V - Hiloy : Tu vas pas lui courir après toute la journée

astiacle

A la pause, Hiloy resta un instant à réfléchir à ce qui risquait d'arriver sitôt qu'elle mettrait un pied dehors. Il lui sembla que Falibi voulut lui dire quelque chose, mais le temps que la Cinquième lève la tête, l'héritière d'argent se ravisa et sortit. Hiloy choisit d'abord d'attendre encore avant de se dire qu'il serait bien qu'elle brise la glace avec sa voisine. Après tout, si on doit passer une année côte à côte, c'est peut-être bien la première personne que je dois avoir en allié. Hiloy se leva donc et retrouva Falibi qui se dirigeait vers la bibliothèque en chantonnant. Le bâtiment était en vue quand des sifflements attirèrent son attention. L'adolescente dût se décaler pour apercevoir un groupe de filles qui se tenait un peu plus loin et faisait des signes à Falibi. Le regard d'Hiloy descendit sur les lignes à leur bras. Et merde. Quelque part, Hiloy fut tout de même soulagée que cela ne tombe pas sur elle.

-Première année !

Falibi attendit la suite avec patience.

-Où vas-tu ?

Elle répondit d'une voix forte pour être sûre d'être entendu sans avoir à s'approcher :

-A la bibliothèque.

Les filles se consultèrent avant que l'une d'elle ne finisse par lancer :

-Va jusqu'à la porte en pas chassés.

Hiloy poussa un soupir de soulagement. Ce n'est pas si terrible. Falibi sourit :

-OK.

L'héritière s'exécuta. Une fois à destination, elle se tourna vers le groupe pour voir s'il lui fallait accomplir autre chose. Les filles applaudirent en riant avant de s'éloigner. Hiloy s'empressa de la suivre, veillant à rester hors de vue des secondes années.

La Cinquième passa la pause au milieu des livres sans trouver le courage d'aborder Falibi. Iel retourna en classe à la sonnerie, sans se presser, marchant toujours derrière sa voisine de table. Hiloy n'osa pas, non plus, lui adresser la parole en cours, de peur d'être repérée par l'un des surveillants.

Quand le repas sonna, Hiloy se secoua. Ça suffit ! Tu vas pas lui courir après toute la journée. Le temps de ranger ses affaires, Falibi était déjà sortie. La Cinquième courut pour la rattraper. Elle l'avait presque atteinte quand ils tombèrent sur un couple de seconde année qui se promenait main dans la main, au détour d'un couloir. Ils sourirent en les apercevant et Falibi s'arrêta en soupirant :

-Vous voulez quelque chose ?

Le garçon baissa des yeux interrogateurs sur sa copine et le visage de celle-ci s'illumina :

-J'ai une idée.

Hiloy resta sagement à l'écart, attendant la suite. La fille se tourna vers Falibi en demandant :

-On voudrait une chanson.

L'héritière d'argent sembla réfléchir. A cet instant, elle aperçut Hiloy près d'elle. Une idée fit sourire la jeune fille :

-Un duo, ça vous tente ?

Le couple acquiesça, radieux. Falibi sauta sur la Cinquième qui se laissa traîner devant les secondes années. Elle lui expliqua alors, au cas où Hiloy n'aurait pas entendu :

-Ils veulent une chanson pour nous laisser passer.

La Cinquième se contenta de hocher la tête et fit un sourire timide au couple. A peine Falibi avait-elle commençait à chanter que le visage d'Hiloy s'illumina. Elle s'exclama en la pointant du doigt :

-Eh ! Mais t'es la fille d'hier !

Elle venait de reconnaître la voix de l'héritière qui chantait sous la douche. Falibi continua comme elle pouvait, oubliant les paroles, en lui montrant le couple de la tête. Hiloy réagit aussitôt en l'accompagnant. Quand le duo eut fini, les secondes années les remercièrent en leur souhaitant une bonne journée, et s'éclipsèrent. Falibi et Hiloy rejoignirent le réfectoire ensemble.

-Je pensais bien que c'était toi qui m'avait aidé, hier.

Falibi était ravie. Hiloy lui demanda :

-Comment tu as su ?

-Ta chambre est la seule de ce côté de la salle de bain.

Hiloy demanda encore :

-Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?

Falibi rejeta ses cheveux longs qui inondaient son épaule :

-Je ne me voyais pas engager la conversation en parlant de ça. Et si je m'étais trompée...

Elle grimaça à cette idée. Hiloy admit qu'elle aurait probablement fait la même chose. Le duo décida de manger ensemble et une fois à table, Falibi reprit :

-Comment tu t'en sors jusque là ? Avec ces souhaits ?

Hiloy haussa les épaules :

-J'ai pas croisé grand monde, ça va. Et toi ?

-Pareil. J'ai dû faire une longueur de pas chassés, mais rien d'autre.

