Une terrible solitude

obscuritas

L'idée m'est venue lors d'un jour de pluie.. "Je porte la victoire au coeur de mon désastre - Auriez-vous crevé les yeux de tous les astres - Je porte le soleil dans mon obscurité."

Un jour, il y a bien longtemps, Dieu, punit les Hommes et les animaux.

Le bruit, que tous produisaient, était en effet devenu si insupportable à ses oreilles qu'il décida de l'interdire. Et, quiconque ferait fi de cette règle, quiconque briserait le silence, serait inéluctablement banni de la Terre.

Pendant un certain temps, cette règle fut respectée. Puis, un oiseau chanta, n'en pouvant plus.

Petit à petit, les Hommes et les animaux disparurent de la Terre pour finalement n'y laisser qu'une petite fille.

Elle se nommait Mina et elle était belle comme le jour et douce comme une matinée printanière. Ses cheveux blonds tombaient en cascade jusqu'à ses genoux, et ses yeux verts émeraude rappelaient les forêts les plus épanouies.

Dieu eut pitié d'elle et, pour célébrer sa force mentale, il lui permit de rester sur Terre sans jamais vieillir.

Mina était donc seule, seule au monde, mais, jamais elle ne se rappela le temps où les Hommes y vivaient. Elle était libre comme l'air et vivait au jour le jour, sans jamais se soucier de quoi que se soit, même pas de l'interdiction qui était de toute façon si intimement liée à elle que jamais elle n'oserait parler.

Cela ne l'empêcher pourtant pas de réfléchir, d'évoluer, de vivre. On pouvait donc qualifier sa vie de ''Heureuse''.

Un jour cependant, elle ressentit quelque chose en elle, un sentiment pour être exact, que jamais elle n'avait connu. Ce sentiment grandissait, l'envahissant de plus en plus. Et, chaque jour, la même question la hantait ''Qu'était-ce donc ?''.

Cette question la torturait jusqu'à ce qu'un matin, en se réveillant, elle sentit une goutte d'eau sur ses joues. Et d'autres qui coulaient de ses yeux sans cesser. Alors quand elle s'en rendit compte, un mot s'imposa à son esprit. Et ce mot fut : '' Tristesse''.

Dès lors qu'elle se souvint de ce mot, elle commença à perdre petit à petit la joie de vivre. Préférant rester assise à côté d'un ruisseau que gambader dans la plaine. Elle mangeait aussi beaucoup moins, faisant parfois de longues périodes de jeûne.

Ce mot, ''Tristesse'', fut très néfaste pour elle.

Puis, un soir, pleurant comme à son habitude, et cela juste avant de trouver le sommeil, un nouveau mot vint remplacer ''Tristesse'' dans son esprit.

Ce nouveau mot était ''Ami''

''Que pourrait donc signifier ce mot ?'', se demandait-elle.

Elle qui était si seule, elle qui n'avait jamais eut d' ''ami'', chercha la signification d ce termes. Elle ne passait plus ses journées avec les larmes, mais avec ses souvenirs, cherchant à tout prix ce que voulait dire ''ami''.

Elle était comme obnubilée par ce mot, elle pouvait même le discerner dans les nuages, dans les herbes hautes de la plaine, dans le plus petit des ruisseaux et dès qu'elle fermait ses paupières.

Maintes définitions lui traversèrent l'esprit, ''si ''ami'' était un autre mot pour dire ''seule'' ?'' , ''S'il faisait référence au doux et lourd silence de ce monde ?''.

Elle sentait cependant qu'elle était dans le faux et chercha autre chose.

Soudain, lors d'un de ses, plus nombreux, repas, elle se dit, ''si ''ami'' désignait quelqu'un que j'aimerai et qui m'aimerait en retour ?'' .

Elle sut alors qu'elle était dans le vrai.

Et elle voulut un ami.

Elle décida de s'en créer un.

Elle alla donc chercher dans les vestiges du passé tout élément qui, selon elle, pourrait convenir. Elle passait tout son temps avec ce qu'elle nommait son ''futur ami'', le créant petit à petit, lui donnant l'apparence qui lui plaisait. Son ami prenait de jour en jour un peu plus forme.

Pendant toutes ses journées, Mina s'embellissaient et retrouvait la joie de vivre.

Un jour enfin, bien des semaines plus tard, elle le termina. Il n'était pas spécialement beau, même plutôt vilain, mais il était parfait.

Parfait pour Mina.

Or, il ne bougeait ni ne vivait. Se contentant de rester immobile.

Mina ne perdit pas espoir.

Et elle se mit à prier.

Prier pour que son ami prenne vie, pour qu'elle ne soit plus seule dans ce monde fait pour la multitude.

Elle priait donc continuellement, elle priait encore et encore afin d'atteindre le cœur de Dieu.

Le fait d'avoir son ami à ses côtés lorsqu'elle priait lui donnait du courage, et elle continuait.

Des jours entiers passèrent sans que, ne fût-ce un seul instant, elle ne releva la tête du sol. Les nuages eurent beau faire pleuvoir des torrents d'eaux, le soleil eut beau l'entourer de sa chaleur la plus ardente, rien ne l'ébranlait.

Et elle continuait à prier.

Un beau jour, un de ces jours où il ne faisait ni trop chaud ni trop froid, Dieu l'entendit. Il eut une seconde fois pitié de cette fille, de cette fille seule au monde.

Il exauça son vœu.

Pendant que Mina dormait, où plutôt, une des rares nuits où elle dormait, il descendit la voir, elle et son ami, toucha ce dernier puis, disparut.

L'ami de Mina se réveilla, doucement, sans troubler le moins du monde le sommeil de celle-ci.

Il avait le cœur léger car Dieu lui avait accordé le droit de savoir ce que Mina avait fait pour lui. Il en était d'autant plus heureux. Il avait une si bonne amie...

Lorsque Mina se réveilla à son tour, et voulut se mettre à prier, elle remarqua quelque chose d'inhabituel. Son ami, son précieux ami, n'était plus à sa place.

Il avait bougé. Mina se réveilla alors complètement, le chercha autour d'elle et le vit, une dizaine de mètres plus loin, et elle l'observa.

L'observa vivre.

Elle n'en crut pas ses yeux car elle avait commencé à perdre espoir quant à la future vie de son compagnon.

Et pourtant, pourtant, il était là, marchant joyeusement dans la plaine, sentant de-ci, de-là une fleur, s'allongeant sur l'herbe : faisant corps à corps avec la nature, avec son monde.

Elle courut alors. Elle courut le rejoindre. Ils se regardèrent et eurent une si grande, et si belle, conversation silencieuse.

Lui lut dans son regard tout l'amour qu'elle lui portait.

Et elle lut dans le sien sa reconnaissance.

Dans son cœur, dans son esprit, dans son être tout entier, elle pouvait sentir le bonheur enfler, grandir et déborder !

Jamais de sa vie, de sa vie si longue, elle ne se rappelait avoir ressentit pareilles sensations.

Elle était si ivre de bonheur, si ivre de ces nouvelles sensations, qu'elle l'oublia.

Qu'elle oublia l'obligation au silence.

D'un rire cristallin et plein de bonheur, elle dit à l'être qui fut créé grâce à ses prières, tout en le prenant dans ses bras :

''Je t'aime mon ami !''

Et elle mourut.


Un jour, il y a bien longtemps, un jeune être, un être nouvellement créé, était seul.

Seul sur Terre à côté du corps maintenant sans vie de celle qui fut sa seule amie.

Fin

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