Une journée ordinaire by JeF et Eva Minipouce

Mini Pouce

Lundi 10 septembre : 6h00

La radio se met en marche, europe1 pour ne pas changer, et comme chaque matin se sont les informations de la veille qui me réveillent, juste pour me rappeler dans quel monde nous vivons. Tu crois apprendre des choses, mais en vérité, chaque matin c’est pareil. J’en ai raz la casquette de la politique et de la météo, de toute façon pour moi c’est le même temps tous les jours, lumière artificielle et climatisation réglée sur 20°.

Je la laisse un peu sonner, mais je n'écoute pas totalement ce qui se dit, je ne suis pas encore assez réveillé pour l'instant je suis entre le sommeil et la réalité.

J'ai allumé la petite lampe de ma table de chevet, celle qui me sert pour lire le soir, elle éclaire juste ce qu'il faut pour ne pas heurter la sensibilité de mes yeux, vous savez c’est cette lumière un peu orange qui donne l’impression que le soleil se couche encore alors qu’on se réveille à l’instant. Ca m’a toujours amusé cette expression « le soleil se couche » ou « le soleil se lève ». C’est moi qui me couche ou qui me lève, le soleil, lui, il ne dort jamais. D’ailleurs en parlant de ça, et bien ça ne doit pas être facile une vie de soleil, toujours là pour éclairer les journées d’un monde qui n’arrête pas de tourner.

Je laisse aller mon regard sur la tapisserie jaunâtre de ma chambre, je déteste cette couleur, mais pour l'instant je n'ai toujours pas trouvé le courage de la changer, on verra plus tard. Je me demande bien si c’est le temps qui a coloré les murs de cette façon ou si c’est les anciens propriétaires qui avaient de mauvais goûts… Il faut vraiment que je me décide à la changer. De toute manière, j’ai horreur de la tapisserie, quand je pourrai, je repeindrai tout en blanc,  le blanc parce que c’est pur et que ça ne veut rien dire.

Les volets de ma chambre restent toujours fermés donc ce n'est pas le soleil qui me réveille, je préfère les laisser clos parce que de toute façon dans cette chambre je n'y vais que pour me retrouver, moi et peut-être parfois quelques unes de ces femmes qui auront le droit d'y pénétrer. Le lit c’est le seul meuble important dans un appartement. C’est l’endroit où tu lâches tes os le soir, l’endroit où tu fais l’amour, l’endroit où ton corps se ressource totalement, l’endroit où tu bouquines, l’endroit où tu te masturbes quand tu es tout seul, j’adore ce meuble. Personne n’osera remettre en doute son utilité, je rends hommage à son inventeur, le premier qui s’est rendu compte qu’on était mieux couché qu’assis ou debout.

Du coup je n’éprouve pas le besoin d’ouvrir mes volets, car quand j’y suis, je n'ai pas envie d'être ouvert sur le monde extérieur. En fait il m'arrive seulement de jouer avec l'ouverture de la fenêtre, et d’ailleurs elle est plus souvent ouverte que fermé, car j'ai en permanence trop chaud dans cette chambre. Et puis parce que ça me permet d'entendre les bruits de la banlieue sans avoir à regarder au travers du carreau, j'ai juste les sons qui me permettent d'imaginer toutes les scènes. Tiens ce matin, je vois très bien, monsieur Germain partir avec sa petite Clio rouge, le vieux modèle. Il a toujours du mal à la démarrer, je vois d’ici la fumée blanche qui sort du radiateur, un jour il va tomber en rade c’est certain. Cet homme doit avoir 50ans, c’est difficile de juger il travaille dans le bâtiment et son visage est marqué par la dureté de son travail et peut-être par les intempéries aussi, peut-être que finalement la Clio tiendra plus le coup que lui…Personnellement je n’ai plus de voiture. Trop compliqué à garer dans Paris. C’est l’horreur. La dernière fois, avant que je vende l’ancienne, quarante cinq minutes à tourner autour de chez moi pour trouver une place, tout ça pour me prendre une prune le lendemain désormais j’en loue une quand j’en ai besoin, c’était d’ailleurs le cas hier soir.

