Une fenêtre ouverte sur l'agonie
lunedepirate
Dans la salle de bains, le coton démaquillant est noir sous mes yeux, et rouge de ce rouge épais qui s'étale mal de ma bouche à ma joue.
Incapable de pleurer, je tremble toujours.
J'attends de ne plus entendre leurs voix qui viennent jusqu'à la salle d'eau.
Je regarde la serviette.
Je ne prendrai pas de douche. Je ne me déshabillerai pas.
Où es-tu ? Qu'est-ce que ça peut me faire d'entendre leurs voix et leurs conversations, hein, quoi ?
Je suis seule dans cette salle d'eau à peine plus large qu'un couloir, et par terre, il y a ce vieux pull troué que tu m'avais donné.
Et moi, qu'est-ce que je pèse dans cette histoire et au travers de ces voix et des débats que j'entends ? Rien. Je ne pèse rien.
Et toi que pèses-tu ? Comment peux-tu me laisser et avoir comme ça faussé compagnie à nos projets, à notre vie ?
C'est comme si tu avais prévu ton coup, dis, c'est ça, comme une sorte de tromperie, ce hasard, cette violence abattue sur nous et les conversations pour oublier.
Mais moi, qu'est-ce que je peux m'en foutre de tout ça, avec mes jambes qui flageolent.
Il faut que je prenne une douche même si je ne voulais pas, à cause de la peur de me retrouver nue et de marcher pieds nus sur le carrelage, avec ce froid, ce corps nu dans un endroit que je ne connais pas.
Alors, une douche ; cette douche et l'eau qui coule du pommeau blanc et sali par le calcaire et la moisissure.
Mais déjà mes vêtements tombent sur le carrelage et mon corps est nu, il tremble, il est si mou, si faible.
Et l'eau. Le bruit de la douche, la chaleur.
Et cette fois ces quelques minutes sont pour moi, pour oublier l'effroi et le goût du vin dans la bouche.
Ne penser à rien.
Se taire.
Et encore laisser couler des larmes revenues, toutes neuves, inonder l'eau de la douche et inonder ma peau, avec cette douceur qu'elle a et qui ne demande qu'à se ramollir encore et se détendre.
Je voudrais dormir.
Et pourtant mon souffle s'agite, je ne comprends pas où je suis, sous la chaleur et la fumée de l'eau très chaude, sur l'émail, oui, cette chaleur et l'eau qui éclabousse le carrelage quand elle frappe mes épaules et mes cheveux.
Je vais partir.
Je voudrais être dehors et marcher dans la nuit pour oublier et oublier que c'est toi qui me trahis et me fais faux bon en me laissant toute seule ici.
Oublier, me laisser aller à l'oubli et ne plus rien voir, ne plus rien entendre.
Oublier tout.