Une Himp probable épopée [1ère Partie]

axyohm

Les rares crocodiles qui n’avaient pas succombé à la léthargie distillée par le soleil de plomb qui écrasait la plage de Tortage en ce début d’après midi eurent le loisir d’assister à un bien curieux spectacle.
Mais quel était donc cette étrange créature maladroite toute de bleu vêtue qui tantôt chancelait dans le sable tantôt se ruait derrière les buissons d’hévéa, comme si une envie pressante la tenaillait?
Engoncé dans sa cape azur, la démarche titubante occasionnée par les monceaux de sable blanc qui s’accumulait dans ses souliers, le juron à la bouche, un jeune homme blond cherchait à se frayer un passage à travers la grève infestée de crocodiles et des cadavres, vestiges d’un précèdent naufrage.
Un observateur attentif aurait noté que le visage, actuellement congestionné par l’action combinée de la chaleur et de la peur, l’accent des jurons débités à quantité industrielle portaient de toute évidence la trace de la noble culture aquilonnienne.

 
“Par Mitra, est-ce donc cette contrée que l’on ose nommer le joyaux des Barracas?
Depuis mon arrivée, j’ai déjà essuyé le courroux de trois crocodiles, sans parler de la puanteur des pauvres bougres qui visiblement ont écourté leur cours de natation. Quel spectacle affligeant...
Quand je pense qu’hier encore, je me trouvais plongé sur un des plus précieux manuscrits d’Epimerteus que conserve la bibliothèque de Tarantia la Vieille… Ah… douce et précieuse Tarantia...
Ha! mais quelle est donc cette horrible chose qui vient de se refermer sur mon pied?”


Retirant à grand peine la cage thoracique décomposée que sa chaussure droite venait de traverser en un horrible craquement suivi d’une puanteur et d’un essaim de mouches, l’aquilionien poursuivit à grand peine sa progression, supportant avec ce qui lui restait de stoïcisme chaleur et l’inconfort de sa tenue, certes idéale pour un érudit mais en aucun cas adaptée pour la contrée hostile et surchauffée dans laquelle le jeune homme avait eut la malencontreuse idée de s’aventurer.


“Si je rappelle bien les termes de l’oracle que mon mentor, le chancelier du grand temple de Mitra m’a tenu, je dois me diriger sans hésitation aucune vers un rocher en forme d’ours...
Pour l’instant, d’ours je n’en vois point, mais de ces saletés de sauriens, il en grouille de partout! Leur façon de ramper me répugne au plus haut point! Ha, non, ça ne va pas recommencer, un de ces lézards surdimensionnés me confond avec son déjeuner!”


Dans un élan de peur plus que de courage ou d’agressivité, il se saisit d’un gros morceau de rame échoué qu’il abattit sans la moindre technique sur le crâne du crocodile, avant que celui-ci ne referme sa mâchoire sur sa jambe…


“Par la lumière de Mitra! Cette douleur est insoutenable! Je me vide de mon sang!”


S’écria- t’il en tentant de retirer une petite écharde que la rame venait de planter dans la paume de sa main.


“Ah oui! Vite,euh... mettons en application ce que mon Maître m’a appris, voyons…. oui c’est ça, invoquons la puissance des soins de Mitra… euh… la Vague de Vie...bon sang, c’est comment déjà...vite, oui c’est ça…”


Il étendit le bras devant lui, une aura bleutée l’habilla, l’écharde s’extirpa de sa plaie et le sang cessa de suinter.


“ Bien,voilà qui va mieux ainsi. On est loin des miracles d’Epimerteus qui soignait une armée entière de 1000 hommes en un seul sort...mais c’est un bon début.”


L’apprenti prêtre de Mitra, puisque tel était le statut de ce bien piteux aventurier, ne put s'empêcher de songer combien ses excellentes notes en matière de théologie, histoire des prophètes n’étaient absolument d’aucune utilité sur cette plage au sable aveuglant.
Honteux,il songea qu’il aurait dû travailler d’avantage ses cours de soins. 
Depuis qu’il était confronté à la barbarie de cet univers peu clément pour les érudits, il regrettait amèrement de ne pas avoir suivi avec davantage d’assiduité les cours de sorts hostiles.
Méprisant jusqu’ici cette matière qu’il estimait destinée à des brutes sans cervelle, il se mordait les doigts d’avoir tiré tiré fierté d’être arrivé avant dernier de sa promotion en la matière.
Himp, car ainsi se nommait notre prêtre, regarda la rame brisée posée sur le crâne du crocodile assommé, et, se disant qu’il était la honte des Prêtres de Mitra.
Il ramassa l’arme de fortune, reconnaissant qu’il avait plus confiance en le pouvoir contondant de ce simple morceau de bois qu’en ses propres dégâts de magie sacrée.
Se rappelant l’objet de sa présence sur l’île et les enjeux qui reposaient sur ses épaules trapues, Himp se redressa de toute sa petite taille et dans un élan de courage tenta de réviser ses incantations.


“Réprimande, Foudres de Mitra et….ah oui Répulsion...Réprimande, Foudres de Mitra…”


Sa litanie eut pour effet d’effrayer les crocodiles qui décidèrent d’abandonner cet étrange personnage qui scrutait avec attention les formes des rochers émergeant de l’eau turquoise.
Himp commençait à désespérer de trouver ce satané ours minéral quand il vit au bout de la crique son imposante silhouette se profiler.
Notre prêtre, rempli de courage se hâta aussi vite que sa tenue pouvait lui permettre, en direction de son but, espérant la fin de ses épreuves dans ce monde bien trop barbare à son goût,
Mais sa satisfaction, de même que ses espoirs de revoir rapidement la bibliothèque de Tarantia, furent de courte durée.
Au pied du rocher, entourant ce qu’il était venu chercher s’affairait une horde de pillards dont la puanteur était presque effrayante que les armes et scarifications qu’ils arboraient.
S’abritant derrière les feuilles d’hévéa dont il commençait décidément à apprécier leurs qualités de camouflage, Himp observa les pirates occupés à récupérer la cargaison vomi sur le sable par le navire échoué dont on devinait la silhouette suppliciée au large.
Les crasseux voleurs repérant un coffre ayant jusqu’ici échappé à leur convoitise, s’écartèrent du rocher en forme d’ours.
L’espoir se mit à renaître dans le coeur du petit prêtre malgré la terreur que lui inspiraient ces pirates qui cumulaient à la sauvagerie et à la vulgarité un manque d'élégance certain.
Sur le sable, gisait l’objet de ses recherches, un homme, très mal en point, certes mais indéniablement, il restait un peu de vie en lui...

A suivre...

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