Je me retourne dans ton lit, il n'y a personne à côté de moi, c'est juste un matin ordinaire, le lendemain d'une soirée ordinaire. J'éteins la radio un quart d'heure après, J'en ai déjà trop entendu. Je m'étire dans mon lit, me roule dans tous les sens J'adore sentir le drap s'enrouler autour de mon corps. Je dors toujours dans des draps, même l'hiver car la nuit j'ai toujours trop chaud, malgré ma fenêtre qui reste ouverte et puis je trouve ça beaucoup moins étouffant. Y’a rien de plus sensuel qu’un drap propre.

En m'étirant j'imagine que dehors il fait beau, juste comme ça parce que le soleil c'est agréable même si je n'en profite pas vraiment.

J'ai toujours mon ordinateur portable branché juste à côté de mon lit, il parait que c'est mauvais, une histoire avec des ondes qui empêcherait de dormir correctement mais je m'en fous totalement, l'important c'est que je puisse me reconnecter à ma cyber vie en quelques clics sans sortir de mon lit.

Pourtant je ne me couche pas de bonne heure, mais pendant la nuit d'autres ont encore beaucoup de choses à dire, alors je check rapidement mes mails, J'en ai reçu quelques uns de l'un de mes sites préférés et surtout quelques commentaires. Il y a aussi certains mails de mes amis, parfois même de collèges du bureau. Mes yeux sont à peine  ouverts et je suis allongé sur le côté droit, je réussis quand même à lire ce qu'il y a d'écrit sur mon écran et par quelques mouvements de contorsionniste je peux cliquer d’un doigt sur les pages souhaitées. 

Une fois cette tâche accomplie, je me dirige vers la douche, avant ça je me regarde dans le miroir, les traits de mon visage sont tirés, et ma barbe un peu longue.

On est pas dimanche et je sais qu'il va falloir faire bonne impression aujourd'hui au travail donc j'empoigne fermement mon rasoir comme pour me donner un peu de courage, le seul moment agréable du rasage c'est le moment ou j'étale la mousse sur mon visage, même si l'odeur un peu chimique me pique le nez. Mes cheveux sont plutôt bruns et assez long, ça me donne un petit côté baroudeur mais pas méchant.

Entre temps j'ai ouvert le robinet, la vapeur vient camoufler discrètement le miroir, je jette mon slip noir dans un coin de la salle de bain et file dans la douche. Je ne suis pas très original du côté des sous-vêtements, j’achète les mêmes à l’unité chez Thierry Mugler quand ils soldent, toujours noir ou gris, peu importe, c'est comme ça.

Il n'y a rien de meilleur qu'une bonne douche pour commencer la journée, s’il n’y avait pas ce rituel que je m’oblige à respecter chaque jour, je suis incapable de prendre une douche sans avoir au préalable lavé mes mains correctement au savon dans le lavabo. Je commence par ouvrir l’eau bien chaude, je prends mon savon et je le frictionne entre mes mains, et ensuite j’étale jusqu’aux coudes pour être certains, je rince avec attention entre chaque doigts. Puis je rince le robinet pour enfin pouvoir le fermer. Ce rituel n’a strictement rien de fondé et je me suis déjà demandé pourquoi est ce que je faisais ça… mais c’est le fait d’imaginer laver mon corps avec des mains sales je trouve ça incohérent. De la même manière, avant de prendre un bain, je me douche toujours. Je déteste les piscines publiques pour ça, et la mer encore plus, sauf si je m’y baigne seul.

Une fois dans la douche, je reste un instant les bras contre le carrelage, les yeux fermé, le jet d'eau tiède sur ta tête. Surtout que l'eau ne soit pas trop chaud, mais pas trop froide non plus, juste suffisant pour me rappeler le confort de mon lit.

