duc sans en subir les conséquences, objecta Ryoga avec ardeur. Le fait même que tu puisses travailler pour le fils après avoir été au service du père me semble plus que douteux.
-Qu'à cela ne tienne, puisque ce n'est pas pour toi que je travaille.
-Malgré tout, tu détiens la vie d'autres personnes entre tes mains.
Hiroki et Ryo assistaient à la scène en silence, les écoutant se renvoyer la balle sans réagir. Et si Hiroki ne comprenait que trop bien la défiance de Ryoga, s'il partageait son hostilité, bien qu'il la cachât, pour celui qui avait failli lui ôter la vie, il a pris une profonde inspiration et était sur le point de prendre la défense de Karyu lorsque Kyo le devança :
-Je ne lui fais pas confiance non plus, Ryoga. Mais j'ai confiance en Masashi ; et tout ce que je sais, c'est que depuis ce jour où Masashi lui a murmuré quelque chose à l'oreille, je n'ai plus jamais rien eu à reprocher à ce salaud que j'abomine bien plus que tu ne le hais.
Présent
L'air était doux, les nuages gris et bas ; l'orage annonçait sa venue, de ces orages de fin d'été qui délivrent l'atmosphère de toute la chaleur qui l'alourdissait. Humant l'air à pleines narines, le buste gonflé, Atsushi avançait d'un pas ferme, le bruit mat de ses bottes étouffé par la tendreté de la terre humide. L'arme à la main, l'acuité dans le regard, il observait tout autour de lui, sondant les profondeurs de la forêt pour y trouver la proie tapie.
A ses côtés, Miko et Masashi avançaient sans un bruit au rythme de ses pas. S'efforçant de regarder droit devant eux pour ne pas croiser le regard d'Atsushi, mais surtout pour ne pas croiser leurs regards l'un de l'autre, comme le moindre soupçon de connivence pût leur être fatal, ils attendaient avec appréhension le moment où l'homme se souviendrait de leur présence.
Le pied de Masashi a brisé une brindille qui émit un minime craquement ; cela suffit pourtant à faire dévaler le lièvre hors de la cachette de son buisson.
Avant même qu'Atsushi n'eut le temps de pointer précisément son arme au millimètre près où il était certain de ne pas rater son coup, un coup de feu retentit qui rata l'animal de peu ; la balle avait atterri à deux centimètres de lui pour ricocher contre un tronc d'arbre.
L'animal a pris la fuite à toute allure sans laisser à Atsushi le temps de revisiter sa ligne de mire. Interdit, les deux hommes autour d'elle se figèrent, et s'il y avait de la stupéfaction mêlée d'une lueur semblable à de la peur dans le regard de Masashi, le regard d'Atsushi, lui, exprimait un saisissement mêlé d'admiration.
-Qui eût cru qu'un jeune serviteur de quatorze ans raterait sa cible de si peu, lorsque l'on sait qu'il n'a jamais appris à chasser.
-Mes réflexes m'ont fait réagir sans réfléchir, Monseigneur ; pour le reste, ce ne fut rien que la chance du débutant.
Elle sentait le regard inquisiteur de Masashi qui l'interrogeait, et se faisait force pour ne pas lui prêter attention ; au lieu de cela, elle affubla Atsushi d'un sourire radieux.
-J'ai bien peur de vous avoir fait perdre votre gibier, Monseigneur ; je ne doute pas du fait que, si je vous avais laissé tirer le premier, ce lièvre n'aurait pas fait long-feu.
-Eh bien, nous sommes ici pour t'apprendre à chasser, objecta l'homme non sans une certaine satisfaction, et s'il est vrai que nous perdons un trophée, je suis impressionné de voir un si jeune talent à mes côtés.
-Comme je vous l'ai dit, Monseigneur, je n'ai eu que de la chance.
