une nuit dans le désert
johnnel-ferrary
UNE NUIT DANS LE DESERT
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Je suis arrivé en retard au bureau. C’est un peu mon habitude il est vrai, seulement tout le monde connait cette habitude depuis une vingtaine d’années. Alors, on me pardonne car je suis l’un des meilleurs agents de l’O.C.I. La folie, les extra-terrestres, les tueurs en série, les évènements paranormaux… Bref, toute cette panoplie qui rend notre vie incroyable et parfois amusante. Sauf lorsque des morts s’invitent dans cette partie de cache-cache. L’O.C.I, je sais que personne n’en parle pour la plus simple raison que nous n’existons pas. Et tout ce qui n’existe pas régule nos vies, hélas ! Vous comprenez de quoi je veux parler, n’est-ce pas ? Pour ce qui concerne l’O.CI, ne cherchez pas cet organisme sur les sites d’internet ni dans les archives administratives, vous ne trouverez rien, et pour cause ! Par contre, grâce à ce récit, vous en saurez un peu plus sur notre organisation. O.C.I… Office Central d’Investigation… Nous sommes un peu l’équivalent du F.B.I que vous connaissez bien ! Avec sans aucun doute, une priorité absolue ; nous n’existons pas, et là, personne ne peut savoir qui nous sommes. Notre bureau principal se trouve dans l’un des immeubles situés sur l’Avenue d’Italie, le quartier où se trouve Chinatown treizième. Un immeuble moderne, enfin pas si moderne que çà, il date des années soixante dix, au neuvième étage. Pour y accéder, impossible sans un passe avec le code 45N92B logé dans une puce électronique. Infalsifiable, et oui. Mais si vous désirez venir dans nos locaux, vous ne trouverez pas ceux-ci car ils sont protégés vu que le neuvième étage est en fait le neuvième étage bis. Le nôtre. Vous êtes sur l’avenue d’Italie, en face la porte et derrière vous, la place du même nom. Sur votre gauche, le magasin Prisunic, c’est là que nos bureaux se sont installés il y a plus de quinze ans. Plus loin, vers la porte d’Italie, un concessionnaire de voitures française. Surtout, ne cherchez pas à y poser une bombe, vous seriez très vite identifié. Nos gardiens ont des ordres. Qui veut entrez sans un mandat doit être tué sur le champ. Et comme nous n’existons pas, il ne pourrait y avoir un ou plusieurs meurtriers. Passez votre chemin, c’est beaucoup mieux pour vous. Ce matin donc, je suis arrivé en retard comme tous les matins. Ma voiture est un vieux modèle, une DS 19 qui date des années soixante. Grise, intérieur cuir. Je sais, vous vous dites que ce type gagne beaucoup de fric, n’est-ce pas ? Et bien oui et non, tout va dépendre de la mission que me confient mes supérieurs. Trois mille euros mensuels, disons que c’est la moyenne d’un agent qui enquête sur des évènements que le public se doit d’ignorer. Neuvième étage bis, j’entre dans un sas, puis la porte se referme et autre s’ouvre. Devant moi, la dizaine de personnes se retournent vers moi. Certains ont le sourire, d’autres froncent les sourcils. Surtout notre boss !
- Monsieur MAXIMILIEN, content de vous voir enfin arrivé. Problème de culasse, d’injecteur, un pneu qui se dégonfle ?
- Non, Monsieur, je ne me suis pas réveillé. Hier soir, j’ai fêté l’anniversaire d’un ami.
- Et vous avez un peu trop bu, n’est-ce pas ?
- Je me suis couché vers cinq heures du mat. J’ai peu dormi.
- Bon, veuillez vous asseoir avec vos collègues. Nous allons commencer la séance.
A ma gauche, François. Cà tombe bien avec le gouvernement sauf que lui vote à droite. Moi aussi. A ma droite, Charles Léon, un grand type venus des Antilles et je crois savoir que son vrai prénom est Fet’nat… Il ne parle jamais de politique, il aime trop la musique pour çà. Je me suis assis, j’ai ouvert ma petite mallette et j’ai sorti calepin et stylo bille. François s’est approché de moi.
- Dis-moi, la Josy, elle baise bien ?
- Si tu pouvais fermer ta gueule François, cela me permettrait de m’offrir des vacances aux Baléares.
- Il parait qu’elle suce bien la cochonne ?
- Tu as déjà eu droit à mon poing sur ta gueule une fois, mais là, je crois que la seconde fois arrive lorsque nous irons en récré. Alors fermes là et fais pas chier.