Je récupère mon savon, il a cette odeur simple des savons de type "Dove", je choisis en général ce genre de marque parce que ça ne m'intéresse pas vraiment de sentir le savon à la lavande. Je savonne mon corps énergiquement et je sors de la douche.

Je me dirige dans ma chambre, la serviette autour de la taille, je dois avoir gardé cette habitude des nombreuses fois ou je n'avais pas passé ma nuit seul, une pudeur excessive, plus pour faire plaisir aux autres. 

Je m'approche de mon armoire, il me faut éviter les nombreux bouquins et autres objets insolites qui peuplent le sol de ma chambre. Machinalement je vais choisir des vêtements, plutôt classe mais pas trop, je vais seulement travailler mais je sais que l'allure c'est important pour être pris au sérieux. Un jour il faudrait inventer un bouquin en papier qui fasse la synthèse de tous les autres. J’aime le papier, ça sent bon. J’en ai parlé une fois à un collègue dont je ne connaissais pas les opinions. Il m’a répondu par mail deux heures après en me conseillant la lecture du coran. J’essayerai, on ne sait jamais, mais je pense qu’il exagère. Rien ne pourra jamais m’envouter autant que l’odeur du papier, vous savez ces vieux bouquins sortis tout droit d’une bibliothèque. D’ailleurs, y’a certains de mes bouquins que je sais reconnaître à l’odeur.

J'aime mettre mon réveil toujours un peu plus tôt, pour m'assoir à la table de ma cuisine et écouter l'émission de "télé matin" sur France 2. Je peux voir défiler l'heure sur le côté gauche de l'écran, ça n'a pas vraiment d'importance mais cette image à un goût de jour de travail.

Je tire la table de cuisine qui se trouve sous mon plan de travail, elle est blanche et on peut apercevoir quelques coups de couteau, traces définitives de matin ou je n'étais pas trop réveillé et où j'avais décidé de me couper quelques tranches de pains. J'achète toujours mon pain dans cette petite boulangerie à quelques rues de mon appartement, je sais qu'il est fait maison et j'aime beaucoup l'aération de la mie, ça sent le travail bien fait et surtout je peux imaginer le boulanger se levant tous les matins pour préparer son pain amoureusement. De plus ils sont les seuls à faire encore des baguettes cuites. J’ai envie de gueuler quand je rentre dans une boulangerie pour acheter du pain et qu’on me demande si je le veux cuit. Evidemment crétin qu’il doit être cuit, sinon je le fais moi même.

Sur ma table il reste encore quelques miettes et surtout l'auréole de la tasse de thé d'hier matin, j'étais partie un peu trop précipitamment et je n'ai pas eu le temps de nettoyer et puis comme souvent je n'ai pas mangé chez moi du reste de la journée. Mon visage se fixe sur les boites de thé alignées dans la cuisine,  je me demande pourquoi un jour j'ai décidé de ranger mon thé dans des boites, car de toute façon il me suffit d'ouvrir le placard de la cuisine pour trouver toute sorte de sachets. Je préfère boire du thé le matin, le café il y a bien longtemps que je l'ai oublié, rien ne sert d'en boire, je préfère autant la caféine du thé et son côté désaltérant. Rien que l'idée de me servir un café le matin pourrait me rappeler ces horribles petits déjeuners en Angleterre et avec ça l'idée des voyages incessants. Il faut dire que le café anglais est particulièrement dégueulasse.

 J'ai toujours des millions de questions qui me viennent en tête le matin, peut-être parce que c'est le seul moment de la journée ou je suis réveillé mais où la nuit et ses songes sont encore bien proches de moi. Comme par exemple hier matin je me surprenais à repasser mon couteau dans les cicatrices de ta table, essayant de me souvenir de quelle manière j'avais pu les dessiner.