-Je suis persuadé du contraire ; à dire vrai, j'ai même eu l'impression que tu tenais absolument à tirer avant moi pour me faire preuve de ton talent.
Miko a rougi. Si Atsushi avait à demi-tort, à demi-raison, elle n'a rien pu faire qu'esquisser un pâle sourire sur ses lèvres, dans un souci de neutralité. Elle qui sentait le regard de Masashi la fixer se sentait presque soulagée que son père ne fît barrière entre elle et lui ; étrangement, la proximité de l'homme lui était moins insoutenable que celle de Masashi.
Elle sentait émaner de lui une aura de méfiance et de reproche qu'elle voulut fuir à tout prix. Et aussi, il lui fallait gagner la confiance du duc : -Si vous le voulez bien, Monseigneur, je serais honoré que vous usiez de vos talents afin d'approfondir les miens.
Atsushi a dévisagé non sans une certaine admiration la jeune fille qui se tenait droite, sculpture de marbre infaillible qui affrontait la situation avec un pur stoïcisme.
Mais le regard de l'homme examinait Miko de haut en bas et pendant un instant, Masashi sentit la panique affoler son coeur ; peut-être son père avait-il décelé, sous le travestissement, la véritable nature de la jeune fille. Il allait intervenir, la bouche ouverte sur des mots dont il ne sut pas même la teneur, mais avant qu'il ait eu le temps de dire quoi que ce fût, un tonnerre au loin l'interrompit brusquement. Dans un dernier regard vers la jeune fille immobile, Atsushi tourna les talons, jetant son fusil sur son épaule : -L'orage va arriver sur nous. Rentrons.
Comme un rituel tacite, le même scénario se répétait. Le brouillard épais qui se dissipe sous l'effet des rayons de lumière qui filtrent à travers, les abysses du subconscient qu'elle remonte peu à peu jusqu'à apercevoir une surface radieuse et puis, lentement, le sommeil qui devient éveil.
Les coups contre la porte de Takashi l'avaient doucement tirée de ses rêves ; doucement, s'étonna-t-elle, c'est inhabituel de la part du garçon qui avait plutôt l'habitude de tambouriner comme un enfant trop pressé.
Mais cette fois, peut-être avait-il appris à se contenir, ou bien peut-être l'urgence était-elle moindre ; toujours en est-il que, s'ils n'avaient pas duré, ils n'auraient sans doute pas suffi à la réveiller. Dans un soupir qui se mêlait à un bâillement irrépressible, la jeune femme s'est levée et, pieds nus, a marché sans un bruit vers la porte.
Elle comprit la raison de la discrétion des coups lorsque, au lieu de faire face à la frimousse attachante de Takashi, elle se retrouva dominée par le regard paralysant de Karyu.
-Si tu émets le moindre geste, tu le regretteras.
Il a claqué la porte derrière lui d'un coup de pied en arrière tandis qu'au même moment, il plaquait sa main sur sa bouche pour la plaquer de force contre le mur. Prisonnière de cette emprise faramineuse, la terreur la tétanisait tant que plus aucun souffle ne passa à travers sa poitrine comprimée par le bras puissant de Karyu, dont les muscles ciselés saillaient dans une rage qui les faisait trembler.
Miko ne put émettre qu'un gémissement étouffé sous la main ferme de Karyu tandis qu'à travers le rayon de lune, seul halo de lumière alors, son regard féroce la fusillait avec une haine incommensurable. Une haine que, sur le coup, elle ne comprit pas. Sous ce bras qui la maintenait en otage, son cœur cherchait frénétiquement, dans une tentative désespérée, d'échapper à cette cage thoracique. Contre son visage, elle a senti le souffle brûlant de Karyu la menacer ;
-Ecoute-moi bien, démon. Que tu t'amuses à revêtir les habits d'un homme pour trouver une place dans ce château, je m'en contrebalance. Mais il faut que tu retiennes une chose : ce n'est pas parce que Takashi t'adore et que Masashi s'est laissé trop facilement attendrir par ta jolie frimousse que tu n'as que des amis ici. Je te surveille, tu comprends ?