Hiloy hésita avant de demander :

-Comment ça se fait que tu ne traînes avec personne de la classe ?

Falibi avala sa bouchée avant de répondre par une question :

-Comment ça ?

L'adolescente précisa :

-Eh bien, dans la classe, ils ont l'air de tous se connaître sauf toi.

Falibi comprit ce à quoi elle faisait allusion :

-C'est que les classes ne sont pas faites par hasard.

Hiloy fronça les sourcils en reprenant :

-Comment ça ?

-Dans les écoles générales, les élèves vont et viennent en fonction des alliances qui se font et se défont. Seulement, arrivé à l'école des héritiers, plus moyen d'éviter nos ennemis. Tout le monde se retrouve dans la même école un point c'est tout. Alors, les parents envoient des listes pour que leurs enfants se retrouvent dans une classe d'allié ou au moins, de neutre. Les classes sont faites à partir de ça.

-Ah, je comprend.

Falibi continua de manger, mais Hiloy ne tarda pas à reprendre la parole :

-Excuse-moi, mais, du coup, toi, tu n'as pas d'allié ?

La jeune fille releva la tête :

-Pas spécialement. Mes parents ne me mettent pas de pression sur ce point-là, alors je me concentre sur mon but ultime.

Hiloy se redressa, intéressée :

-C'est quoi ton but ultime ?

Falibi sourit de toutes ses dents et répondit avec une certaine fierté :

-Trouver la femme de ma vie.

Hiloy haussa un sourcil, à demi-amusée :

-Et tu ne pouvais pas commencer avant ?

Falibi effaça l'idée d'un geste de la main :

-Je te l'ai dit, les élèves varient trop avant, alors que là, on est forcément dans la même école pendant trois ans. C'est beaucoup plus simple.

Hiloy pencha la tête sur le côté :

-Je suppose.

Un jeune homme s'approcha du duo à cet instant et vint se camper près de Falibi, jambes écartées, bras croisés en la fixant avec le plus grand sérieux. L'héritière d'argent ne sembla pas remarquer sa présence et continua :

-J'ai établi un plan précis. Je vais commencer par...

Voyant que Hiloy était distraite, elle demanda :

-Qu'est-ce qu'il y a ?

La Cinquième pointa doucement l'inconnu du doigt :

-Je crois qu'il veut te parler.

Falibi ne tourna même pas la tête :

-Oh non, lui, c'est juste...

Il la coupa pour répondre d'une voix morne :

-Son garde du corps.

L'adolescente grogna :

-Mouais. Il l'a décidé tout seul.

Comme un soldat, le garçon plaça ses mains derrière le dos et fit un quart de tour sur la droite pour faire face à Hiloy :

-Nous sommes les héritiers d'argent du clan Féetérique. Nous nous devons de nous protéger l'un l'autre.

D'un air blasé, Falibi compléta :

-Parce qu'il n'y a pas d'héritier d'or chez nous. Du coup, il s'imagine que cela nous affaiblit et que tout le monde va en profiter pour nous éliminer pour terminer notre clan.

L'adolescent conclut, très stoïque :

-Bref, je suis parano.

Hiloy retint un rire de peur de vexer le jeune homme.

-C'est vrai que c'est rare que des héritiers d'argent soient envoyés sans héritier d'or.

Falibi confirma en expliquant :

-Le chef n'a pas d'enfant. Cela fait des années que l'on attend. Je pense qu'il commence à désespérer et c'est pour cela qu'il a choisi d'envoyer deux héritiers pour chaque famille qui lui est proche.

De sa voix mécanique, l'adolescent ajouta :

-L'un de nous héritera si le chef n'a pas de descendance.

Falibi ajouta sur le ton de la confidence :

-Sinon, il s'appelle Rafirin.

Il salua d'un signe de tête :

-Enchanté.

Hiloy lui rendit son salue en se présentant. Sans plus attendre, Falibi reprit :

-Donc, je disais. J'ai prévu un plan. D'abord, trouver la femme de ma vie, puis la demander en mariage, puis adopter plein d'enfants de la zone de départ.

La Cinquième avait du mal à quitter des yeux le garçon qui restait debout, ce que Falibi finit par remarquer et proposa :

-Rafirin, tu voudrais pas t'asseoir ?

L'adolescent répliqua :

-Pour qu'on me poignarde dans le dos ? Hors de question.

Hiloy observa la salle qui s'étendait derrière lui, mais se retint de dire que, même debout, on pouvait le poignarder. Falibi ne fit pas tant de manière :

-Tu te rends compte que, vu le monde qu'il y a ici, tu te feras tuer avant même de t'en rendre compte.

Comme dans les salles de classe, le réfectoire avait son lot de surveillants pour intervenir en cas de danger. Hiloy se demanda si elle devait le leur rappeler, mais Rafirin s'installait déjà près de Falibi.