Dans le bureau s’est installé un lourd silence. Chacun de nous retiens sa respiration. Et si le gouvernement sait que nous existons, il est certain qu’il fera tout pour dissoudre l’O.C.I. C’est nous qui sommes aux premières loges dès qu’un évènement particulier opère sur notre territoire, mais aussi sur le globe. Dernièrement, nous avons intercepté un convoi hors zone terrestre qui longeait la voix ferrée entre Paris et la banlieue. Cinq camions chargés de plutonium prêt à l’emploi dans un moteur nucléaire d’ovni. Personne n’est au courant que dans le désert, sous le sable, à environ mille mètres sous terre, une base d’extra-terrestres est toujours en activité. Elle émet en direction de Pluton qui est, d’après nos sources, une base d’engins militaires aux origines inconnues, et qui sont capables de nous réduire à néant. Vous verriez la gueule des martiens comme on les appelle encore aujourd’hui ! C’est hilarant. Loin des créatures du cinéma américain croyez-moi ! Un œil en plein visage, trois bras au lieu de deux… Je m’abstiens de vous dévoiler le reste du corps. Par contre, j’aime leurs combinaisons spatiales, on dirait une seconde peau… Et qui pue ! Pour les tuer, pas si facile, nous avons nos pistolets à neutrons, les seuls capables de les anéantir de manière définitive. Et leurs viscères… Pouah ! Cà me donne envie de vomir. Alors que je commence à griffonner sur mon calepin, le chef entonne le refrain du boss mécontent.
- Il y a parmi nous un traître. Il parle de notre organisation au grand public et il détermine notre position. Vous connaissez notre loi. Tout traître a pour fonction déterminante de mourir sur le champ et cela, sans procès aucun. Et ce traître est là, il est avec nous, et qui se cache sous le masque de ce traître que nous allons détruire ? Vous, ou alors peut-être… Vous ?
Et voilà qu’il me montre du doigt. A mes cotés, François rigole.
- Je savais que tu avais la gueule du traître vieux.
- Ecoutes moi bien François de mes deux, déjà que ton prénom me donne la nausée, mais si tu continues, je vais te détruire mais pas avec mes poings. Vu ?
- Je te pari que tu n’es pas capable de jouir d’un tel moment, mon pauvre Max…
- Tu crois, connard ?
- Pari tenu mec. Rendez vous à la récré mon vieux.
Le chef, magnifique dans son costume trois pièces, couleur gris métal, chemise bleue et cravate assortie, me regarde fixement.
- Notre supposé traître a donné des renseignements par le biais d’un canal inconnu, et nous oblige à le démasquer puis détruire son mode de dialogue. Le commun des mortels ne doit pas savoir qui nous sommes, ce que nous faisons, et cet individu donne les renseignements nécessaires pour que nous puissions nous dévoiler nous-mêmes ! Et comme il est là, parmi vous, je veux qu’il se dénonce maintenant.
Je lève la main comme un gosse en classe.
- Vous parlez de nous autres en évitant votre personne ? Je trouve inquiétant cette parole dont le sujet s’évite lui-même ? Je dis que le traître, c’est peut-être vous, boss ?
- Comment cela ? Serait-ce une insubordination ? les marins se soulèvent contre l’Amiral ?
Et voilà qu’il sort une arme de sa poche. Je sors une arme moi aussi, mais je fais feu sur lui sans aucune parole. Il tombe. A mes cotés, ahuris, mes collègues ne comprennent pas cette situation qui les oblige à se méfier de moi mais aussi de chacun d’entre eux. Des coups de feu tonnent, des corps s’affaissent, la mort sourit. Blessé, François me regarde et me supplie d’appeler les secours.
- Non, que je lui dis. Pas question. L’O.C.I devra survivre malgré cette déchéance trop violente et bien trop rapide. Tu sais mon François, je sais que tu me prends pour un con, mais je vais te dire une bonne chose. Le con, ce n’est pas moi, mais c’est vous car le traître, et c’est moi évidement. Des gens vont connaître notre organisation secrète, et là, des regards se posent sur ces mots qui en disent long. Je vais te tuer François, mais comme tu n’existe pas pour le commun des mortels, je ne pourrais devenir ton assassin. Adieu François, et saches que je t’emmerde.
Un canon de pistolet gros calibre sur la tempe, une détonation. Je suis le seul survivant de l’O.C.I désormais, et personne ne saura qu’au neuvième étage bis, des corps vont peu à peu devenir de la putréfaction sanguinaire. Moi, je suis dans la rue, je marche vers ce qui est important. Je monte dans ma voiture, et direction la chambre de l’hôtel où je suis en train d’écrire ce que vous lisez actuellement. Hélas, vous refuserez de croire cette histoire qui parle de l’office central d’investigations. Dès demain, je vais devoir monter une autre équipe, car vous ne pouvez ignorer que la vérité se cache souvent derrière le masque du mensonge. Maintenant je vous quitte, il est trois heures du matin, et j’ai envie de dormir. Le sable est si chaud dans le désert urbain.
Johnnel B.FERRARY
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