Je te surveille ; et si tu crois pouvoir sans conséquence gagner la confiance de Masashi, si tu imagines pouvoir impunément te rapprocher d'Atsushi, alors garde à l'esprit, une bonne fois pour toutes, que je m'assurerai personnellement que tes actions ne dissimulent rien de malhonnête car crois-moi, si tu venais à briser les barrières de ma tolérance, aucun noble sur son cheval blanc ne pourra venir te sauver.
Karyu a échappé un hurlement rauque qui fit vibrer les murs de la pièce. Affolée, Miko s'est jetée aveuglément sur la porte mais elle eut à peine le temps de frôler la poignée que la poigne de Karyu la ramena brusquement en arrière et de nouveau, la main maintenant ensanglantée de l'homme l'étouffait.
Dans un élan de survie elle donna un coup de talon sur le genou de l'homme qui chancela un instant -mais un instant qui lui suffit de justesse à ouvrir la porte. Elle s'est figée l'espace d'une seconde lorsqu'elle vit Masashi debout sur le seuil, éperdu, qui avait accouru en tenue de nuit, alerté par le cri bestial.
Sans plus attendre, elle a repoussé Masashi qui demeura interdit avant de courir, pieds nus et vêtue d'une simple chemise, au fond de la pénombre.
-Cette salope, elle m'a mordu jusqu'au sang !
-Mako, attends !
Il lui avait fallu persuader Karyu de cesser ses cris de rage pour ne pas alerter le monde autour d'eux, si bien qu'il avait pris un certain retard dans sa poursuite. Il franchissait à peine le seuil grandiose du château qu'elle était déjà loin, s'enfonçant lentement, et trop sûrement, vers la forêt.
Il fut heureux qu'elle portât une chemise de nuit blanche sinon, la repérer dans la nuit eût été un calvaire ; mais elle était là, une minuscule forme blanchâtre qui courait, semblable à un fantôme s'enfuyant dans un monde sans repère, sans savoir où il allait.
Et elle ne devait certainement pas savoir où elle allait pour se diriger fiévreusement vers les bois denses que la nuit rendait menaçants. Courant à en perdre haleine, Masashi tentait de la rattraper tant bien que mal, et il lui fallut du temps avant que l'espace entre elle et lui ne soit visiblement réduit. La douleur lancinante qui tenaillait sa poitrine ne le fit pas ralentir ; elle aussi, pensa-t-il, doit être à bout de forces, mais sa volonté de m'échapper est telle qu'elle préfèrerait sans aucun doute s'écrouler d'épuisement plutôt que de se laisser attraper. Mais pourquoi, se désolait Masashi, haletant, pourquoi vouloir me fuir à ce point ?
Ils étaient à présent tous deux enfoncés dans l'obscurité des bois, et suivre l'ombre pâle de sa silhouette devenait plus ardu comme la densité des arbres la dissimulait d'instant en instant. -Mako, arrête-toi !
Elle s'est retournée, et dans les ténèbres, il a distingué la terreur qui dénaturait ses traits lorsqu'elle réalisa qu'il n'était plus qu'à quelques mètres d'elle. Mais l'énergie du désespoir la saisit qui la fit accélérer, allant à l'encontre de ce que son cœur affolé et ses poumons exténués lui hurlaient. Son souffle entrecoupé parvenait jusqu'à Masashi qui se mit à craindre de la voir disparaître pour de bon. Et il commençait déjà à perdre sa trace dans ce dédale sylvestre qu'un deus ex machina surgit de nulle part. Dans un hurlement strident qui mêlait la surprise à la terreur, Miko s'est laissée tomber en arrière.