Il est déjà l'heure de quitter mon appartement et de me diriger vers  ma voiture de location. Le monde va bientôt me heurter. La ville, ça pue, c’est bruyant, j’ai horreur de ça.

 

Mardi 11 septembre…

Le réveil sonne beaucoup trop fort cette fois, je n’ai même pas encore allumé la lumière que je sens ce mal de tête me prendre toute mon énergie. Je me roule dans les draps il fait vraiment trop chaud aujourd’hui.

Je me décide enfin à allumer la lumière, j’ai la tête allongé contre mon oreiller, j’ouvre péniblement les yeux et là je ne comprends pas.

Ma tapisserie me donne l’impression d’être bleue aujourd’hui, qu’est ce que j’ai bien pu boire hier soir qui puisse encore me donner des hallucinations comme ça.

J’essaye douloureusement de me souvenir de ma soirée, je crois avoir rejoins Jimmy mon collègue du bureau, on avait décidé de se faire un petit resto et d’aller boire un verre ensemble. Je revois encore le bar, on a peut-être abusé sur les verres. Je l’appelle parfois Jimmy Cricket tellement il est petit et il passe sa vie à faire la morale aux gens. Il est tellement petit que la première fois qu’on a été présentés, j’ai hésité à tendre la main, je pensais qu’il était loin. Mais bon, je l’adore.

Y a quelques personnes comme ça avec qui on aime passer du temps, on n’a pas forcément besoin de refaire le monde ou de parler de la nouvelle décision gouvernementale, non juste discuter comme ça atour d’une bonne assiette et d’un bon verre. Hier soir c’est encore ce que nous avons fait, quelques verres de vin pour accompagner notre côte de bœuf, quelques fous-rires et nous nous sentions déjà tout puissant quand la dernière gorgée de vin nous passait au travers de la gorge. Nous n’avons pas tergiversé longtemps avant de décider de traverser la route pour rejoindre le pub irlandais d’en face, histoire de prendre encore une petite bière.

Mais plus j’ouvre les yeux plus je commence à discerner une sorte de frise en haut de mon mur, elle est dans les tons bleu marine et on y voit des petits dessins.

Cette couleur est surprenante tout de même, je m’aperçois ce matin que j’ai quand même des goûts à priori plutôt féminin, cette finition n’est sans doute pas l’œuvre d’un homme, donc surement pas de moi, peut-être l’ancienne propriétaire. C’est étrange car si on m’avait posé la question je n’aurai surement pas répondu que ma tapisserie était bleue, en effet la soirée d’hier m’aura sacrément amoché la cervelle, encore ce fichu whisky.

Du coup j’imagine que quelqu’un est venu me faire une surprise, vous savez comme des amis qui n’aurait plus envie de voir cette vieille tapisserie que je pouvais avoir, alors ils ont envoyé un amis pour m’occuper toute une soirée et ils se sont confiés la mission de refaire les murs de ma chambre, mais plus je réfléchie et plus je me rends compte que c’est improbable, qui aurait l’idée de venir chez moi, de me piquer mes clefs pour me faire ce genre de petite farce. Bon si ce n’est pas ça, alors c’est forcément moi, mais quand est ce que j’ai pu faire ça ? En rentrant hier soir, peut-être que j’ai acheté ces rouleaux dans l’après-midi ?

Non tout ça est impossible ! J’ai donc bien mauvais goût et peut-être qu’il s’agit tout simplement des anciens propriétaires… c’est quand même assez drôle que je n’ai pas pensé à ça avant aujourd’hui.

Jusqu’à présent je n’avais pas bougé de mon lit, imperturbable, j’avais laissé mon esprit vagabonder jusqu’à trouver une bonne raison à toute cette farce.

Alors que je me lève d’un bond, voilà que je me cogne la tête à un lustre gigantesque, le genre de lustre assez faramineux qui doit sans doute couter assez cher et qui se dit peut-être à la mode. C’est un fait un machin blanc volumineux dont dépasse des plumes, des perles et autres fanfreluches un peu trop féminines à mon goût !

