Urgence

Nicole Bastin

Notre joli jardin à la française est menacé par une petite colonie de nuisibles, que nous avons laisser proliférer, que nous avons probablement nous-mêmes nourris, sans le savoir, à plusieurs reprises, et pour nous aider à nous en débarrasser, voilà que nous avons été chercher le dératiseur voisin.


« Poutine jubile », lit-on dans la presse.

Soyons lucides.

Non seulement notre camarade exterminateur ne fera aucun quartier, aucune distinction, mais il va, sans nul doute, dérégler tout l'écosystème syrien et massacrer l'équilibre délicat du Proche-Orient, déjà fortement pollué par nos précédentes exactions. Je rappelle que, selon le Pentagone, depuis le début de l'engagement militaire russe, 80% de leurs bombardements auraient visé les rebelles. Pas l'Etat Islamique, ni Bachar el-Assad. Non, la rébellion syrienne.


Quelle folie !

Comment pouvons-nous à ce point répéter les erreurs de l'Histoire ? N'apprenons-nous donc rien ?

À peine 72 heures de stupeur, pas plus de recul, Paris encore étourdie par les rafales de vendredi dernier et nous avons plongé la tête la première dans la guerre.

Enfin, la guerre. Que le public se rassure, il n'y a pas d'attaques au sol, pas de mains dans le cambouis. Non. Le Roundup que nous leur balançons méthodiquement tomberait du ciel, comme des flocons de Noël en avance.

Et pour quels résultats? Difficile de savoir.


Pourtant très loquaces quand il s'agit de nous détailler le nombre de missiles, d'explosions, le modèle du porte-avion, les géolocalisations, nos médias se font curieusement bien discrets quant aux conséquences humaines inévitables, les victimes directes ou collatérales. À Raqqa, par exemple, 30% à 40% de la population n'a pas fui la ville. Alors ces « fiefs » que nous bombardons avec acharnement sont-ils tous miraculeusement vides, ou uniquement occupés par des membres de l'EI ? Tout juste saurons-nous qu'il y a déjà 33 morts parmi leurs rangs.


Et pendant ce temps, nos élus s'empaillent à l'Assemblée. Les 3 jours de deuil national n'étaient pas encore terminés que le jeu des élections avait déjà puérilement repris le dessus.

Depuis lundi, les demandes de port d'armes sur le sol français ont flambé, paraît-il. Sur les réseaux sociaux, chacun y va de son commentaire apeuré, solidaire ou courageux selon le cas, en dissertant sur le danger omniprésent maintenant dans notre quotidien.

Dans quelques heures, l'état d'urgence voulu par notre gouvernement sera très certainement définitivement prolongé de 3 mois.


Il y a urgence, là-dessus, j'aurais tendance à être plutôt d'accord.

À faire la guerre, jamais.

Signaler ce texte