Vide.
Adelphine
Le mal du bruit. Le bourdonnement dans le bide. « Que crois-tu qu'il arrive ? » C'est juste l'émotion, qui entaille, qui retourne bruyamment le cœur à coups d'épée. C'est rien, c'est juste l'expression. C'est l'entassement. L'encrassement de larmes, un tout de rien, un tas de refoulement. Je t'ai vu avoir peur de ça. Avoir peur d'aimer, et ton regard avoir la peur de souffrir.
« Je crois que c'est bien plus différent que de trouver l'espoir dans une bouteille. C'est plus différent, que de lier nos vies à celles des autres par des serments. En réalité, ça peut être moins percutant. Ça pourrait nous rendre moins fragile. Ça peut nous immuniser contre le mal. Le vide est moins percutant, oui. Il ne déborde pas d'un tremplin d'émotions. Il nous garde à l'abri de l'attachement, et nous rend statique, impassible face à la perte. »
J'avais envie de dire que tu avais vraiment touché le fond, mais au sens propre du vide, les mots à nus, tu tombes encore. Le vide te garde encore dans sa chute, t'éloignant de la surface, contre toutes chances de redonner un souffle, une respiration à la vie.
Et t'entends ? Le cri. Ça cri la famine là dedans, ça réclame la soif de lumière. On y voit rien, on marche dans le noir, tâtonnant en vain les murs pour essayer de trouver une sortie. Et comme si c'était préétablie en permanence, il n'y a pas de sortie. Alors le corps pèse dans une ombre, s'ankylose dans la terre. Amorphe. La vie s'oppose aux jours et la faim s'abandonne doucement de l'intérieur.
Ça en valait le coup ? Ça en valait vraiment le coup ? Tu crois ça, toi ? Moi je n'y croyais pas. Je ne pouvais pas même pour la plus petite des secondes, m'imaginer, toi, bras ouverts, embrassant le sol. Vénérant ta chute. Et aujourd'hui, je suis là, à fixer les minutes, la longueur de la plus petite seconde existante, en étant la plus vulnérable. Parce que je n'ai rien pu faire. Je suis à cour de mot. C'est ironique de le dire, mais je me sens vide. Vide de sens. Je vois la paix qui se moque de toi, l'humanité qui se barre de toi. Et moi, je me pardonne de toi. Je finirai bien par m'abandonner de nous. Du mauvais instinct qui nous à fait croire en tout, alors que tout était différent de ce que tu m'as fait croire. C'est pas beau, c'est moche tout ça. Toi, la silhouette, tu fais pitié à errer contre ta volonté. On dirait un pantin, un machin qui titube, qui se cherche car il n'est plus. Le néant a supprimé ce que j'aimais.
Tu m'as volé ce que tu étais, tu m'as laissé dans mes émotions me poignardant. Et moi j'essaie de faire avec. J'essaie de faire avec elles, j'essaie de garder l'humanité qu'il me reste. J'essaie de ne pas finir comme toi. De ne pas laisser le désespoir me consumer. Je ne me laisserai pas mourir car je vois bien que tu étais plus utile à la surface que six pieds sous terre. Alors autant être utile. Pourtant j'ai l'impression que tu m'enterres avec toi. Et ça, ça ne me quitte pas, car c'est ta perte, qui m'a moitié meurtrie avec toi, m'a meurtrie de chagrin.
Lui il était le vivant, le gagnant. C'était quelqu'un de bon, de courageux. Mais c'était celui qui avait eu la vie, dont personne n'aurait voulue. On l'a enfermé, pour le guérir de cette vie. Lorsqu'il est sorti, il a dit que ça n'était pas en rentrant qu'il était fou, mais en sortant. C'est la solitude qui l'a tué.