Vé'Lisle

Vé’Lisle

Zoom avant sur :

1.Ext.Rue principale, fin de l’après-midi (entre chien et loup).

On entend une sonnerie, type cour d’école. Il s’agit de l’annonce de l’arrivée d’un train de marchandise au passage à niveau. On distingue également un cycliste qui approche. Visiblement il n’arrive pas à s’arrêter et se retrouve piégé entre les 2 barrières. Le conducteur de la locomotive lui fait signe de dégager.

Fondu sur :

2.Ext.Avant de la locomotive (lumières bleutées de gyrophares, bruits d’ambulance et de pompiers.).

Sur le cadre tordu de la bicyclette située sous la machine, un logo “Vé’Lisle” (une fleur de lys rouge avec 2 roues de vélo stylisées en jaune tournesol).

Travelling avant sur :

3.Ext.Rue principale. Il fait noir.

Patrick PORRO (Voix off);Alors Madame,.... ? Racontez moi ce que vous avez vu.

La Dame (avec une capuche en plastique transparent pour se protéger les cheveux du vent ou de la pluie); Verstraete, je m’appelle Jeanine Verstraete, M. le Brigadier.Le cycliste continuait de rouler malgré le signal sonore. Il freinait, freinait,... même avec ses pieds. On aurait que le vélo ne voulait pas s’arrêter.

Gros plan sur la plaque “Brigitte MARPLE” Commissaire Divisionnaire :

4.Int.Bureau de Brigitte MARPLE.

Patrick PORRO; Je n’y comprends rien. C’est la 3ème affaire de ce type depuis la mi-septembre. La première fois ; c’était un type à vélo avec le tramway, la seconde une petite vieille avec le métro & aujourd’hui, c’est avec le train. Et à chaque fois le même type de témoignage : “Le vélo ne voulait pas s’arrêter”.

Brigitte MARPLE (Elle se balance de gauche à droite en équilibre sur le bord de son fauteuil); C’est comme dans un roman de Stephen King votre histoire de vélos qui continuent d’avancer. Mais moi je veux du résultat et vite. Sinon le maire, le préfet et le toutim vont me tomber dessus avec les statistiques des accidents des 2 roues qui enflent.

Patrick PORRO (A voix basse) ; En plus, elle se fout de moi. (A voix haute) ; Mais chef, au niveau piste c’est le néant, rien, que dalle, nada.

Plan américain sur Brigitte MARPLE; Au moins, vous avez interrogé le loueur ?

Plan général. Au fond, il y a le logo “Vé’Lisle” :

5.Int.Locaux de “Vé’Lisle”.

Patrick PORRO; Donc, tous ces engins sont fabriqués au même endroit ?

Le loueur; (Jeune adulte avec un tee-shirt brodé “Kévin”) ; Oui, c’est la nouvelle usine près du Mont de Terre à Fives qui fabrique, assemble et teste les “Vé’Lisle”.

6.Int.Salle de réunion.

La Demoiselle (une blonde aux yeux bleus très bien habillée et maquillée avec un badge “Nina, Responsable communication”) ; D’après les numéros de séries que vous m’avez communiqués, je peux vous affirmer que les vélos accidentés ont été construits le même jour. (Consultant un ordinateur portable Hi-Tech) Le 31 août.

Patrick PORRO; Le 31 août de cette année ? Mais c’est le jour où cet orage exceptionnel s’est abattu sur la ville.

Plan d’ensemble. Patrick Porro sort de l’usine. Derrière, on distingue des oriflammes avec le logo “Vé’Lisle” :

7.Ext.Place de village. Café “Au Petit Maroc”.

Patrick PORRO; Alors depuis combien de temps elle est là l’usine de vélos ?

Le patron ( s’adressant à visiblement son épouse) ; Nous cela fait 6 mois que l’on est arrivé, hein Malvina, mais d’après Nejma, ça fait un an et avant c‘était des clous de cercueil qu’on y fabriquait, des clopes.

Patrick PORRO ;Nejma ?

Malvina ; Si vous voulez des informations sur le quartier, c’est elle qu’il faut aller voir. C’est la gazette. Les enfants l’appellent la sorcière & disent qu’elle jette des sorts.

Plan de demi-ensemble :

8.Int.Petite cabane. L’unique ampoule se balance au bout du fil.

Nejma ( Petite et replète avec des cheveux longs, gris & sales, sous son aspect repoussant on devine qu’elle a été très belle ) ; Entrez M. le Brigadier, je sais pourquoi vous êtes ici. A vrai dire, je pensais que vous alliez arriver plus tôt.

Patrick PORRO ; ?

Nejma ; Mon histoire, tout le monde la connaît, mais je n’en ai jamais parlé à qui que ce soit. En 14, mon père, un fqih, est arrivé ici.

Patrick PORRO ; Un fqih ?

À partir d’ici, champs/contrechamps avec Patrick PORRO silencieux

Nejma ; Un mage rebouteux, mais aussi un mélange de représentant du savoir et de responsable de la tradition.

Un silence

Nejma; Lui et les soldats marocains venus combattre aux côtés des Français ont construit des baraques en bois sur un terrain vague. Ils ne sont jamais repartis. C’est devenu le “Petit Maroc”. Démolis par les guerres successives, les baraquements ont presque tous été reconstruits, en briques cette fois-ci. Pour faire face à la pénurie de logements, de minuscules pavillons ont été édifiés par la fondation l’Abbé Pierre. Puis des HLM, au moment de l’arrivée de la manufacture des tabacs. Le "bus 7" a remplacé le "tramway V". Et avec la proximité des grandes surfaces, tout a disparu : la boulangerie, les deux épiceries, les deux cafés, la quincaillerie. Et même les deux écoles. Le coup de grâce est venu plus tard, un boulevard périphérique a été construit aux abords du quartier & l’usine de cigarette a été délocalisée comme ils disaient. Puis le garage de mon mari a du fermer. Il avait crée cette entreprise avec les primes des courses et des rallyes automobiles qu’il gagnait & il disait que c’était la fin des voitures et du pétrole. Quand les huissiers sont venus saisir notre 4x4,il s’est pendu et nos 2 enfants ont du quitté le quartier, morts de honte.

Plan de détail sur les larmes qui coulent de ses yeux :

Nejma ; Quand la maison a été vendue, je suis partie vivre dans la cabane qu’avait construit mon père. Le “Vé’Lisle Village” s’est installé, j’ai décidé de me venger. La nuit de l’orage, j’ai invoqué les djinns de mon enfance. Ils ont le pouvoir de posséder ceux qui sont en état de souillure. Cette saleté de “Vé’Lisle Village” et ses maudits vélos, je les ai damnés.

Zoom arrière sur :

9.Ext.Rue principale, fin de l’après-midi (entre chien et loup).

On entend une sonnerie, type cour d’école. Il s’agit de l’annonce de l’arrivée d’un train de marchandise au passage à niveau. On distingue également un cycliste qui approche.

Fondu au noir

Patrick EILLUM