VENGEANCE AMÈRE

Christine Millot Conte

l'amour d'une mère qui veut se venger de la perte de sa fille


L'impact des gouttes sur le métal la fit sortir de sa torpeur. Les mains toujours crispées sur le volant, Adèle quitta le parking sur lequel elle s'était arrêtée afin de se reposer avant de reprendre la route. Les larmes avaient fait couler son mascara, formant de larges sillons sillons noirs sur ses joues creuses. Jetant un bref regard sur sa montre, elle s'aperçut qu'il était déjà presque treize heures. Maintenant que sa décision était prise, elle se sentait à la fois fébrile et galvanisée, enfin, elle touchait au but.


Tout en regardant la route défiler, elle se souvenait de cette dernière journée de printemps, un an et demi déjà, où elle avait vu pour la dernière fois sa fille quitter la maison, sac à dos sur l'épaule, comme à l'accoutumée, pour se rendre à ses cours à la fac, c'est tout du moins ce qu'elle croyait à ce moment là. Marie avait toujours eu des rapports privilégiés avec ses parents, préférant sa chambre d'enfant au campus universitaire, Adèle la revoyait encore, à compulser de gros ouvrages sur son bureau, elle n'était pas passée par la case ado rebelle comme la plupart de ses amis, c'était une fille sage, trop sage peut-être ?. C'était un mardi que la vie d'Adèle avait basculé à tout jamais. Cette date était inscrite au fer rouge au plus profond de son âme meurtrie.


Elle avait tout perdu, son époux d'abord, qui n'en pouvait plus de ces absences répétées, son déni de la réalité, ses amies ensuite. Au début, elles avaient tenté de la raisonner, sa fille ne reviendrait plus, elle devait se faire une raison. Mais, face à l'obstination de leur copine à se voiler la face et à son obsession, elles l'avaient abandonnée, de guerre lasse. Adèle était restée dans le pavillon qu'ils avaient acheté, au cas où...


Elle prit une année de congé sabbatique pour mettre à bien son projet et mûrir son plan. Elle avait pris la bonne décision. Ses efforts allaient enfin être récompensés.


Une heure plus plus tard, elle gara sa voiture aux abords d'une immense maison de maître. Elle ouvrit le vide-poche afin d'étudier une dernière fois le plan détaillé de la demeure ainsi que les emplacements des caméras de surveillance.Elle se remémora l'emploi du temps que lui avait confié le détective privé, 14H00, bientôt le début des réjouissances. Il avait été formel, leurs habitudes étaient immuables.


La première partie de son plan s'était déroulé sans anicroche, elle était parvenue à se rendre invisible des caméras en zigzaguant à travers les allées. Une fois à l'intérieur,elle savait qu'elle avait à peine quatre minutes devant elle avant que les vigiles ne s'aperçoivent de son intrusion. Ouvrant la porte d'entrée à la volée, elle courut jusqu'à une petite pièce, elle savait qu'ils seraient tous là.


Elle ouvrit la porte sans bruit et entra. ils étaient debout, les yeux fermés et les deux mains ouvertes devant eux en signe d'offrande, psalmodiant des mantras. Face à cette assemblée disparate, du haut de ses un mètre quatre-vingt dix, le gourou se tenait devant ses fidèles, tel le messie. Adèle l'aperçut la première, avant qu'il ait le temps de tenter quoi que ce soit, elle sortit son neuf millimètres de son sac laissé ouvert, s'approcha de lui afin de voir la peur dans ses yeux et fit feu une seule fois, la balle vint se loger au milieu de son front, faisant exploser sa cervelle. Tous se mirent à hurler, et à se disperser, de peur d'y passer aussi. Au milieu du tumulte, une jeune fille fendit la foule et s'approcha en criant :

— Mais qu'est ce que t'as fait, pourquoi ? Pourquoi ?


Adèle voulut prendre sa fille dans ses bras pour lui dire qu'elle était venue la libérer, de gré ou de force mais elle n'en eut pas le temps, Marie se jeta sur elle et lui prit l'arme des mains. Surprise, Adèle n'eut pas le temps de réagir. Les yeux noyés de larmes, Marie déchargea tout le chargeur sur sa mère qui s'effondra dans une flaque de sang. Avant de sombrer, un sourire flotta sur ses lèvres livides : elle avait tué la bête.


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