Masashi ne comprit ce qu'il s'était passé qu'en arrivant quelques secondes plus tard. Son premier regard fut pour la jeune femme, affalée au sol, pétrifiée, qui écarquillait des yeux brillant d'effroi et, juste devant elle, une bête, noire, puissante, les muscles saillants, qui la dominait et la fixait de ses yeux jaunes. Masashi eut tant peine à y croire, sur le coup, qu'il fallut que le grognement du loup le ramène à la réalité. Alors, sans attendre, Masashi a saisi de sa poche le pistolet qu'il dissimulait et, sans un mot, a commencé à viser.
-Non !
Son doigt tremblant a dérapé de la gâchette avant qu'il n'ait pu appuyer. La voix percutante de Miko l'avait fait tressaillir et, saisi de sueurs froides qui le firent frissonner de tout son long, il fixa la jeune femme toujours au sol.
-Quoi ?
-Tu ne peux pas le tuer, Masashi ; tu ne peux pas mettre fin à sa vie sans raison, comme ça.
-”Sans raison” ? répéta l'homme, désarçonné. Ce n'est pas mettre fin à sa vie “sans raison” alors qu'il est en train de menacer la tienne ! s'indigna-t-il d'une voix tonitruante.
-Mais il ne fait rien, Masashi, regarde… Il ne fait rien.
Le loup était là qui fixait la jeune femme sans bouger. Le poil hérissé, les oreilles dressées, les muscles tendus ; il était comme un chien de garde prêt à attaquer au moindre mouvement. Et si aux yeux de Miko, l'animal n'était rien de plus qu'un animal ordinaire, aux yeux de Masashi, il était un prédateur face auquel la jeune femme était en danger. Alors, à regrets, l'homme a relevé son arme.
Il a détourné son tir juste à temps pour ne pas toucher la demoiselle qui s'était jetée à corps perdu devant lui. Tremblant de tout son être, Masashi a fixé avec effroi la femme qui faisait barrage entre le loup et lui, les bras écartés. Dans toute l'horreur que lui inspira la conscience de ce qu'il avait failli faire, Masashi a lâché son arme, le cœur prêt à exploser.
Réalisant elle aussi qu'elle venait de frôler la mort, Miko le dévisageait avec effroi. La voix étranglée de Masashi lui parvint péniblement, comme altérée.
-Pauvre idiote, te rends-tu compte de ce que tu as fait ?
La colère de Masashi trouvait sa source dans sa terreur, dans le cauchemar qu'il avait cru vivre, alors, malgré ses paroles, Miko ne s'est pas formalisée. Dans une expression de regret, elle a secoué la tête, les bras toujours tendus. Ces bras frêles qui, dans un élan de courage et de folie qui émouvait autant qu'il terrifiait Masashi, avaient voulu protéger un être bien plus fort qu'eux. -Je ne pouvais pas te laisser faire ça, Masashi. Je ne pouvais pas te laisser abattre sous mes yeux un pauvre animal sans défense.
Interdit, l'homme a laissé échapper un rire amer.
-J'avais pourtant cru comprendre que tu ne rechignais pas à abattre un “pauvre animal sans défense”, a-t-il rétorqué d'un ton qui déplut à la jeune fille.
-Si tu parles de ce qui s'est passé cet après-midi, répondit-elle froidement, sache que j'ai fait exprès de rater ce lièvre ; en tirant avant ton père, je voulais simplement profiter de la seconde qu'il lui fallait pour s'assurer de son coup pour effrayer l'animal et le détourner de la trajectoire de son arme.
Masashi n'a pas répondu. Il a dégluti bruyamment, sa pomme d'Adam faisant un aller-retour nerveux dans sa gorge. Miko a souri, mais c'était un sourire sans joie.
-Pendant tout ce temps, tu as cru que j'avais réellement essayé de le tuer, n'est-ce pas ? C'est pour ça que tu m'observais si intensément, tout à l'heure.