Alors que je tente de me dépêtrer de ce lustre insupportable et de très mauvais goût visuellement, je jette un rapide coup d’œil autour de moi, la chambre est identique, les volets sont toujours fermés, seuls quelques détails ont heurté ma sensibilité artistique, comme ce lustre, mais en dehors de ça, l’armoire est à sa bonne place, mon lit aussi. Alors que je m’aperçois qu’il est déjà 7h30, je me demande comment le temps a pu passer aussi vite, je me retrouve à la bourre et je déteste ça, il va falloir que je passe la seconde si je veux pouvoir arriver à l’heure au boulot.

Alors que je me dirige vers la salle de bain je m’arrête net à la sortie de ma chambre, quelque chose vient de me perturber. Je n’ai pas trébuché, je ne me suis pas cogné l’orteil, et je n’ai du éviter aucun objet encombrant, je me retourne comme totalement troublé, les mains un peu tremblante, je décide d’allumer la lumière du plafond. Il n’y a rien sur mon sol, rien du tout, pas même un vieux bouquin qui traîne, encore moins mon ordinateur portable qui squatte toujours à côté de ma table de nuit. Mais où sont les objets qui peuplent ordinairement mon sol ? Quelqu’un est sans doute venu faire le ménage et la décoration je ne vois pas d’autre solution. Le réveil vient encore me souligner que je suis en retard en sonnant une deuxième fois, comme si cette matinée n’était pas suffisamment étrange il faut qu’en plus mon réveil me fasse des siennes.

Je me précipite dans la salle de bain, tout ce qu’il y a autour de moi devient un peu flou, car dans la précipitation je ne me fixe plus que quelques objectifs : douche, vêtements, thé et direction la voiture de location.

Alors que j’entre dans la salle de bain pour accomplir mon rituel habituel, je me regarde dans le miroir et d’un geste machinal je tente d’empoigner mon savon pour effectuer le lavage minutieux de mes mains, mais après avoir tenté deux ou trois fois de le récupérer, je lance un coup d’œil dans la direction de ma main droite, et là stupeur, je ne retrouve pas mon savon ordinaire, autour de mon lavabo il n’y a qu’une brosse à dents, des crèmes en tout genre pour le visage, pris de folie, je commence à renverser tout ce qui se trouve autour de moi, alors que je me retourne dans tous les sens, je continue d’aller de surprise en surprise, à qui est cette robe de chambre blanche avec des rayures bleues ? Je n’ai jamais porté une chose pareil, c’est comme si quelqu’un avait pris possession des lieux. Je suis certain d’avoir payé le loyer ce mois-ci et puis même les propriétaires n’auraient quand même pas foutu mes affaires dehors sans m’en parler, et puis j’ai encore les clefs sinon je n’aurais pas pu me retrouver dans mon lit ce matin.

Alors que j’essaye de me convaincre qu’il y a forcément une explication logique à tout ça, je me décide à monter dans la douche, je me sens bien entendu très mal à l’aise, sans mon rituel habituel je n’aurais pas vraiment l’impression d’avoir pris ma douche et donc d’être propre.

J’attrape la serviette et je la noue autour de ma taille, par réflexe je dirige mon regard vers mes pieds, j’ai tellement peur de trouver encore quelques chose de troublant dans mon intérieur, alors je ne remonte par les yeux avant d’avoir ouvert mon placard.

