Ma poupée

Jean Marc Kerviche

Les poupées ne sont plus ce qu'elles étaient...

Il y a des grandes et des petites poupées !

Une anecdote avec une jeune fille prénommée Julie.

Elle était toute petite, avec un sourire enjôleur.

Elle venait souvent chez nous pour jouer avec mes jumeaux et elle avait vraiment l'air d'une poupée avec ses joues rondes et ses couettes.

Elle était si craquante que j'avais pris l'habitude de l'appeler "ma poupée". Peut-être était-ce la matérialisation d'un regret subliminal de n'avoir eu que des garçons, ne sachant pas encore que ceux-ci me donneraient cinq adorables petites-filles !

Enfin bref, je l'appelais "ma poupée".

Un jour, alors qu'elle repartait chez elle et que je lui disais au revoir, elle se retourna vers moi et me jeta sans se démonter :

"Pourquoi vous m'appelez toujours ma poupée ?

Et moi de lui répondre :

"Eh bien, parce que tu ressembles à une poupée !

Elle paraissait satisfaite à en juger par son sourire !

Et les années passèrent, elle venait toujours à la maison pour jouer dans le bac à sable du jardin que j'avais aménagé pour mes enfants, mais comme elle avait grandi, je ne m'autorisais plus à la qualifier de poupée !

Un jour, alors qu'elle repartait de la maison et que je lui disais au revoir, elle me lança :

"Monsieur Kerviche, pourquoi vous ne m'appelez plus ma poupée ?"

Interloqué par son aplomb, je bafouillais :

"Eh bien tu sais, tu es grande maintenant ! Les poupées, elles sont toutes petites !"

... ...

Plus de quinze années après, alors que je passais aux Cottages pour je ne sais plus quelle raison, je vis une jeune fille passer près de moi alors que je m'apprêtais à entrer dans ma voiture.

Elle m'adressa un sourire radieux.

Interpellé, je la regardais, m'interrogeais, la dévisageais.

Et là, elle me lança :

"Vous ne me reconnaissez pas ?"

Je restais interdit cherchant dans ma mémoire. Me voyant hésiter, elle me vint en aide :

"Je suis Julie ... !"

Et moi de lui répondre :

Eh bien ! Tu as beaucoup changé, je ne t'aurais pas reconnue ! 

Les poupées ne sont plus ce qu'elles étaient. Elles grandissent sans qu'on s'en aperçoive, mais elles restent toujours immuables quelque part dans nos souvenirs.

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