Vie de pomme

Marie Barré

Je donne la parole à une pomme.

"Moi j'aurais voulu être une fraise. Si j'avais eu le choix, je serais  une fraise. Pas une pomme.

Les fraises c'est joli, avec leur belle couleur rouge. C'est bon les fraises, tout le monde aime ça, même les enfants. Et puis elles se font attendre les fraises, elles se font désirer. On ne les voit pas toute l'année sur les étals. Contrairement aux pommes.

Et puis on ne les cuit pas, en général, et on ne les épluche pas. Contrairement aux pommes.

Parce que je peux vous dire qu'être épluchée et cuite ça n'a rien d'agréable. J'en ai fait l'expérience hier, je sais de quoi je parle.

Et maintenant je suis (enfin ce qu'il reste de moi) au frigo, à me peler les pépins que je n'ai plus, réduite en tarte. Même pas  une belle, une tatin ou une normande, une banale tarte aux pommes. Si j'avais été une fraise j'aurais fini en tarte avec une belle crème pâtissière, entourée de chantilly ou encore en melba, ça aurait eu plus de gueule, excusez moi l'expression.

Et avant d'arriver à ce triste sort, après des jours passés sur l'étal d'un supermarché, à me faire tripoter pars des pognes sales, sous une lumière artificielle blafarde (bonjour le teint !), j'étais suspendue à un arbre figurez vous. Pas au sol comme les fraises, non, en haut d'un arbre. Seulement moi, j'ai le vertige !"

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