Il fallait encore quelque chose comme ça pour me faire perdre pied, je me sens pris de vertige, mes mains tremblent et je me retiens de peu de ne pas m’écrouler en arrière. Quelqu’un a échangé mes vêtements, je vous assure que ce n’est pas une blague, je n’ai plus aucun vêtement à moi. Pour commencer mes caleçons noirs, ils ont disparus ! A la place se trouve d’étranges choses aux couleurs plutôt insupportables pour ma vue, dans les roses, rouges, or et autres couleurs que je n’aurais jamais mélangées ensemble. Continuons dans les visions d’horreurs, je retrouve bien rangé dans ma penderie des costumes en velours oranges, camel et autres couleurs que je crois dépassées depuis des années, même les chemises, je ne savais pas que j’avais un goût prononcée pour les chemises à fleurs hawaïennes.

Mes amis me qualifient souvent de personne plutôt calme, et même si j’aime toujours l’humour et que je trouve facilement le moment idéal pour placer une petite boutade ou un commentaire amusant, il en faut souvent beaucoup pour me sortir de mes gonds.

Aujourd’hui je dois vous avouer que je n’en suis pas très loin, je sens mon pouls qui s’accélère, et j’ai le sang qui vient taper contre mon crâne, je suis très proche de l’image de la cocotte minute qui va bientôt se mettre à hurler. Bien sur je tente quelques exercices de relaxation pour m’en sortir, je respire calmement, je m’assois sur mon lit. Ok à trois tout ira mieux, je souffle un bon coup et je m’habille, après une bonne tasse de thé le monde tournera plus rond. Il y a toujours une explication à tout, mon esprit cartésien n’en doute pas le moins du monde.

Je m’étais souvent demandé comment on pouvait se sentir quand on devenait fou, j’avais la drôle de présomption qu’on devait le sentir, ou du moins que la folie devait paraître douce et naturelle. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui j’en suis certain je ne sombre pas dans la folie c’est impossible sinon tout ça ne me semblerait pas complètement fou et anormal. Il faut toujours trouver une explication, il y en a toujours même si ça ne saute pas aux yeux. Alors je me décide j’enfile les premiers vêtements qui me semblent à priori convenir à mon style, un vieux jean qui trainait et un pull gris, parfait ou du moins presque.

Je file dans la cuisine, c’est encore sans doute le moment qui devint le plus difficile à gérer, alors que jusqu’à présent j’avais la sensation d’être dans un demi rêve, vous savez comme si je venais de rêver que ma journée était un cauchemar, là la réalité vint me frapper en pleine figure. Mon appartement était totalement transformé, ma cuisine n’avait plus rien de commun, où était ma télé, et ma cuisine équipée avait disparu pour un ensemble table plus chaises en bois, rien de très moderne en contraste complet avec ma chambre qui d’après moi se voulait très moderne, malgré les goûts déplorables. Je me précipitais dans mes placards pour trouver mon thé, il faut toujours se fixer des objectifs. Mes dizaines de sachets de thé avaient disparu pour laisser le néant, à la place il ne restait que des miettes qui n’auraient même pas suffit à nourrir une souris.

A deux doigts de la crise cardiaque je m’oriente vers mon évier, je m’appuie contre le rebord et mon regard se dirige vers l’extérieur.

Devant moi le gentil parc de ma banlieue venait de laisser place aux sombres rues d’une ville bien trop polluée, une usine laissait échappée sa fumée vers les cieux comme pour me donner encore plus l’impression d’étouffer. Ce paysage proche du chaos était digne d’un film d’horreur, ou en tout cas pour moi il s’en rapprochait presque. Cette ville qui avait jusqu’alors été réputée pour ces lieux historiques et la beauté de certains de ces quartiers semblait simplement aujourd’hui émaner un sentiment de dur labeur, de travail forcé. Je pouvais apercevoir de ma fenêtre les grilles qui entouraient ces usines, je n’avais même pas besoin de voir les salariés sortir pour les imaginer le visage aigri et les yeux ternes, alignés les uns derrières les autres, se dirigeant à leur poste comme s’ils allaient à l’exécution. Mais où était passé mon pays, où était ma vie d’avant, que s’était-il passé ?

M’auraient t’ils débranché ?

JeF et Eva Minipouce

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