Connectez-vous pour commenter
Vers la puce implantée?
Jérémy Da Silva
La science-fiction n'est jamais loin...
Laissez moi vous retracer le cheminement d'une pensée plus ou moins lucide qui m'est venue, en tombant par hasard sur le vieux caméscope de mes parents.
Permettez moi un petit retour en arrière. En 2004, précisément. Période où mon innocence d'enfant se reflétait dans mon comportement par une impatience générale. Surtout lorsqu'il s'agissait de revoir mes films de vacances avec mon caméscope. Je me souviens de l'enthousiasme d'alors et plus encore, d'une déléctation à me remémorer ces souvenirs heureux, bien que je n'avais pas encore le recul nécessaire pour les apprécier à leur juste valeur.
Mais c'est davantage le parallèle avec un autre évènement de cette même année qui va ici nous intéresser. Tout va aller vite, à l'image de l'expansion des réseaux actuels, alors ne perdez pas le fil ! Je parle bien sur de l'invention ( quoique je n'aime pas le comparer à des hommes comme Einstein ou Tesla .. ) de Mark Zuckerberg. Avec la possibilité d'entretenir un mur Facebook dès 2004, on a d'abord cherché à exposer des éléments de notre vie privée aux yeux de tous. Ah, pardon ! Aux yeux de nos "amis" ! Vous allez vite comprendre que cette distinction ne va pas tarder à s'avérer évanescente.. Le fait est que ce mur Facebook a permis un dédoublement de la personnalité. On va chercher à être quelqu'un de différent dans ce nouveau monde, virtuel, qui se présente à nous. Pour que les autres le remarquent, bien entendu. Le nombre de "likes" sur la photo de profil en dit long sur le sujet.. Il n'est pas étonnant dès lors, que certaines personnes vont même jusqu'à retoucher leurs photos de profil sur Photoshop pour atteindre la perfection ! Narcisse n'est jamais bien loin dans l'inconscient collectif d'aujourd'hui..
Passons à présent en 2007. Vous vous rappelez de l'arrivée de l'Iphone? Bien évidemment, étant donné qu'il est le père de tous les "smartphones" qui pullullent aujourd'hui aux quatres coins du monde. Ce présurseur du téléphone intelligent a permis de capter Internet même loin de chez soi, et d'accèder ainsi à de nouvelles applications ( comme si l'iPod n'en proposait déjà pas assez ! ). On peut appeler, envoyer des SMS, tout en se divertissant. En d'autres termes, on peut dédoubler le temps grâce à lui, au point d'oublier l'environnement dans lequel on évolue au même instant. Etre à la terrasse d'un café, discuter avec des amis et observer l'environnement, quoi de plus ringard ?! Et surtout, quoi de plus ennuyant, maintenant qu'on a commencé l'aventure " Candy Crush " et qu'un mec au lycée en est déjà au niveau 146.. Plus de temps à perdre ! Le temps va être à partir de là encore plus volatile, car il va jongler sans cesse entre réel et virtuel . Et ce, toujours plus rapidement.
Faisons un autre bond dans le temps, si vous voulez bien. En 2011, marquée par l'arrivée de "Snapchat". J'aurais pu tout aussi bien m'attarder sur "Instagram", sorti un an auparavant mais cette application n'est pas selon moi la plus révélatrice du facteur de l'éphéméréité. Le fait que les photos de " Snapchat " s'effacent au bout de 10 secondes va emmener les gens qui utilisent cette application à la sous-estimer, c'est à dire à moins surveiller ce qu'ils y publient, comme sur Facebook par exemple. Après tout, si une photo est loupée, les potes ne pourront se moquer de nous qu'une poignée de secondes et l'auront vite oubliés. Ce qui nous amène à nous mettre en scène, à élaborer de nouveaux concepts vis à vis d'une instantanéité qu'on croît dominer. C'est là que " Snapchat " fait fort, puisqu'il dédouble à la fois la temporalité et la personnalité de ceux qui l'utilisent. On va chercher à capter tout et n'importe quoi, même le détail le plus insignifiant de notre vie quotidienne ( les fameuses jambes nues en vogue sur Instagram avec la mer en arrière plan, le repas qu'on prend avec sa chérie ... ) pour montrer qu'on est toujours actif. Autrement dit, que l'on interfère sans cesse sur notre présent en se forgeant au fur et à mesure notre propre personalité, grâce à nos appareils mobiles. Les brêches que le mur FB a révélé sur le côté narcissique de l'homme ne se sont pas refermées depuis lors. Bien au contraire, elles ne représentaient que les prémices du processus que je m'efforce de retracer ici, à savoir la perte de mobilité de l'homme dans le monde réel à mesure qu'il s'efforce d'en gagner dans le monde virtuel. Inutile de préciser que son style de vie en est complètement bouleversé.
C'est là qu'arrive mon hypothèse, à savoir : Si les appareils mobiles et les applications en tout genre continuent à dédoubler le temps ainsi que la personnalité de l'individu qui s'en sert, pourquoi ne s'intégreraient-ils pas, à terme, au sein même de la personne, tels des puces implantées? Il ne s'agirait pas encore là d'une forme d' intelligence artificielle, même si on en est pas loin. Je parle simplement d'une "caméra" captant chaque évènement de notre vie quotidienne, qu'on peut par la suite revoir à sa guise, et surtout partager à notre entourage. Cette puce pourrait aussi très bien nous rappeler notre agenda, nous indiquer la météo.. En somme, agir comme un appareil mobile lambda, mais qu'on aurait plus besoin d'extirper de sa poche ( cela nécessite un certain effort physique, vous savez.. ). C'est le sombre tableau que dépeint l'épisode 3 de la saison 1 de la serie "Black Mirror".
On en arrivera jamais à ce point là, vous dîtes? L'homme saura restreindre le progrès, dès lors que celui-ci franchira un seuil de "nuisibilité", vous croyez? Force est de constater qu'à la vitesse où vont les choses, il y'a de quoi se poser des questions... Ce n'est pas un vieux réac rabougri qui vous dit cela, mais un jeune homme de 18 ans, qui a essayé à tout prix de ne pas être "has been", de se lancer dans la course aux nouvelles technologies coûte que coûte... Avant de prendre conscience qu'il aimait bien aussi vivre simplement, comme dans son jeune âge, où les actions naïves qu'il entreprenait se tranformaient en images par la suite, qu'il observait d'un oeil vif, seul ou avec ses parents. Tout ça grâce au bon vieux caméscope qui en était alors à son âge d'or ! Une scène conviviale, en somme. Je ne pense pas que les soirées branchées " entre puces " seront aussi chaleureuses. Pour échanger avec ses semblables, l'homme doit être ouvert. Un adjectif qui, à première vue, n'est pourtant pas en inadéquation avec ce que peuvent apporter les appareils mobiles. Il y'a même de quoi friser l'oxymore ! C'est pourtant le risque à ne pas vouloir limiter un usage qui s'est démocratisé depuis longtemps, tournant de plus en plus à l'obsession, notamment chez les jeunes ...Là encore, rien de moraliste. Simple constat: c'est lorsqu'on commence une activité de plus en jeune qu'elle prend par la suite une tout autre dimension chez nous. L'usage des nouvelles technologies ne déroge pas à la règle. En définitive, c'est lorsqu'on sait s'en dissocier que les appareils mobiles ont le plus à nous apporter.