-Je t'avoue que, pendant un moment, j'ai eu quelques doutes sur la jeune fille qui disait qu'elle n'avait que du dégoût à l'idée de tuer des animaux.
-Mais tu sais, Masashi ; lorsque les circonstances l'exigent, rien, pas même le dégoût, pas même la peur, ni même la haine, ne peuvent m'empêcher d'agir.
Masashi a étréci les yeux. Son regard intrigué sondait celui de la jeune femme dans une tentative d'y déceler un secret, mais les yeux de MIko n'exprimaient qu'une malice amusée. Comme si elle avait senti les affres que ses propos avaient fait naître en lui.
La tension entre eux, palpable, était si prégnante qu'ils ne remarquèrent pas alors que le loup s'était éloigné depuis un moment déjà. Ils se fixèrent encore ainsi pendant un temps qui leur parut une éternité, immobiles, avant que quelque chose ne brise cette défiance tacite qui les reliait l'un à l'autre.
-Mako, tu saignes.
Elle a baissé la tête comme Masashi se précipitait sur elle. Sous la chemise blanche de la jeune femme, une tache rouge apparaissait.
-Je ne sais pas, Masashi. Je crois que lorsque je suis tombée à la renverse, quelque chose a dû érafler ma cuisse…
-Érafler ? Bon sang, Mako, tu ne sais parler que par euphémismes ? Cette chose, quelle qu'elle soit, t'a carrément percé la chair !
-Je crois que j'ai atterri sur la pointe d'une branche cassée… marmonna la jeune femme.
Miko était honteuse. Elle ne voulait pas le montrer, mais depuis l'instant où Masashi l'avait soulevée comme un poids plume, ignorant ses protestations, jusqu'au moment où il la déposa sur le plus moelleux fauteuil, elle avait éprouvé une gêne intense. Mais l'homme ne l'avait point remarqué, ou du moins ne s'en souciait-il guère, comme tout ce qui l'importait était la plaie sanguinolente de la jeune femme. Nerveuse, elle le laissa remonter sa chemise de nuit jusqu'à hauteur de la plaie qui le fit grimacer de douleur, comme s'il était celui qui était blessé en ce moment même.
-Tout cela ne serait pas arrivé si tu n'avais pas détalé comme une criminelle en fuite jusque dans les bois, râla-t-il plus par principe que par conviction.
-Je n'aurais pas détalé, protesta-t-elle, vexée, si vous n'aviez pas surgi de nulle part comme vous l'avez fait !
-Avec ce rugissement enragé qui a déchiré le silence de la nuit, et qui plus est, venait de ta chambre, comment aurais-je pu ne pas débarquer ? riposta-t-il.
-Mais vous m'avez fait peur !
-Moi ? fit-il d'un air outré grandiloquent comme il lâchait un rire jaune. J'aurais donc dû rester tranquillement dans mon lit pendant que Karyu te faisait Dieu-ne-sait-quoi ?
-Mais je l'ai mordu, vous savez, bougonna-t-elle, le visage décomposé. Je l'ai mordu jusqu'au sang et pour cela, j'ai eu peur que vous ne me…
Elle s'est stoppée nette, détournant le regard pour échapper à celui de Masashi qui la dévisageait avec une hébétude mêlée de chagrin.
-Tu as cru que je te ferais du mal parce que tu as blessé Karyu ?
Son silence gêné voulait tout dire, et le cœur lourd, Masashi a reporté son attention sur la plaie sur laquelle il se mit à apposer un coton imbibé d'alcool.
-C'était de la légitime défense, Mako, murmura-t-il comme à lui-même. Et de toute manière, crois-tu que je t'aurais fait du mal sans même savoir ce qu'il s'était passé ?
-Ce que vous êtes susceptible de faire ou non, comment le saurais-je ?
Elle avait parlé dans une voix éteinte, un faible souffle que son corps épuisé était seulement capable d'émettre. Elle gardait toujours la tête tournée sur le côté, mais Masashi put voir ses joues rosir d'une honte qu'il avait du mal à accepter.
