Une personne dans la foule.
metanoia
La vie s'avère parfois incroyable ; le hasard, cet ange diabolique, se joue de nous. La plupart du temps, lac calme que l'on maudit, il peut s'agiter sans mal sans introduction, et devient alors une cascade merveilleuse, un torrent agité, une chance bienheureuse. C'est par hasard que j'avais gagné pour ce soir là une jolie place m'ouvrant les portes d'un festival de musique électronique. Par hasard qu'après 5h de danses effrénées, une énergie canalisée s'ouvrait encore et toujours, sans cesse, ce soir là, et me guida vers le premier rang de la scène; la musique électrifiant chacun de mes pores, chaque parcelle de mon être, je bougeais des hanches et ne contrôlait plus une chevelure volant de toute part. Un peu trop peut être. Comme d'habitude au fond. Sauf que cette fois, c'était différent. Cette fois, ma cuisse gauche en rencontra une autre. Naquit de ce geste qui n'avait même pas honneur d'être voulu, un regard. Regard entre deux inconnus. Regard électrique et brûlant qui se prolongea deux heures durant. Mais le temps n'existait plus, en fait ; ironiquement au sein d'un festival dont le thème annuel était, justement :le temps. Le monde s'arrêta, en suspension, derrière la force de deux regards plus électriques que n'importe quel son ce soir là. Des mains ferventes et passionnées, des corps avides, des paroles déliées ; la vie est parfois incroyable, le hasard, diable angélique. Un amour impossible et impensable, pas plus achevé qu'il ne fut entamé. Une flamme avivée à une époque de ma vie où la foi de moi-même était corrompue, la foi de moi-même avec les autres, moi au sein de la société. J'avais oublié que l'amour, la surprise, ce n'était pas que dans l'art ou dans la vie d'autrui. C'est sous un flot de paroles mélodiques et crues, entre chant d'église et film érotique, qu'il a reconstruit cela, sans même le savoir, ces idéaux évaporés, entrant naturellement dans ma bulle, qui s'était antérieurement faite carapace. Il a sauvé une partie de ma jeunesse que j'étais en train d'éteindre, peut être. Je ne connais pas son nom, je n'ai pas davantage son numéro. Son coeur était déjà pris de toute façon. C'est sûrement mieux ainsi. Ce secret d'identité échappe au temps encore une fois; aux schémas sociologiques d'une société moderne pré-construite. Je préserve ainsi un amour foudroyant et intemporel, imaginaire et improbable, d'autant plus fascinant et fort qu'il n'existe qu'en travers de frontières invisibles, de besoins inaccomplis, tel un rêve ou un mythe. L'histoire était anodine. Il ne s'agissait même pas d'une poignée d'heures. Et pourtant. Le temps n'est rien au fond; il y a des choses, incompréhensibles et inattendues au plus haut point, qui dépassent cela, le temps, cette force suprême qui parait maîtresse. Et non ; des faits sont d'une intensité telle, qui transperce et efface les moteurs même du monde, le monde lui-même. Une infinité de choses, en permanence. Cette chose en particulier. Je n'oublierais jamais cette électricité, poignante, posée comme antithèse de la douceur de sa peau. Ses yeux verts maintenant un regard saisissant, Ses mains entre mes cuisses, ma tête emboîtée dans le creux de son épaule, comme si nos deux corps étaient habitués l'un à l'autre depuis toujours; mes doigts découvrant des trésors que je ne pouvais voir, son souffle dans mon cou et ses paroles dans mon coeur; son teint halé, son sourire dangereusement séducteur, son parfum troublant ; les papillons dans le ventre ; mes larmes le lendemain, mon bouleversement intérieur, mes fantasmes déduis, mon optimiste regonflé.
Un instant vaut parfois parfois tellement : maintenant, je crois aucoup de foudre.