J'te raconte un peu ?
aki
Y'en avait ici et là, un peu partout à vrai dire, des invertébrés titubant à l'aube des nouveaux jours, gardiens des premiers tableaux que laisse échapper le bitume au loin, quand la chaleur prend le dessus. Des parias pourtant loin de tout, des cœurs errants complètement hors du temps, comme si tout était possible, et que rien ne se défaisait bien au contraire.
Ils étaient quelques uns comme ça, chaque matin, au p'tit jour j'te le dis ;
des mélancoliques, des assommés, des troubadours, des vagabonds, des délivrés, à vrai dire j'en sais rien.
Tout ce que je sais c'est qu'ils en voulaient.
Ils en voulaient, ils en voulaient, ils en voulaient à tout et n'importe quoi.
Ça se voyait, dans leurs fringues, leur dégaine, ça coulait dans leurs veines. On aurait dit qu'ils portaient toutes les crasses du monde, comme si tout était salop, que rien n'était beau, et qu'on avait perdu le flambeau.. et en même temps, ils avaient tout compris.
Même si pour eux tu vois, y'avait rien de fichu, ils en étaient convaincus et ils se battaient pour ça. Alors dans les ruelles, là où les nuits sont froides mais belles j'te jure, ils se pavanaient comme des coqs chantant des hymnes encore inconnus, gueulant, pleurant parfois mais à chaudes larmes, parce que y'a qu'ça de vrai.. et puis là, tout d'un coup, comme s'ils se transformaient, voilà qu'on les voyait, ils décollaient, ils flottaient au dessus du sol, et ils s'envolaient, enivrés par la parole, soulé par les fariboles, mais curieux de goûter à tout, et sans tarder.
Parce que.. Ouais, faut pas tarder.
Y'a trop de choses à exaucer.