Vermouth-cassis

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Vermouth-cassis

extrait de “Ivres mots”, sketches absurdes 

A: (Sur l'air de Syracuse) Lalalala... Lalalala... Lalalala... Lalalala... Je l'aimais bien cette chanson...

B: Oui...

A: Vous aussi?

B: Non.

A: Ben pourquoi vous dites oui?

B: Comme çà.

A: Ah. Alors vous dites oui, comme çà. Je vous aurais dit que je ne l'aimais pas, vous auriez dit oui quand même?

B: Non.

A: Non... On peut dire que vous avez l'esprit de contradiction.

B: Non.

A: Ben tiens...

B: Non, c'est vrai. Je n'ai pas l'esprit de contradiction parce que je n'ai pas d'esprit du tout.

A: Cà ne veut rien dire, çà: "pas d'esprit du tout".

B: Si. Par exemple, quand vous m'avez dit que vous aimiez bien cette chanson, j'aurais pu vous dire que vous aviez raison parce que c'est une belle chanson, que la mélodie est fine,  nostalgique... Que les paroles sont très poétiques et que tout celà favorise la rêverie et le retour vers des souvenirs anciens et tendres. Vous voyez, j'aurais pu vous dire tout çà.

A: Oui.

B: Ou j'aurais pu vous dire au contraire, que je n'aime pas cette chanson parce que je la trouve mièvre, que les paroles sont des vers à deux sous la livre et que la musique n'est même pas digne de figurer dans le hit-parade d'une sous-préfecture arriérée. J'aurais pu vous dire çà aussi.

A: Oui.

B: Ben non, moi tout ce que j'ai trouvé à vous dire c'est: oui.

A: Oui.

B: C'est pour çà que je dis que je n'ai pas d'esprit du tout.

A: Oui mais quand même, vous en avez bien un peu puisque vous êtes capable de vous rendre compte que vous n'en avez pas.

B: Cà n'a rien à voir!

A: Pardon, si.

B: Pardon, non. C'est pas parce que vous êtes en mesure de voir que vous n'avez pas d'argent que vous en avez un peu.

A: Cà n'a rien à voir!

B: Pardon, si.

A: Pardon, non. C'est comme si vous me disiez qu'on ne peut pas mourir, sous prétexte qu'on ne peut pas s'en rendre compte soi-même.

B: Pourquoi? C'est pas comme çà?

A: Ben non. Enfin du moins je suppose...

B: Vous n'êtes jamais mort vous ?

A: Non, je ne suis jamais mort.

B: Comment vous pouvez le savoir, puisqu'à vous écouter on ne peut pas s'en rendre compte soi-même?

A: Ben pardi, parce que si j'étais mort, vous me le diriez! Cà me parait évident.

B: Ah oui, vu comme çà...

A: Ben tiens...

B: Dans ces conditions, vous pourriez vous montrer un  peu serviable et profiter du fait que vous pouvez vous en rendre compte à ma place pour me dire que je n'ai pas d'esprit du tout. Ce serait la moindre des choses quand même.

A: Pourquoi vous dirais-je çà?

B: Je ne sais pas moi, pour me rassurer, me rendre service...

A: Ah, si c'est pour rendre service, c'est autre chose. Là, d'accord. Vous n'avez pas d'esprit. Voilà, vous êtes satisfait?

B: Merci, oui. Par contre, j'ai une excellente mémoire.

A: Tant mieux.

B: Oui. Je peux même dire que j'en connais peu qui puissent rivaliser avec moi à ce niveau là.

A: Très bien.

B: Tenez, si je vous disais que je me rappelle même des choses d'avant ma naissance?

A: Je vous répondrai que vous êtes un beau menteur.

B: Cà ne serait pas très gentil.

A: Non, mais ce serait réaliste.

B: Pourtant c'est vrai. Oh bien sñr, je vais pas vous raconter le défilé du quatorze juillet de l'année d'avant ma naissance, d'ailleurs, je n'ai jamais été sensible au clairon. Non, mais par contre, je me rappelle un air que ma mère fredonnait souvent. Cà devait passer par là ou... par là. Enfin, toujours est-il que je l'entendais très bien et que je m'en rappelle encore, çà faisait un truc comme çà: Lalalala... Lalalala... Lalalala... Lalalala... Je l'aimais bien cette chanson...

A: Oui...

B: Vous aussi?

A: Non.

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