Vampirisme

lorine

Cette nouvelle est issue de la série de récits courts "la petite fille aux yeux dorés". Ils ne nécessitent pas d'ordre de lecture particulier.

   – Un jour, alors que je discutais avec mon ami, lui aussi prisonnier de la vie éternelle, ce dernier m'a posé une question à laquelle je n'ai pu répondre de suite.

   Puis-que je me plaignais tant du comportement humain, d'être souvent trop seule et de manquer de la présence des miens, pourquoi ne vampirisais-je pas des gens de mon entourage ?

   Lui n'avait pas ce problème. Il faisait partie d'un clan prônant la liberté. Il allait où et quand il voulait sans s'inquiéter du lendemain, profitant de chaque plaisir que lui offrait son éternité, se lassait, puis trouvait de nouveau quelque chose d'intéressant. Il ne pensait pas au moment ou il n'aurait plus grand chose à découvrir, que l'ennui prendrait une place importante dans son existence, que tous les goûts lui sembleraient fades, que la chair des femmes et des hommes l'exciteraient beaucoup moins. Il ne pensait pas au moment où la seule chose qui embellirait sa vie serait la chasse, le moment où il prendrait de plus en plus de risques inconsidérés, où il deviendrait un danger pour les siens et pour les humains et que nos aînés, plus sages, tenteraient d'arrêter ses agissements, définitivement.

   Tous les vampires ne sombraient pas dans la folie sanguinaire, mais l'ennui que nous connaissons tous, à un moment ou un autre, est un facteur de risque important. Les insouciants étaient souvent les plus touchés. C'est cette insouciance qui les faire vivre et vibrer.

   Lui ne pensait pas à tous ça. Moi si.

   Et je pense que c'est pour cette raison, que je n'ai jamais franchi le pas. Je n'avais pas envie d'infliger la vie éternelle à une personne, contre son gré, même si je la détestait. La mort est une punition moins dure et moins dangereuse. Il n'y a rien de pire qu'avoir un ennemi vampire. Ces derniers sont aussi rapides, résistants et intelligents que n'importe lequel d'entre nous. Voire plus pour les "nouveaux nés" qui vivent dans une exaltation meurtrière les premiers mois.

   Et, même si ma vie n'avait pas encore atteint la centaine d'années, j'avais assez voyagé pour observer des travers humains détestables. Un vampire est avant tout un humain. Il meurt et revient à la vie avec les mêmes travers. M'imaginez un vampire mégalo me faisait frémir. Je ne voulais pas de ça. Je ne veux toujours pas de ça.

   Je me suis longtemps demandée si je ne pouvais pas transformer pas ma mère adoptive, Audria. J'aimais et j'admirais énormément cette femme. M'imaginer le jour de sa mort me rendais affreusement triste et les larmes me montaient aux yeux. Mais je pensais ne jamais céder à cette envie de préserver sa vie. Je le savais, je le sentais déjà . Audria était dangereuse. Je pouvais presque voir sa folie, masquée derrière son doux visage et ses gestes maternels.

   J'avais amorcé une machine infernale avec elle. Je savais que je le regretterais.

   Transformer un humain en vampire est la pire idée du monde. Il entraine dans l'immortalité ses pires défauts. Pour peu que ces derniers soient des rêves de richesses et de gloires, vous obtenez le pire ennemi de l'humanité et le risque de voir un monde maintenant déjà difficilement la paix, s'effondrer en un champ de guerre sanglant.

    Je ne fais pas exception à la règle. Les vampires sont une erreur. Et pourtant, j'aime ce que je suis et je n'échangerai ma place pour rien au monde.

    - Je ne comprend pas que les vampires n'aient toujours pas tenter de dominer le monde avec leur force, lui dit Ruma.

  - Dominer le monde serait semblable à donner gratuitement sa liberté, et nous l'aimons beaucoup trop.

    - Aucun vampire n'a déjà essayé ?

   - Nous ne leur laissons jamais le temps.

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