Il aurait voulu prendre en elle toute cette honte, la froisser jusqu'à la réduire en boule et la jeter hors de leur portée. Seulement, a-t-il songé avec regrets, je suis l'objet de cette honte, faisant de moi la dernière personne sans doute à pouvoir l'en libérer. Et tandis qu'il commença à enrouler délicatement le bandage autour de la blessure, Masashi prononça à voix basse :
-Dorénavant, tu dormiras avec moi.
La honte qui la rendait muette disparut comme par enchantement comme elle tourna vivement la tête vers lui pour le fusiller du regard :
-Ne profitez pas de la situation pour prendre des décisions insensées !
-Ce qui serait insensé, objecta-t-il avec calme, serait de te laisser retourner seule dans cette pièce tandis que ce fou furieux pourrait y revenir à tout moment pour t'agresser.
-Il ne m'a pas agressée !
-Alors, tu lui as mordu la main dans un pur élan de cannibalisme ?
Elle a voulu rétorquer, mais d'entre ses lèvres aucun mot ne parvint à sortir alors elle s'est ravisée, déconfite. Elle ne pouvait décidément pas lui dire que Karyu était venue la menacer, méfiant envers elle quant à ses intentions qui expliquaient sa présence dans ce château.
-Vous êtes un pervers qui cachez bien votre jeu, voilà tout, marmonna-t-elle avec mauvaise humeur. Vous trouvez encore une excuse pour me faire dormir dans votre lit.
-De toute manière, un valet de chambre a toujours été censé partager la chambre de celui qu'il sert, contra-t-il. Cela paraît logique, non ?
-Cela ne vous gênait pas jusqu'ici.
-Eh bien, jusqu'ici, j'avais tort de ne pas user de mon autorité pour faire entendre raison à la tête de linotte que tu es.
Son expression ne laissait aucun doute quant à son désaccord, mais Miko ne répondit rien. Peut-être était-ce la lassitude, peut-être était-ce la honte, elle demeurait silencieuse tandis que, d'une main experte, Masashi achevait de fixer le bandage autour de sa blessure.
Cette main qui, une fois encore, lui parut assez grande, assez puissante, pour passer du rôle de guérisseuse à celui de destructrice ; et tout ce qu'il fallait, pensa-t-elle alors, était donner à Masashi une bonne raison de vouloir la détruire. Il suffirait qu'il le veuille pour, que de ces mains fines mais viriles, gracieuses mais titanesques, il ne la réduise en mille morceaux.
-Pourquoi aviez-vous un pistolet sur vous ?
Elle a lâché la question comme une bombe tandis que Masashi était en train de ranger son matériel dans sa mallette de secours et l'homme s'est figé net. Agenouillé devant elle, il a levé sur elle des yeux dont l'éclat, paradoxal, lui sembla obscur.
-Parce que j'ai instinctivement saisi une arme lorsque j'ai reconnu le hurlement de Karyu venant de ta chambre, voilà pourquoi, fit-il avec platitude.
-Vous essayez de me dire que vous cachez une arme dans votre chambre depuis le début ?
-Eh bien, je n'ai jamais tenté d'en faire un secret ; le fait est que jusqu'alors, tu n'avais pas eu l'occasion de le découvrir.
-Suis-je supposée me sentir en sécurité en dormant auprès d'un homme qui garde constamment une arme à feu auprès de lui ?
-Je suppose que je ne peux pas te forcer à te sentir en sécurité si ce n'est pas le cas.
Son indifférence était-elle feinte ? C'est ce qu'aurait voulu savoir Miko qui, une pointe au cœur, envisageait que l'homme ne se soucie réellement pas de ses états d'âme. Alors, un peu anxieuse, mais surtout blessée dans son amour-propre, elle se mura dans le silence.