Une dame en noir

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Texte basé sur l'univers de Harry Potter, se déroulant entre le dernier chapitre et l'épilogue, déjà posté sur un autre site.

Je suis là pour t'aimer, pour te tenir dans mes bras, pour te protéger. Je suis là pour apprendre de toi et recevoir ton amour en retour. Je suis là parce que je ne pourrai être nulle part ailleurs.

 

Douleur. Son monde se résumait à ce petit mot, cet assemblage de lettre. Jamais elle n'avait réalisé l'ampleur qu'il pouvait prendre.

Fred... Son petit Fred... Son fils, son sang, sa chair... Celui qu'elle avait porté pendant neuf mois, celui à qui elle avait donné le sein... Elle l'avait vu grandir, avait ri intérieurement de ses bêtises, s'était même surprise à admirer son ingéniosité... Celui qu'elle avait tenu un jour dans ses bras, celui qui s'était amoureusement lové contre sa poitrine... Là, sous ses yeux. Il lui suffisait de soulever le couvercle de la boîte, et elle pourrait le voir de nouveau. Jamais plus, son sourire, son rire. Jamais plus, son froncement de sourcil si caractéristique, son nez qui se fronce, sa peau qui se plisse... Juste des photos. Vides. Vides d'émotions réelles, de sentiments. De pâles imitation de la réalité. Il était impossible de retranscrire l'amour et la joie dans ses yeux, lorsqu'elle observait ses rejetons. Elle était si fière d'eux, si fière.

 

Plus jamais elle ne porterait cette robe. Elle semblait imprégnée du souvenir de son fils disparu. Imprégnée de ses yeux, de son visage, ses traits. Elle voulait l'ôter, faire disparaître à jamais ce tissu sombre.

 

Elle voulait son fils. Elle voulait sa famille réunie, comme avant. Elle voulait taquiner son enfant au sujet d'Angelina, l'entendre répliquer que c'était du passé, que c'était à Georges qu'il fallait s'adresser. Elle voulait revoir son visage blasé en apparence, la petite lueur gênée au fond de ses yeux. Elle voulait le revoir porter l'écharpe des Gryffondor. Elle voulait le revoir frissonnant dans un tourbillon de flocons, puis, avec un sourire malicieux, plonger sa main gantée dans le tas de neige, et en envoyer une boule dans la tête d'un de ses frères. Elle voulait l'entendre lui raconter quelques anecdotes du magasin, et refuser fermement lorsqu'elle lui en réclamait. Elle voulait observer sa complicité avec son jumeau, elle voulait le voir se chamailler avec Percy.

 

Elle voulait sentir encore une fois cette impression étrange, celle de voir son fils grandir. Ces moments de nostalgie, et de fierté, ce tourbillon d'émotions, les larmes au bord des yeux... Elle voulait le voir marié, père de famille, elle voulait voir le poids des responsabilités sur ses larges épaules, et l'en décharger un peu.

 

Elle voulait être mère, jouer son rôle de mère du mieux qu'elle le pouvait.

Elle se sentait sale, si sale. Indigne. C'était sa faute s'il était mort. Jamais le rouge de son sang n'aurait dû se déverser. Elle aurait du l'empêcher de se rendre à la bataille. Lui et ses frères et soeur. Elle avait failli. Pour la première fois de son existence, elle avait fait une erreur. Une grosse erreur, qui avait été fatale à l'un de ses enfants.

On ne laisse pas sa progéniture partir à la guerre. Non, on lui raconte une histoire, la nuit, pour qu'elle s'endorme. On lui donne à manger bouchée par bouchée, quitte à laisser son café refroidir. On l'habille, on la soigne, on la nourrit. On la protège, on l'élève loin de la brutalité du monde. Même à vingt ans. Il n'y a pas d'âge pour être mère. Pas d'âge pour aimer.

 

~ ~ ~

 

Il ne regardait pas le cercueil. Il n'y arrivait pas. Non, il préférait regarder sa femme. Il savait que s'il laissait ses yeux courir sur la surface sombre, il craquerait. Il deviendrait fou. Comme possédé. Alors, il contemplait celle qui était sienne. Il devinait ses pensées. Il savait qu'elle se sentait coupable, qu'elle avait l'impression d'avoir trahi son fils. Leur fils.

 

Il voulait la serrer dans ses bras, la rassurer. Lui dire que rien n'était sa faute, qu'elle n'aurait pas pu prévoir. Qu'aucun d'eux n'était coupable. Mais sa main lui paraissait de plomb. Impossible de la déplacer, même de quelques millimètres, de sorte que ses doigts effleurent les siens. De sorte qu'elle ne se sente pas seule.

 

Lui aussi aurait voulu le voir marié, père de famille. Il aurait voulu éclater de rire à l'entente de ses désirs, éclater de rire en voyant qu'il ne plaisantait pas lorsqu'il les avait énoncés. Eclater de rire en le voyant, malgré tout, serré dans une robe de soirée, grimaçant lorsqu'une épingle viendrait toucher sa peau d'un peu trop près.
Il aurait voulu le voir se vexer à l'entente des piques que Ron lui aurait lancées. Il aurait aimé admirer encore les jeux de mots quant à l'oreille de Georges, plus inventifs les uns que les autres. Entendrait-il encore le mot « Oreillole » ? Il en doutait.

 

Sans qu'il ne puisse le contrôler, ses yeux dérivèrent de sa femme à la boîte noire. Il enfouit sa tête dans ses mains, se mordant la langue pour ne pas hurler. Ses paumes étaient humides de ses larmes, mais il les garda fermement pressées contre ses paupières, tel un enfant.

 

Lorsqu'il finit par écarter les doigts, il aperçut les épaules de son aimée, elles aussi secouées de sanglots.

L'assemblée n'était qu'une marée de noir. Noir, noir, noir. Il en avait mal à la tête. Même sa petite femme était en noir. Une dame en noir. Une dame en noir qui avait perdu un fils. Une dame en noir détruite par le chagrin.

Lentement, il approcha sa main de la sienne et entortilla leurs doigts. Aucun des deux ne relâcha son étreinte. C'était la seule chose à laquelle ils pouvaient se raccrocher. La seule chose qui les empêchait de sombrer dans la folie.

L'être aimé.

 

Je suis là pour t'aimer, pour te tenir dans mes bras, pour te protéger. Je suis là pour apprendre de toi et recevoir ton amour en retour. Je suis là parce que je ne pourrai être nulle part ailleurs.

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