Vaudou

Christian Lemoine

Piqûre dans la chair molle. Aiguille dans le bras flasque. Piqûres, aiguilles, corps morcelé dans un oxymore d'acupuncture destructrice. Vaudou sur les flux vitaux. Tu ne te doutais pas de cette pernicieuse thérapie, incrustée peu à peu en ta peau, tatouage invisible aux dessins enjôleurs, jusqu'à ta complète soumission. Dans tes draperies fripées, tu geins, tu luttes, tu déplores le vilain esprit qui te torture. Pis que tout, penses-tu, ton bourreau ne sait rien de ses pratiques sur toi. Piqûre, celle soudaine qui charcute au cœur de tes reins ; au centre de ton torse, au-dessus du diaphragme contracté qui ne réussit plus à renflouer ton souffle. A la vue de lui, tu chavires sur les bas-fonds de ta dérive, clouée dans ta sidération. Que ne voit-il ? Tes larmes refoulées ne saisissent pas son regard, tu ne sais comment capter le faisceau fuyant de ses yeux, alors qu'un seul regard croisé, ô pas même un sourire, un simple regard un peu appuyé sur toi, qui saurait suggérer que pour lui tu existes encore. Ce vaudou tranche et perce. Ton esprit se déverse. Ta raison implore un répit, une trêve. Ne fût-ce que t'arrêter, une pause dans la souffrance, t'arrêter un temps sur le temps de la rencontre. N'est-il pas venu vers toi ? Avait-il en giberne, déjà, les instruments de tes tourments ? Tu n'en connais rien. En tes plaintes mordues dans l'oreiller de tes insomnies, tes psalmodies sont vaines, bien sûr, car tu en voudrais obtenir l'effacement d'un temps inscrit déjà dans ta biographie cynique. Aiguilles dans ton crâne, multiple fracture. Son insouciance cruelle qui te laisse en vie...
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