Une peur, une histoire.

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J'y étais enfin arrivé, j'avais enfin réussi à surmonter cette peur qui reposait en moi depuis des années. Parvenir à combattre ce démon qui hantait mes nuits était rude, mais franchir un obstacle est parfois moins douloureux que de le regarder au loin. 
Je m'étais renseigné avant de venir. En réalité cela fait des mois que je me renseigne. J'ai trouvé des articles de journaux, j'ai feuilleté une trentaine de fois les pages jaunes, j'ai été sur internet explorer. Et là, j'étais devant, devant cette immense boutique. Elle m'a paru un million de fois plus grande qu'à la télévision. L'éclairage était spectaculaire. Le plus étrange me diriez-vous, c'est qu'avant d'y entrer, je connaissais déjà tous les rayons par coeur. Au rez-de-chaussé, on y trouvera les accessoires du type sac à main, porte monnaie, mais aussi les bijoux et les lunettes de soleil. Ensuite on a le choix, monter ou descendre. Si l'on descend, nous voici au rayon chaussures, plus de 380 modèles y sont exposés. Et si l'on décidé plutôt de monter, on arrive au rayon lingerie féminine. En bref, vous l'aurez compris, je connaissais cette boutique comme si elle était mienne.
11h07, je me décidais enfin à entrer. Les spots m'aveuglaient, je n'étais pas bien. J'avais peur, j'avais peur de leur regard, j'avais peur de ce lieu. Des milliers de cauchemards relataient ce moment, parfois d'une manière moins sanglante qu'une autre, mais cet étrange rêve ne finissait jamais bien, jamais bien pour moi. J'avançais.. Je voyais les rayons défiler mais toujours rien. Je n'avais pas trouvé ce que je cherchais. Que cherchai-je déjà? J'en perds la tête. Je décidais de monter, monter d'un étage puis de 3 pour redescendre d'un. J'étais terrorisé. Terrorisé à l'idée de trouver ce que je cherchais. La tête qui tourne, les idées en vrac, et si cette escapade était plus dangereuse que prévue? 
Je décidais d'abandonner. Je descendis l'escalator pour me diriger vers la sortie. Celle-ci n'était pas indiqué, alors je m'approchais et demandais gentiment à une vendeuse ou elle se situait. La vendeuse se retourna vers moi, me regardant d'un air niais et marmonna : «En face, c'est écrit». Ca y est, j'avais trouvé ce que je cherchais. Je m'évanouis là, devant les parfums du stand de cette jolie dame. Elle appela les secours, les vigiles, le samu, et presque toute la boutique. La pauvre, elle était toute affollée. Je ne pensais pas que les choses se dérouleraient ainsi. Abandonner si près du but ? Jamais. En me réveillant, je vis la tête de cette femme paniquée. Elle était là à me fixer des yeux, me demandant si j'allais bien. Après m'être relevé, elle me proposa un café, ce ne fut pas de refus. J'acceptais. J'acquiecais chacune de ses paroles, j'enregistrais chacun de ses mots, je la regardais d'un air béat.. Puis je partis. 
En sortant, ma meilleure amie m'attendait, à coté du camion du samu.
«Alors?», me dit elle. 
«Alors elle est magnifique, elle a des yeux bleue à se noyer dedans, elle a un sourire extraordinaire.. je suis tombée à ses pieds en l'apercevant».
«Me dis pas que c'était toi le samu ? Tu me surprendras toujours ! Et alors sa réaction?»
«Elle était paniquée.. Elle était stressée, limite en larmes.»
«Et?»
«Et je suis parti. J'avais honte d'être par terre, j'avais honte pour elle, elle avait honte pour moi. Elle avait l'air d'une femme comblée, c'était l'essentiel. Je ne pouvais pas lui annoncer comme ça que j'étais son fils, que je l'avais retrouvé grâce à des milliards de sites internet traduit en japonais, que j'avais hésité plus d'une trentaine de fois avant d'oser y aller et que j'avais pour but de partir avant de la rencontrer. Mais surtout, je ne pouvais pas lui dire que ce mec, évanouit au milieu de l'allée des cosmétiques, entre Chanel et Dior, allongé sur le sol, était tout simplement le résultat d'une grossesse non voulue, d'une enfance tragique passée à voyager entre famille d'accueil et foyer sans parent ni argent. Non vraiment, je ne pouvais pas.»
#Z Industry.


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