Une rencontre inhabituelle

david-b

Il pleut. L'eau ruisselle sur mon visage. Je me tiens face à l'immeuble où je vis. Il y a de la lumière dans mon appartement. Je vois une silhouette apparaître à la fenêtre. C'est une femme. Je ne la connais pas.

***

La première fois que je la rencontre, cela fait déjà un moment que j'habite là. Brune, les yeux maquillés de noir, elle semble irréelle tant sa présence me parait surprenante. Je sors souvent, je connais tous les résidents de l'immeuble, mais je me trompe, visiblement. Je lui demande quand même si elle habite bien ici, si elle n'est pas de passage, mais oui, c'est bien ici qu'elle habite.

Le lendemain, je me rends au travail, et je la croise dans le parc. Elle est là, sur un banc, à savourer l'aube, la fumée de sa cigarette s'étirant dans la lumière matinale. Je ne comprends pas. Pourquoi ne l'ai-je pas rencontrée plus tôt ?

En mangeant au restaurant avec quelques collègues, je la vois à nouveau. C'est sans doute la première fois qu'elle vient, j'y mange quotidiennement et je ne l'ai jamais vue ici. Je demande à mes collègues s'ils la connaissent. Ils me disent que cela fait des mois qu'elle vient manger aux mêmes heures que nous. D'ailleurs, elle travaille avec nous.

Dans l'après-midi, je la croise en effet dans les couloirs du bureau. Elle ne fait aucune remarque, juste, à chaque fois, elle m'adresse ce sourire, assez indéfinissable.

Je la rencontre désormais tous les jours. Je lui demande si elle n'a pas récemment changé quelque chose dans ses habitudes. Elle me répond non, et ajoute, en souriant : « Peut-être est-ce toi qui as changé quelque chose dans ta vie. »

Le soir, chez moi, je commence à me poser des questions. Est-ce que je ne fais pas assez attention aux choses qui m'entourent ?

Le lendemain, au bureau, je la découvre assise à ma place. Je lui demande ce qu'elle fait là. Elle me répond que c'est là qu'elle travaille. Je lui dis que c'est impossible. Elle me regarde calmement, souriante, puis se lève pour faire quelques photocopies... Je la suis, mais je la perds de vue... Je commence à me perdre, dans tous ces couloirs, toutes ces pièces, tous ces gens... Je quitte le bâtiment. Je marche longuement, dans la ville, j'essaie de penser à autre chose, mais je ne comprends pas, comment ai-je pu en arriver là ?

Il pleut. L'eau ruisselle sur mon visage. Je me tiens face à l'immeuble où je vis. Il y a de la lumière dans mon appartement. Je vois une silhouette apparaître à la fenêtre. C'est elle.

Je monte, et en tentant d'ouvrir la porte, je découvre que la serrure a été changée. Je sonne, c'est elle qui m'ouvre. Je lui demande ce qu'elle fait là. Elle me dit qu'elle habite ici. Je lui dis que c'est impossible. Elle me laisse à la porte, revient avec un papier. C'est le bail, avec mon nom dessus. C'est donc bien chez moi. Elle me dit que je ne comprends pas : « Tu n'es plus à ta place ici. »

Je redescends dehors. Il pleut. J'ai l'impression de devenir folle. Dans les flaques d'eau, je vois mon reflet, mes longs cheveux bruns, mon maquillage noir qui coule le long de mes joues. Je ne suis plus qu'un souvenir. Je dois la laisser être moi.

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