une nuit sans âme

johnnel-ferrary

CETTE NUIT SANS AME

**********************************

     Je me suis réveillé en perles de sueur. Pourtant, je grelottais de froid. La fièvre ? Une maladie coquine et sans contexte antérieur ? Non, je ne rappelais pas si oui ou non j’ai couché nu ou alors je suis sorti alors que le froid et la pluie tapaient fortement sur les façades d’immeubles ? Je me suis levé, j’ai posé les pieds sur le sol. Ma jambe droite me faisait horriblement mal. Il y avait du sang un peu partout dans la chambre. Que c’était-il passé pour que tant de résiné puisse envahir cet espace personnel ? Dans ma main, une arme de fort calibre ? Un révolver encore brûlant et qui se collait à la paume de ma main. J’avais donc tué une ou plusieurs personnes ? Les questions affluaient dans mon esprit couvert de brumes nauséabondes. J’ai réussi à lever la tête et j’ai vu ce putain de visage qui me souriait.

-      Alors, le mariole est réveillé à ce que je vois ? Il va nous parler enfin, n’est-ce pas fumier ?

J’ai voulu répondre, impossible et mes paupières se sont refermés. Automatiquement. Et le paysage est revenu. La cité dans ses coins les plus sombres, des gens hagards, des visages refermés. Les immeubles crevaient la nuit, pas une seule lueur aux façades, et les tramways circulaient à vide. J’avais froid comme si j’étais nu en plein désert urbain. J’eus la simple idée de m’asseoir sur un banc de bois, me protégeant de mes bras vu la température si basse en cette nuit d’un hiver torride, enfin c’est ce que je pouvais croire ! Puis il y eut des bruits d’explosions, de voix inaudibles et qui voulaient me parler dans un langage que je ne connaissais pas. Et lorsque le poing en pleine figure m’obligea à hurler, mes paupières se sont relevées. Automatiquement. J’ai revu le visage de ce type hurleur et que la haine rendait laid un visage de tueur.

-      Alors, il est revenu à lui la petite mauviette ? Il va donc nous parler, n’est-ce pas, il va tout nous dire avant que la chaise électrique ne fasse son office ? Tu sais bonhomme, vide ton sac avant la dernière saison des pluies, tu sais, la saison du désamour, la saison d’où nul ne peut revenir ? Allez, vas-y mon gars, lâches le morceau et on te laisse mourir en prières et en douleurs.

Que voulait savoir cet abruti, me suis-je demandé, il veut que je lui dise quoi au juste, une tirade d’Hamlet, un poème de Verlaine, la combinaison gagnante du tiercé qui doit se courir à l’hippodrome de Vincennes ? Imagines qu’il n’y a que douze partants, et toi comme un con, tu joues le treize, le dix-huit et le vingt et un ? Comme çà, au dépoté ? Tu perds tout, ta mise de cinq cent balles, l’admiration des gonzesses qui peuplent le bar où tu joues ton tiercé, le respect de tes potes de fumoirs et d’apéros bien corsés ? Non, j’ignore que ce type veut me faire dire un « je ne sais quoi au juste ». Je sais qu’il y avait du sang partout, qu’une arme se trouvait dans ma main droite vu que je suis droitier. Avec une force herculéenne, je me décidais à parler. Je vais lui dire que j’ignore tout de ce qui se passe, y compris mon état d’hypocondriaque averti.

-      Je ne… Je ne sais rien, et je… Où suis-je ?

-      Mais il parle le petit enculé, et il ne sait pas où il est, ce qu’il fait là ? Boss, je continu de frapper ou j’arrête de jouer au pushing-ball ? Il sait tout le con, mais il va se taire bien au-delà de toute considération. Il est capable de trainer dans la mort les renseignements nécessaires Boss ?

-      Il ne sait rien, nous nous sommes trompés de cible, entendis-je ma voix répondre à ce tueur sans visage réel. Laisses le crever, il ne nous sert plus à rien.

Une fois de plus, mes paupières alourdies se sont refermés automatiquement. J’étais toujours sur le banc et grelotant de froid. Soudain, une femme s’est approchée de moi. Très belle, un visage radieux. Habillée d’un tailleur rouge, elle me souriait et sans même bouger les lèvres, elle me dit qu’elle était là pour venir me chercher loin de la grisaille urbaine.

-      Tu peux partir loin de cette terre où tu es né il y a trop de temps. Le monde a changé, les hommes, les femmes, les lois ne sont plus les mêmes. Tu vas venir avec moi dans un lieu où tu seras bien. Ce costume te va très bien, mon ami !

Oui, ce costume me sied parfaitement. Bleu gris, chaussures noires genre mocassins haut de gamme, et cette cravate du plus bel effet… Je me suis donc levé et j’ai suivi cette femme aux allures de divinités. Et autour de nous s’éveillait un nouveau monde, les gens se souriaient, riaient de quelques plaisanteries dont j’ignorais la substance. Qu’importe me suis-je dis, je vous quitte homo-sapiens du vingtième siècle, je vais sans doute réaliser ce que je suis et que j’ai toujours été, à savoir cet écrivain sans faille qui savait jouer avec les mots d’un amour universel. Il m’aurait suffit d’une simple machine à écrire pour vous peaufiner une telle prose, mais hélas, en cette époque ou plus personne ne lit les mots, à quoi bon vouloir les écrire sur ce blanc parchemin ? Aurait-il été possible de les penser afin que vous puissiez vous délecter de ses quelques verbes sans aucune âme ? Tout comme cette nuit où les âmes des morts fusionnent avec celles des vivants et ce, dans un cauchemar bien réel ? Ecrire, c’était autrefois lorsque des hommes et des femmes cherchaient la vérité entre deux syllabes, et les poètes chantaient les amours infidèles des contrebandiers du sexe. Mais c’était hier, dans un siècle qui se voulait sortir des ténèbres. Pas celui de cette nuit… Sans âme !

****************************************************************

Johnnel B.FERRARY

Signaler ce texte