Une bien jolie projection

ally-b

On était là tous les deux...

Dans un bel appartement Parisien, l'un de nos nids, celui qu'on préfèrait, celui qu'on avait choisis ensemble il y a 10 ans dès qu'on en avait eu les moyens.

- Chou, mon amour, tu te souviens de ces lettres que je t'avais écrites il y a 15 ans? 
- Euh les 150? Oui bien sûr, pourquoi?
- Bah en fait j'aimerais bien les relire, j'aimerais me rappeler mes mots pour toi, j'aimerais me rappeler mes émotions de mes 35 ans et comment mon coeur s'animait quand je pensais à toi et...enfin bref tu veux bien me les ressortir? Je crois qu'elles sont dans la boîte blanche en haut du placard.

Il leva les yeux vers moi, un regard amusé et contraint à la foi.

J'étais assise dans mon vieux fauteuil crapaud, le vert, enfin si on pouvait toujours lui attribuer cette couleur, et je repensais à cette époque en me disant que la vie me comblait vraiment.
J'avais pu lui donner ces lettres, une lettre par jour jusqu'à ce qu'on se retrouve, c'était ça mon truc à moi en nous "attendant", mon truc romantique, mon truc un peu fou. Il y en avait eu 150 jusqu'à cette date, ce jour où nous avions enfin pu nous serrer fort et nous parler "en vrai".

Une vie d'amour, une vie de bonheur, de complicité, une vie d'évidence. 

Je le vois, je le regarde toujours, 15 ans plus tard, comme celui que j'ai toujours aimé, aimé comme ça, comme j'aime aimer.
Je le regarde assis à son bureau, et parfois il lève les yeux vers moi et nos pensées se connectent, on se sourit puis chacun reprend le cours de sa vie. 
Il fait toujours ce qui le passionne et heureusement, je suis fière de lui quand je le vois animé par tant d'idées qui se bousculent, quand il démarre encore aujourd'hui de nouveaux projets. Il nous arrive d'ailleurs de travailler ensemble, d'allier nos talents d'imagination dans l'écriture, toujours complices comme à nos  20 ans, comme depuis nos 35 ans.

- Chou, mon coeur, je nous ouvre une bouteille de vin?

Cette fois il n'a pas replongé les yeux dans son travail, il les a plongé dans les miens et a aussitôt compris que c'était ça qu'il nous fallait maintenant...avec les lettres, un verre de vin, la bouteille même parce qu'on allait replonger dans tout ça, à ma demande...Et rire, se rappeler, débattre du destin, de nos vies antérieures ou parallèles, du chemin parcouru. Et malgré une connaissance presque absolue de chaque partie de nos corps, nous pourrions bien nous surprendre à nouveau en se redécouvrant encore.

Mon métier est devenu une nécessité, une part indispensable de mon équilibre, je suis toujours en lien constant avec mon travail, avec les gens parce que plus qu'un travail c'est mon truc à moi, c'est ce qui me fait vibrer. Des fois il m'arrive de partir à droite à gauche, d'assister à des conférences lorsque ce n'est pas moi qui les donne, ou de partir en voyage. Cette liberté a toujours été essentielle dans tout et a permis ce bonheur, seule d'abord, avec mon fils, puis avec lui ensuite et nos enfants plus tard.

Là, assise dans mon fauteuil, le regardant ouvrir cette bouteille de rouge, je me dis que j'ai bien fait de faire cette demande à l'univers, à la vie, il y a 15 ans, j'ai bien fait de croire en mon bonheur, bien fait d'exiger le meilleur parce que rien n'est facile, rien ne tombe du ciel et c'est précisément ce qu'on apprend tout au long de nos vies.
Cependant si nous faisons confiance en la vie, si nous croyons en nous et au fait que ce qui arrive est pour le mieux, nous nous mettons à détecter des sortes de fils, des guides, là pour nous, même quand c'est dur.

Ma vie n'a pas été une évidence, enfin je veux dire que ce bonheur là je me le suis construis petit à petit et si ce soir je peux déguster cette bouteille de vin avec lui et contempler cette vue magnifique entourée de ceux que j'aime c'est que tous les chapitres de mon passé m'y ont mené et que j'y ai puisé l'essentiel : l'amour, sous toutes ses formes.



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