Vacances en famille -7-

aile68

Samedi soir: je pense à Germain tout en jouant aux dames avec mon père. J'essaie de rester concentrée mais je suis en train de perdre comme d'habitude quand je joue avec mon père. J'abandonne, un peu contrariée, il veut me consoler en disant que ce n'est qu'un jeu. Non, ce n'est pas qu'un jeu justement, c'est Germain qui me tarabuste encore l'esprit. J'en viens à le haïr! Cependant je sais qu'au fond de moi je l'aime encore un peu. Les valises sont bouclées comme ma bouche ce soir, nous ne veillerons pas tard, départ demain matin à six heures pour être à Valence à dix heures. Eviter les bouchons, arriver assez tôt, faire une lessive de vêtements, enlever la poussière, passer l'aspirateur. Pour moi la rentrée c'est dans quatre jours, mon sac de cours est prêt depuis juillet. Je veux oublier la lettre de Germain dans mon short au fond de la valise.

Dimanche matin: les au revoir sont difficiles, on part le plus vite possible pour éviter les pleurs, on est encore ensommeillé, sauf mon père qui est sur le pied de guerre et ma mère qui tient à laver les derniers bols tout en veillant à ne rien oublier. Aujourd'hui Noémie viendra repasser le linge. Dernière signe de notre présence ici, des vacances chez les grands-parents. Mon père fait le trajet d'une traite, silence dans la voiture, comme si tout le monde était pris dans ses pensées. Arrivés à Valence, nous montons chez nous, un appartement qui rappelle la maison de grand-père avec sa grosse pendule, la cheminée qui ne sert pas et les nombreuses plantes que la voisine est venue arroser tout le mois d'août. Aussitôt Maman prépare un café pour Papa qui aère les pièces, moi je vais dans ma chambre, suis contente de trouver quelques cartes postales sur mon bureau. Papa a ouvert une valise, mon short avec la lettre est dans une autre valise. J'essaie de me calmer mais j'ai hâte de le récupérer. Personne ne doit savoir que j'ai ce courrier. J'aide Maman à servir le café, je fais du chocolat pour nous les enfants. Papa appelle les grands-parents et oncle André pour dire que nous sommes bien arrivés et vient nous rejoindre dans la cuisine.

11h30: j'ai récupéré ma lettre pendant que la valise était ouverte dans l'entrée. Le lave-linge tourne paisiblement, Maman passe l'aspirateur, j'enlève la poussière, ma soeur est avec mon frère, Papa se repose. Que fait Germain à cette heure-ci? Se lève-t-il? Prépare-t-il ses affaires? A qui parler de mes pensées pour lui? A Corinne, ma meilleure amie? Je ne sais pas, je ne lui fais pas assez confiance, elle est trop bavarde, c'est malgré elle. Dommage! Ma mère? Elle reprend son travail la semaine prochaine, elle aura autre chose à penser. J'ai une semaine pour lui parler si je me décide à le faire. J'espère qu'avec la rentrée ça va se calmer. Faudra bien. Envie de relire la fameuse lettre, chose que je vais faire aussitôt... Je ne sais que penser. "Suis ton instinct" m'a-t-il écrit. Si je suis mon instinct, cette histoire est morte, enterrée. Mais si je suis mon coeur, je suivrais ce garçon jusqu'au bout du monde! De toute façon je ne lui écrirai pas tout de suite, il n'est pas encore parti. J'attendrai la semaine prochaine. Je vais regarder la carte de France dans le dico, il habite près de Troyes, c'est vachement éloigné de Valence ça! Oh! mon Dieu, ma soeur et mon petit-frère qui se disputent, qu'est-ce qui se passe? Ce n'est pas à moi de m'en occuper, je range mon dico en vitesse et retourne à ma poussière. J'entends Maman qui arrive dans la chambre de Bruno mon petit-frère de huit ans. Ils ne se sont que très peu disputés pendant les vacances, tout le monde était cool, détendu (à part moi!). ça y est! leur querelle marque notre arrivée. C'est souvent qu'ils se disputent, Marielle, douze ans dans deux mois, pourrait faire des efforts quand même! Moi entre parenthèse, j'en ai quinze, et j'ai l'impression d'être vieille, vieille. L'amour ne me fait pas de cadeau...

(à suivre)

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