-Tu es dans quelle classe, au fait ?

Le garçon croisa les bras sur la table :

-Tigre et toi ?

Falibi rejeta ses longs cheveux couleur prune en arrière :

-Nous sommes en classe Panthère.

Il la dévisagea en silence tandis qu'elle souriait de satisfaction, avant d'effacer son sourire en disant d'un ton plat :

-C'est quand même moins bien que le Guépard ou le Lion.

Hiloy retint un rire, alors que Falibi lui répliquait en tirant la langue :

-Va donc te chercher à manger au lieu de rester planter là.

Il secoua la tête :

-J'ai déjà mangé. Tu veux que je goûte pour voir si c'est empoisonné ?

Falibi écarta son assiette avec un air méfiant. Hiloy ne put s'empêcher de demander :

-Comment tu as mangé si tu as peur du poison ?

Il répondit le plus naturellement du monde :

-Je prépare mes plats dans ma chambre.

-Et ton camarade de chambre ne dit rien ?

Rafirin haussa les épaules :

-Non, je le laisse piocher dans mes réserves.

Falibi répliqua automatiquement :

-Et t'as pas peur qu'il empoisonne la nourriture ?

Sans dire un mot, Rafirin sortit une clé de sa poche :

-Je ferme la réserve à clé.

Hiloy était restée sur un point qui lui semblait plus important :

-Tu as une réserve dans ta chambre ?

Rafirin hocha la tête :

-Notre chef a demandé à ce que nous ayons certains des privilèges des héritiers d'or.

Falibi confirma :

-On peut demander ce qu'on veut. Pour lui, c'était une réserve de nourriture.

Le duo ne tarda pas à finir leur repas et à se mettre en route. Ils allaient retourner vers les salles de classe quand deux filles déboulèrent dans le couloir. Les trois adolescents les regardèrent s'arrêter devant une porte qu'elles ouvrirent précipitamment. Avant de s'élancer dans la pièce, l'une d'elle, qui avait des cheveux rouges, aperçut les trois compagnons qui approchaient. Aussitôt, elle leur fit des signes frénétiques en murmurant le plus fort qu'elle osait :

-Vite, vite. Ils arrivent. Grouillez-vous.

C'est qui ? Je les connais ? Falibi accélérait déjà le pas, bien que Rafirin lui dit :

-C'est peut-être un piège. On ne les connaît pas.

-Elles sont dans ma classe.

Voyant que Hiloy hésitait, elle lui fit signe d'avancer :

-Viens vite.

La Cinquième se décida à les rejoindre. Ils entrèrent dans ce qui s'avéra être un débarras. Des chaises étaient entassées dans un coin, une vieille table était recouverte de matériel oublié depuis longtemps et couvert de poussière. Les filles refermèrent la porte au moment où un groupe de garçons, portant la bande jaune, passait en courant. Falibi croisa les bras, amusée :

-On fuit les souhaits ?

La fille aux broderies d'or sur les épaules, répliqua en reprenant son souffle :

-Ils voulaient qu'on s'embrasse... on a couru.

Falibi frappa dans ses mains :

-Bonne initiative.

La fille aux cheveux rouges, portant des broderies d'argent, dit en riant :

-Ma mère appelait ça "cache second".

Hiloy fut curieuse :

-"Cache second" ? Pourquoi ?

Ce fut Falibi qui expliqua :

-C'est toujours comme ça avec le "jeu des souhaits". Au début, on essaie, puis, assez rapidement, les premières années se planquent.

Rafirin ajouta :

-Moi, je me planque depuis que ça a commencé. On ne sait jamais ce qui peut nous tomber dessus.

Les filles approuvèrent avant de demander :

-Et tu es ?

Falibi fit les présentations :

-C'est Rafirin, mon garde du corps auto-proclamé.

Celle qui avait des broderies d'or s'inclina :

-Je suis Laxo fille du chef du clan Saintirak.

C'est avec une certaine fierté qu'Hiloy réalisa qu'elle avait vu juste en apercevant le blason à la longue-vue sur la veste de la jeune fille. Celle-ci continua :

-Et voici, Bélera, de mon clan.

La fille aux cheveux rouges s'inclina à son tour. Falibi suivit leur exemple et se présenta, ainsi qu'Hiloy.

-Et maintenant, on pourrait peut-être sortir de là avant d'être vraiment en retard.

Ils coururent dans les couloirs pour rejoindre leur salle. Rafirin les abandonna à un croisement et elles réussirent à entrer dans leur classe juste avant que la porte ne se referme. Hiloy se sentit honteuse devant tous les visages qui se tournèrent vers elles. Elles s'excusèrent et rejoignirent leur place avec des sourires gênés. La Cinquième réalisa seulement alors que Bélera et Laxo étaient leur voisines de table.

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